Fracturation hydraulique : les pétroliers jugent
qu'il n'y a pas d'alternative. Pas d'alternative à la fracturation hydraulique.
C'est le message martelé par les industriels lors d'une audition parlementaire
sur… les alternatives. Un message d'autant plus important que la technique
redevient d'actualité.
(Photo : Manif de Villeneuve de Berg contre les extractions)
Jeudi 18 avril, l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst)
organisait une audition en vue de son rapport sur les techniques alternatives à
la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des
hydrocarbures non conventionnels. L'occasion pour divers experts de présenter
un état des lieux.
"La fracturation hydraulique à base d'eau est
selon nous la technique fiable et éprouvée", explique Bruno Courme, directeur de Total
Shale Gaz Europe. "Il n'y a pas véritablement d'alternatives",
acquiesce Pascal Baylocq, président du club de réflexion sur les hydrocarbures
de roche mère. "Pour les gaz de schistes, aucune autre technologie
n'est disponible, à notre connaissance", renchérit Gilles
Pijaudier-Cabot, directeur du laboratoire des fluides complexes et leurs
réservoirs. Des avis qui traduisent le message des industriels : la
fracturation hydraulique reste incontournable.
Ce message pourrait peser
lourd, alors que diverses décisions rouvrent subrepticement le débat. En
janvier, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, s'est dit
favorable à l'extraction du gaz de houille, une exploitation qui pourrait
nécessiter le recours à la fracturation hydraulique (voir encart). En février,
le gouvernement a rouvert la procédure d'attribution de permis exclusifs de
recherches de mines d'hydrocarbures. Le même mois, Delphine Batho, ministre de
l'Ecologie, a indiqué vouloir encourager la géothermie à haute température.
Enfin, une question prioritaire de constitutionnalité menace la loi du 13
juillet 2011 interdisant la fracturation hydraulique pour l'extraction
d'hydrocarbures. Si la QPC aboutit, le rapport de l'Opecst aura probablement
une place de choix dans la réflexion du législateur.
Améliorer la
fracturation hydraulique
Les différents risques
associés à la fracturation hydraulique font consensus : la consommation d'eau,
son traitement en surface, la contamination des aquifères, l'empreinte au sol
(environ un hectare pour un cluster réunissant 6 à 8 têtes de puits), la
sismicité induite et les émissions de méthane (bouffées de méthane lors de la
décantation de l'eau en surface).
Quant à la lixiviation des
roches par le liquide de fracturation qui remonte à la surface des métaux
lourds ou radioactifs, le problème n'a pas été évoqué avant que Pierre
Toulhoat, directeur scientifique de l'Ineris, ne s'en inquiète. Le membre du
comité scientifique pour ce rapport de l'Opecst a rappelé que le Sud de la
France, supposé être riche en gaz de schiste, était auparavant une source
d'uranium. Sur ce sujet, le représentant de Total a simplement indiqué ne pas
bien maîtriser la question, renvoyant l'auditoire aux travaux du Centre de
recherche sur la géologie de l'uranium (Cregu).
Les principales pistes
d'amélioration visent donc à réduire les volumes d'eau, à utiliser un liquide
inerte pour réduire la lixiviation, à utiliser des additifs moins toxiques
(issus de l'agroalimentaire notamment) et des proppants (sable ou
céramique) plus légers, à minimiser les risques de fuite vers les aquifères
(cuvelage et cimentation du puits), à améliorer le monitoring des opérations, à
traiter l'eau après fracturation et à limiter l'impact au sol. Selon les
industriels, cette stratégie d'amélioration est la meilleure, voire l'unique,
solution possible.
Autres techniques et
autres problèmes
Quant aux alternatives
disponibles, Total en a listé une quinzaine plus ou moins matures réparties en
cinq catégories. Il y a tout d'abord les techniques de fracturation hydraulique
utilisant d'autres liquides : CO2, azote, hélium, propane ou
méthanol et diesel. Les quatre autres catégories sont la fracturation
électrique, par explosion, mécanique et thermique. Parmi celles-ci, certaines
sont inenvisageables, comme la fracturation par explosion nucléaire (déjà
testée mais qui donne des résultats catastrophiques, rapporte Bruno Courme).
Restent quelques techniques qui ont monopolisé les débats.
Il s'agit tout d'abord de
la fracturation au propane. John Trash, directeur général de ecorpStim, a
expliqué que l'on injecte du propane liquide qui fracture la roche en se
dilatant dans le sous-sol. Il est ensuite récupéré en surface pour être
réutilisé. Quelque 1.500 fracturations de ce type ont déjà été réalisées dans
le monde. Le principal intérêt est d'"utiliser un fluide moins
stratégique pour l'environnement", a estimé Gilles Pijaudier-Cabot,
ajoutant que cette substitution réduit la viscosité du liquide permettant une
meilleure pénétration du réseau de failles. Pour François Kalaydjian, le
propane étant inerte, il ne remobilise pas les métaux enfouis dans le sous-sol.
