Appel des économistes pour une VIe République, contre la finance et l’austérité
Plus de 60 économistes se prononcent pour une 6ème République et soutiennent la marche du 5 mai. Dénonçant une « République à bout de souffle », ils en appellent à « une tout autre politique économique tournée vers la satisfaction des besoins sociaux et la transition écologique ». Parmi les signataires, on retrouve notamment : Frédéric Boccara, Marc Bousseyrol, Laurent Cordonnier, Guillaume Etievant, Bernard Friot, Jean Gadrey, Jacques Généreux, Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Sabina Issehnane, Pierre Khalfa, Dany Lang, Philippe Légé, Christiane Marty, François Morin, Dominique Plihon, Jean-Paul Pollin, Christophe Ramaux, Jacques Rigaudiat, Catherine Samary, Dominique Taddéi, Stéphanie Treillet, Sébastien Villemot, etc ..
L’affaire Cahuzac est révélatrice d’une
République à bout de souffle. La défiance vis-à-vis des institutions et
la conviction que les responsables politiques sont devenus impuissants
face à la crise – quand ils ne sont pas corrompus – minent le régime et
conduisent un nombre croissant de nos concitoyens à se réfugier dans
l’abstention, voire, pour une partie, à rechercher des boucs émissaires
et à adopter les discours ethnicistes de l’extrême droite. Les racines
de cette situation touchent à la fois à la soumission des gouvernements à
la logique du capitalisme financiarisé, à leur adhésion à une
construction européenne qui se fait contre les peuples, à la nature
antidémocratique des institutions de la cinquième République et à
l’endogamie entre les milieux d’affaires et les hauts responsables au
pouvoir. Aussi, le basculement de certains de ces responsables
politiques dans la délinquance financière ou fiscale n’est pas la dérive
personnelle de quelques moutons noirs, mais bien le prolongement
logique du sentiment d’irresponsabilité et de toute-puissance qui habite
cette nouvelle oligarchie politico-financière. Les appels à la morale
individuelle et à plus de transparence ne seront donc qu’un emplâtre sur
une jambe de bois si des mesures à la hauteur de la situation ne sont
pas prises.
Sur le plan économique, la première est
d’arrêter les politiques d’austérité : désastreuses socialement, elles
sont stupides économiquement, étant incapables même de répondre à
l’objectif qu’elles se sont fixé, la réduction des déficits. La deuxième
est d’en finir avec la domination des marchés financiers sur la vie
économique et sur la société, ce qui passe par un contrôle social des
banques, la séparation organisationnelle stricte entre banques
d’affaires et banques de dépôts, l’interdiction des produits financiers à
risque et des activités spéculatives (en particulier l’interdiction des
transactions financières avec les paradis fiscaux) et la création d’un
pôle public financier. Il s’agit aussi d’engager une répartition plus
égalitaire du revenu national par une augmentation de la part des
salaires dans la valeur ajoutée, et une réforme fiscale d’ampleur
redonnant en outre des marges de manœuvre à la puissance publique. Bref,
c’est une tout autre politique économique tournée vers la satisfaction
des besoins sociaux et la transition écologique qu’un gouvernement de
gauche se devrait de mettre en œuvre.
Elle devrait s’accompagner d’une
bataille à l’échelle européenne pour la refondation de l’Europe. La
sacralisation de la liberté de circulation des capitaux et
l’interdiction pour la BCE de financer les États ont donné aux marchés
financiers un véritable pouvoir de veto sur les décisions des
institutions démocratiquement élues, pouvoir qu’ils exercent via les
attaques spéculatives et le chantage à la délocalisation. En finir avec
cette situation et donner aux peuples d’Europe la maîtrise de leur
destin doit être l’objectif de tout gouvernement de gauche. Nul doute
qu’un gouvernement qui engagerait un tel processus aurait un écho
considérable et trouverait nombre d’alliés parmi les peuples étranglés
par les politiques actuelles.
En France, il s’agit d’en finir avec les
institutions de la cinquième République et de redonner du pouvoir aux
citoyens et aux citoyennes dans tous les domaines de la vie politique et
économique. Face à la profondeur de la crise politique, économique et
écologique, la perspective du passage à une sixième République – par le
biais d’un processus constituant impliquant tous les citoyens – est à
l’ordre du jour. La démocratie à tous les niveaux de décisions, voilà
l’essence de la sixième République. Elle devra, notamment, permettre à
la souveraineté populaire de franchir la porte des entreprises.
