La Commission européenne devrait suspendre, pendant
deux ans à compter du 1er décembre, l'utilisation de trois
insecticides impliqués dans le déclin accéléré des abeilles domestiques (Apis mellifera). Après un vote, lundi 29 avril en Comité permanent
de la chaîne alimentaire et de la santé animale, quinze Etats de l'Union se
sont prononcés favorablement à la proposition de Bruxelles d'interdire
l'imidaclopride, la clothianidine et le thiaméthoxame sur quatre grandes
cultures (maïs, colza, tournesol, coton).
Ces molécules, appartenant
à la famille dite des néonicotinoïdes, sont les insecticides les plus utilisés
au monde en agriculture et sont, depuis plus d'une dizaine d'années, suspectés
d'être un élément déterminant de l'effondrement des populations d'abeilles et
de pollinisateurs sauvages (bourdons, abeilles sauvages, papillons, etc.). La
proposition avait échoué, le 15 mars, à obtenir une majorité, mais la
Commission avait fait appel de ce premier vote.
Au total, quinze Etats
membres ont voté favorablement, huit défavorablement et quatre se sont
abstenus. La France et l'Allemagne ont voté pour la suspension, tandis que
l'Italie – qui avait pourtant voté dans le même sens en première instance – a
cette fois voté contre la proposition de la Commission. Le Royaume-Uni a été le
plus activement engagé contre la suspension des trois molécules.
"VITALES POUR
NOTRE ÉCOSYSTÈME"
Dans une lettre révélée
dimanche (en anglais) par l'hebdomadaire The
Observer, adressée à la firme Syngenta – qui commercialise
notamment le Cruiser, un produit à base de thiaméthoxame – le ministre
britannique de l'environnement, Owen Paterson, explique que Londres "a été très actif" dans
l'organisation de l'opposition à la proposition de Bruxelles. Et ajoute : "Nos efforts continueront et s'intensifieront
dans les prochains jours."
La proposition de la
Commission repose sur un rapport d'expertise rendu par l'Autorité européenne de
sécurité des aliments (EFSA), selon lequel les trois néonicotinoïdes présentent
un risque pour les abeilles. "Bien
qu'une majorité des Etats membres soutiennent désormais notre proposition, la
majorité qualifiée nécessaire n'a pas été atteinte, a déclaré le
commissaire européen à la santé des consommateurs, Tonio Borg . La décision incombe désormais à la Commission. Du
fait que notre proposition est fondée sur un certain nombre de risques pour la
santé des abeilles identifiés par l'EFSA, la Commission avancera avec ce texte
dans les prochaines semaines."
"Je m'engage à
faire mon maximum pour assurer que nos
abeilles, qui sont si vitales pour notre écosystème et contribuent chaque année
à 22 milliards d'euros à l'agriculture européenne, soient protégées",
a-t-il ajouté.
Stéphane Foucart
Pesticides : pitié pour les abeilles !
En déplacement dans la Sarthe, le ministre de
l'agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé, vendredi 8 février, un plan de
soutien triennal à la filière apicole. Celle-ci en a bien besoin. Le nombre
d'apiculteurs français a chuté de près de 40 % au cours de la dernière
décennie.
Mais M. Le Foll aurait pu
se soucier aussi des abeilles. Car, sans elles, pas d'apiculture. Le ministre
de l'agriculture aurait pu saisir cette occasion pour se pencher sur les
insecticides néonicotinoïdes, de plus en plus soupçonnés d'être la cause
majeure du déclin des abeilles. Il l'avait fait en juin 2012, en interdisant
l'un de ces produits sur le colza. Hélas ! Les annonces du ministre ne
comportent pas de nouvelles mesures d'interdiction.
Retirer à l'ensemble des
néonicotinoïdes leurs autorisations de mise sur le marché ne relèverait ni
d'une application maximaliste du principe de précaution ni d'une lubie
écologiste. Cette nouvelle classe d'insecticides est d'une foudroyante
efficacité. Ses représentants – Cruiser, Gaucho, Poncho, etc. – ont été
déployés dès le milieu des années 1990 et sont principalement utilisés en
enrobage des semences sur les grandes cultures. Le principe est simple : la
plante s'imprègne du produit et devient toxique pour les insectes, tout au long
de sa croissance.
Le déploiement de cette
technologie de protection des plantes s'est accompagné d'une forte accélération
du déclin des insectes pollinisateurs. Or, depuis plus de dix ans, de
nombreuses études, menées en laboratoire, montrent une variété d'effets
toxiques inattendus, attribuables aux néonicoti-noïdes : désorientation des
insectes, perte des fonctions cognitives, synergie avec des pathogènes
naturels, etc. Certains de ces effets se manifestent à des expositions de
l'ordre d'une fraction de milliardième de gramme.
Le phénomène est mondial
et massif, comme l'utilisation de ces produits phytosanitaires, qui s'est
répandue dans plus d'une centaine de pays. Ces insectes sont, selon
l'expression même de M. Le Foll, "indispensables à la vie végétale".
Ils sont également indispensables à la production d'un tiers de notre nourriture.
L'Autorité européenne de
sécurité des aliments (EFSA) a fini par reconnaître, au printemps 2012, que les
tests réglementaires qui ont conduit à l'homologation de ces molécules ne
permettaient pas d'en évaluer les risques.
Ces nouveaux produits sont
en effet très différents de ceux qui sont appliqués épisodiquement sur les
cultures : ils les imprègnent, certes à faible dose, mais en permanence et sur
des millions d'hectares... L'Autorité européenne de sécurité des aliments vient
aussi de reconnaître, avec un retard considérable, que ces produits
présentaient un risque pour les abeilles...
En conséquence, la
Commission européenne propose de suspendre, pendant une durée de deux ans,
trois de ces molécules controversées, sur certaines cultures. Cette proposition,
à laquelle s'en remet Stéphane Le Foll, n'est pas conforme à l'état des
connaissances. Ces produits persistent plusieurs années dans l'environnement,
et leur propagation est connue de manière très imparfaite. Avant d'annoncer un
plan d'aide à la filière apicole, il aurait fallu, de toute urgence, avoir le
courage d'interdire ceux qui demeurent autorisés.
APL
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