Ce n'est pas le cas du CO2 ou de l'azote qui, comme l'eau,
nécessitent des adjuvants. Il s'agit finalement, à l'heure actuelle, d'"une
technologie relativement mature", estime le directeur adjoint
ressource de l'IFPEN.
Mais cette technique a un
gros défaut qui la discrédite aux yeux de Total : le stockage de 200 à 400 m3
de propane sur le site pose des questions de risque industriel et chaque cluster
serait alors soumis à la directive Seveso. Des "protocoles
renforcés" permettent de gérer ce danger, défend John Trash, évoquant
des talus de protection, une distance minimale de 300 m par rapport aux
riverains et la présence de pompiers prêts à intervenir.
La fracturation électrique
utilise des arcs électriques qui induisent des ondes de pression et fracturent
la roche. Au moins deux équipes travaillent sur le sujet au Texas et en Chine.
La technique fonctionne relativement bien mais les fissures obtenues sont
courtes. Il faudrait donc multiplier le nombre de puits alors que les
exploitants souhaitent au contraire limiter l'impact au sol. Ce n'est "pas
viable", estime Bruno Courme. François Kalaydjian est moins affirmatif
et souligne que si le réseau est moins étendu, il est plus dense, ce qui
contrebalancerait l'effet négatif.
Quant aux techniques
thermiques, qui consistent à chauffer la roche, elles permettent de transformer
les hydrocarbures lourds en huile ou d'assécher la roche mère pour le gaz de
schiste, explique Gilles Pijaudier-Cabot. Cette technique est développée par
Shell depuis les années 1990 et a donné lieu à un test réussi en 2007 sur un
gisement d'huile aux Etats-Unis.
Fracturation,
stimulation, massage…
Enfin, les intervenants
utilisent différents termes pour parler de la fracturation hydraulique, ce qu'a
relevé l'auditoire. Qu'il s'agisse de "fracturation", de
"stimulation" ou de "massage" de la roche mère, il s'agit
toujours de rouvrir un réseau de fissures de quelques millimètres de large et
de quelques dizaines de mètres de long. De même, les intervenants insistent
tous sur le fait que la technique est connue et utilisée depuis longtemps dans
le domaine pétrolier et en géothermie. D'ailleurs, Jean-Pascal Simard,
directeur relations publiques de Vermillon, rappelle que son groupe a effectué
15 fracturations en France entre 2002 et 2008 et deux supplémentaires en 2010.
Certes, mais la sémantique
est importante, insiste Bernard Tardieu, président de la commission Energie et
Climat de l'Académie des sciences, expliquant être "gêné" par
ce qui s'apparente à une édulcoration des termes. C'est "un procès
d'intention", répond Bruno Courme, ajoutant que le terme
"stimulation" est le plus proche de la réalité car l'opération vise à
rouvrir des failles existantes.
Pour le représentant de
Total, la stimulation correspond aux "opérations visant à améliorer la
capacité d'un réservoir à laisser débiter le fluide qu'il contient vers le
puits". Une pratique répandue, que ce soit pour améliorer le taux de
récupération d'un gisement ou pour extraire certains hydrocarbures non
conventionnels. Celle-ci peut être chimique, c'est-à-dire qu'on utilise par
exemple un acide, ou mécanique, on parle alors de fracturation hydraulique.
Et
le gaz de houille ? C'est Pierre Toulhoat et Bernard Tardieu qui pointent la
nécessité, dans certains cas, de recourir à la fracturation hydraulique pour
extraire le gaz de houille. Si la houille est
naturellement fissurée, la perméabilité n'est cependant pas toujours suffisante
en particulier lorsqu'on s'éloigne des anciennes mines de charbon. Ainsi, le
bassin houiller français serait globalement deux fois moins perméable que le
bassin nord américain, selon des études citées par le directeur scientifique de
l'Ineris.
Frederic Briens, directeur général de European Gas Limited (EGL) qui détient des permis en France, explique en substance qu'actuellement les forages d'EGL sont placés à une centaine de mètres des anciens puits miniers et que la perméabilité y est dix fois supérieure au minimum requis.
Frederic Briens, directeur général de European Gas Limited (EGL) qui détient des permis en France, explique en substance qu'actuellement les forages d'EGL sont placés à une centaine de mètres des anciens puits miniers et que la perméabilité y est dix fois supérieure au minimum requis.
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de l'Ecologie
Film de 1,56mn : http://www.terrealter.fr/voir.php?id=4
2009 Film de 2,30mn : http://www.dailymotion.com/video/xa2yh4_ecologie-au-quotidien_webcam?from=rss
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