Aujourd’hui, les actionnaires sont les seuls à décider de la conduite
des entreprises, alors que ce sont les travailleurs qui créent la
richesse. Pour rompre avec cette situation, il faut donc étendre de
manière très importante les droits des salarié-es, notamment donner au
Comité d’entreprise un droit de veto sur les décisions stratégiques et
créer un statut du salarié qui permettra la mise en place d’une sécurité
sociale professionnelle. Et, pour les secteurs de l’économie qui
relèvent directement de l’intérêt général, l’arme de la nationalisation
sous contrôle démocratique pourra et devra être utilisée.
Le manque d’indépendance et de
pluralisme dans le traitement médiatique de l’information économique est
un obstacle à la réappropriation par le peuple de la politique
économique. L’idéologie néolibérale étouffe toute possibilité de débat
démocratique éclairé et argumenté. Dans l’enseignement et la recherche,
la domination de l’école de pensée néoclassique a été instituée, en
contradiction fondamentale avec l’esprit scientifique qui suppose la
possibilité de remise en question des théories. Alors qu’il est de plus
en plus évident que les politiques néolibérales nous conduisent à la
catastrophe économique et écologique, il devient d’autant plus urgent de
permettre l’épanouissement des recherches qui se placent hors du cadre
de pensée de l’orthodoxie actuelle.
Pour toutes ces raisons, nous,
économistes, soutenons la marche citoyenne du 5 mai 2013 pour une
sixième République, contre la finance et l’austérité.
Signataires
Louis Adam, commissaire aux comptesDaniel Bachet, université d’Evry;
Philippe Batifoulier, université Paris ouest;
Nicolas Beniès, université populaire de Caen;
Mathieu Béraud, université de Lorraine;
Eric Berr, université Bordeaux IV;
Jacques Berthelot, ex INP de Toulouse;
Pierre Bezbakh, Paris Dauphine;
Boris Bilia, statisticien-économiste;
Pierre Bitoun, INRA;
Frédéric Boccara, université Paris XIII;
Marc Bousseyrol, Sciences Po Paris;
Mireille Bruyère, université Toulouse 2;
Claude Calame, EHESS;
Christian Celdran, Economistes atterrés;
Gabriel Colletis, professeur de sciences économiques université de Toulouse 1;
Pierre Concialdi, économiste-sociologue;
Laurent Cordonnier, université Lille 1;
Jacques Cossart, économiste du développement;
Jean-Paul Domin, université de Reims;
Guillaume Etievant, expert auprès des CE;
David Flacher, université Paris 13;
Bernard Friot, IDHE Paris Ouest;
Maryse Gadreau, professeur émérite à l’université de Bourgogne;
Jean Gadrey, université Lille I;
Véronique Gallais, économiste;
Jacques Généreux, Sciences Po Paris;
Patrick Gianfaldoni, UAPV;
Jean-Pierre Gilly, professeur émérite université de Toulouse;
Pierre Grou, université Versailles Saint-Quentin;
Alain Guery, EHESS;
Bernard Guibert, administration économique;
Jean-Marie Harribey, université Bordeaux 4;
Michel Husson, économiste;
Sabina Issehnane, université Rennes 2;
Andrée Kartchevsky, URCA;
Pierre Khalfa, syndicaliste, membre du Conseil économique, social et environnemental;
Dany Lang, université Paris 13;
Pierre Le Masne, université de Poitiers;
Philippe Légé, université de Picardie;
Marc Mangenot, économiste;
Jonathan Marie, maître de conférences, université Paris 13;
Christiane Marty, économiste;
Pierre Mascomere, actuaire consultant;
Gustave Massiah, économiste, école d’architecture de paris La Villette;
Jérôme Maucourant, économiste;
Thierry Méot, statisticien;
François Morin, professeur émérite;
Nolwenn Neveu, professeure agrégée de sciences économiques et sociales;
Gilles Orzoni, Ecole polytechnique;
Jean-Paul Pollin, université d’Orléans;
Dominique Plihon, université Paris 13;
Nicolas Prokovas, université Paris 3;
Christophe Ramaux, université Paris I;
Gilles Raveaud, Institut d’Etudes Européennes, université Paris 8 St-Denis;
Jacques Rigaudiat, ancien conseiller social des Premiers ministres Rocard et Jospin;
Gilles Rotillon, université Paris-Ouest;
Jean-Marie Roux, économiste;
Robert Salais, Ecole normale supérieure de Cachan;
Catherine Samary, université Paris Dauphine;
Dominique Taddéi, ancien président d’université, ancien Président de la Caisse des dépots et consignations;
Bernard Teper, Réseau Education Populaire;
Stéphanie Treillet, économiste;
Sébastien Villemot, économiste;
Philippe Zarifian, professeur Université Paris Est
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire