L’ancien président d’Afrique-du-Sud était
hospitalisé à Pretoria depuis le 8 juin dernier à la suite d’une infection
pulmonaire.
Nelson Mandela est mort.
L'information a été révélée par l'actuel président Jacob Zuma. L’ancien président
d’Afrique-du-Sud avait été hospitalisé à Pretoria du 8 juin au 1er
septembre dernier à la suite d’une infection pulmonaire. Le Prix Nobel de
la paix, qui a eu 95 ans le 18 juillet, était considéré comme un véritable
saint dans son pays.
L’ancien président
sud-africain incarne aux yeux du monde les valeurs de pardon et de
réconciliation pour avoir arraché l’Afrique du Sud au régime raciste de
l’apartheid et renoncé à toute vengeance contre la minorité blanche qui l’avait
emprisonné durant 27 ans.
«Le pardon libère l’âme, il fait disparaître la
peur. C’est pourquoi le pardon est une arme si puissante» : Prix Nobel de la paix 1993, Mandela avait résumé,
en une phrase devenue mythique, la vision du monde et de l’humanité qui a fait
de lui l’un dirigeants les plus populaires du 20e siècle.
En prison, puis lors des
négociations qui ont conduit à la chute du régime, et enfin comme président, il
ne s’est jamais départi de cette fermeté sereine qui a fait sa réputation:
intransigeant sur ses objectifs, il a aussi toujours traité les autres, y
compris ses geoliers, avec respect et humanité.
Qualifié un jour d’ «icône mondiale de la
réconciliation » par Desmond Tutu,
l’une des hautes figures de la lutte anti-apartheid, Mandela le pragmatique n’a
jamais prôné ni religion ni idéologie. Juste un humanisme à l’africaine,
profondément nourri de la culture de son peuple, les Xhosas.
Ni Lénine ni Gandhi, celui que ses compatriotes
appellent affectueusement «Madiba»,
de son nom de clan, ne s’est jamais enfermé non plus dans une ascèse
révolutionnaire. Jeune homme, il aimait le sport - il fut boxeur amateur --,
les costumes bien taillés, et entretenait joyeusement une réputation de
séducteur.
«Loin d’assumer un rôle
divin, Mandela est au contraire pleinement et absolument humain: l’essence de
l’être humain dans tout ce que ce mot devrait, pourrait signifier», a écrit sa
compatriote Nadine Gordimer, Prix Nobel de littérature.
«Il a souffert et végété en prison pendant plus
d’un tiers de sa vie, pour en sortir sans un mot de vengeance», note Mme Gordimer: «Il a supporté tout cela, c’est
évident, non seulement parce que la liberté de son peuple est son souffle
vital, mais parce qu’il est l’un de ces rares êtres pour qui la famille humaine
est sa propre famille».
Ses actes, magnifiés par
de semblables hommages, ont fini par créer autour de Mandela une sorte de culte
qu’il n’a jamais souhaité. «L’un des problèmes qui m’inquiétaient profondément
en prison concernait la fausse image que j’avais sans le vouloir projetée dans
le monde», dit-il lui-même un jour à un journaliste : «On me considérait comme
un saint. Je ne l’ai jamais été». «Sauf si vous pensez», ajouta-t-il non sans
malice, «qu’un saint est un pécheur qui essaie de s’améliorer».
«Celui par qui les ennuis arrivent»
Né le 18 juillet 1918 dans
le petit village de Mvezo, dans le Transkei (sud-est) au sein du clan royal des
Thembu, de l’ethnie xhosa, le futur leader de la rébellion noire est prénommé
par son père Rolihlahla: «Celui par qui les problèmes arrivent».
C’est son institutrice,
conformément à la pratique de l’époque, qui lui attribue arbitrairement le
prénom de Nelson à son entrée à l’école primaire.
Rebelle précoce, il commence sa vie par deux ruptures: étudiant, il est exclu de
l’université de Fort Hare (sud) après un conflit avec la direction. Peu après,
il fuit sa famille, à 22 ans, pour échapper à un mariage arrangé. Il débarque,
plein d’espoir, à Johannesburg la tumultueuse où il découvre la ségrégation
raciale. Peu à peu se forgent une conscience politique et un goût pour le
militantisme qui vont l’éloigner de sa première épouse, Evelyn, et le jeter
dans les bras d’une pétillante infirmière de 21 ans, Winnie.
Avec Walter Sisulu, Oliver Tambo et d’autres jeunes
loups, il prend rapidement les rênes de l’ANC, le Congrès national africain, pour porter la lutte
contre le régime blanc, qui «invente» en 1948 le concept d’apartheid: le
«développement séparé des races». Après le semi-échec de campagnes de
mobilisation non violentes, inspirées des méthodes du Mahatma Gandhi, l’ANC est
interdit en 1960. Mandela, arrêté à plusieurs reprises, passe à la
clandestinité, et décide d’engager le mouvement sur la voie de la lutte armée.
Capturé, il est emprisonné en 1964 et bientôt
envoyé au terrible bagne de Robben Island, au large du Cap. Pendant des années, sous un soleil de plomb, dans
une poussière qui va endommager ses poumons à jamais, il casse des cailloux.
Sans jamais s’avilir. Au contraire, il cherche à pénétrer l’âme de ses ennemis.
En apprenant leur langue, l’Afrikaans. En s’efforçant de comprendre et d’aimer
leurs plus grands poètes.
Ni brisé ni amer
«Je savais parfaitement»,
note-t-il, «que l’oppresseur doit être libéré tout comme l’opprimé. Un homme
qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de sa haine, il est enfermé
derrière les barreaux de ses préjugés (...) Quand j’ai franchi les portes de la
prison, telle était ma mission: libérer à la fois l’opprimé et l’oppresseur».
Vingt-sept ans plus tard,
en 1990, le voilà libre. Ni brisé, ni amer. Et c’est en homme libre qu’il
négocie avec le régime à bout de souffle l’organisation d’élections enfin
universelles et démocratiques. Triomphalement élu président en 1994, il prône
la réconciliation entre les races. Le film «Invictus» retrace l’épisode,
glorieux, où l’on voit «Madiba» utiliser l’équipe nationale de rugby, symbole
de la puissance blanche afrikaner, pour souder noirs et blancs dans l’euphorie
partagée d’une victoire en coupe du monde.
Mandela, dont la vie fut accaparée par la lutte
politique, n’a jamais réussi à mener
une vie familiale «normale». Mais, charmeur et facilement charmé, il rechercha
toujours la compagnie des femmes, comme en témoignent maintes idylles et trois
mariages.
Il a eu six enfants de ses
deux premières unions, deux filles et deux garçons avec Evelyn, deux filles
avec Winnie. Trois de ses filles sont encore vivantes, ainsi que dix-sept
petits-enfants et douze arrière-petits-enfants.
Divorcé de Winnie, il
s’est marié une troisième fois en 1998, le jour de ses 80 ans, avec Graça
Machel, veuve de l’ancien président mozambicain Samora Machel, prononçant des
mots touchants sur la grâce de tomber amoureux.
Symboliquement, la toute
dernière apparition publique de » l’icône mondiale » n’avait pas été réservée à
ses compatriotes, mais à l’humanité tout entière : il avait salué la foule le
soir de la finale de la Coupe du monde de football 2010 en Afrique du Sud, en
direct devant plusieurs milliards de téléspectateurs.
APL
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