Pétition : l’abattage des bouquetins du Bargy
n’était pas justifié !
Le Bouquetin des Alpes a complètement été éradiqué
du territoire français après l’invention de l’arme à feu, et a failli
disparaître de la surface de la Terre au XIXème siècle. Suite à la décision, en
1856, du Roi d’Italie de protéger les derniers individus de la vallée d’Aoste,
le Bouquetin des Alpes a échappé à l’extinction, et a pu être réintroduit dans
de nombreux massifs. Aujourd’hui, le Groupe National Bouquetin (GNB) compte, en
France, environ 10000 individus. (5) Un arrêté ministériel de 1981 interdit la
chasse « en tout temps » de ce paisible et bel animal devenu
emblématique des montagnes.
Toutefois, en Haute
Savoie, dans le massif du Bargy, l’Etat a récemment ordonné l’extermination de
tous les bouquetins âgés de plus cinq ans. Les 1 et 2 octobre 2013, 197
bouquetins ont été abattus ; ce qui pourrait représenter 68% de la
population de bouquetins du Bargy. Pour cacher le massacre, un arrêté
préfectoral a interdit l’accès et le survol du massif durant plusieurs jours.
Cent dix gendarmes, disposés sur les routes et chemins, ont bouclé le
périmètre. De nombreuses carcasses ont été évacuées par hélicoptère, et les
bouquetins suspendus dans le vide ont défilé au-dessus des têtes des habitants
du Bargy. (1)(2) Des opérations plus discrètes seront menées cet hiver.
Cette décision d’abattage
est consécutive à la découverte, en avril 2012, d’une souche de Brucella,
bactérie responsable de la brucellose, dans le lait d’une vache. Depuis cet événement,
des investigations ont été conduites, et ont permis de détecter la présence de
brucellose chez les bouquetins. L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de
l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES) émet l’hypothèse que
les bouquetins aient pu jouer le rôle de réservoir et assurer un relais
silencieux entre le dernier foyer domestique de brucellose (1999) et le foyer
de 2012. (3)
La brucellose peut
infecter l’humain lorsqu’il consomme des aliments au lait cru. En 2012, un
enfant a ainsi été atteint de brucellose suite à la consommation d’un fromage
non-pasteurisé provenant du Bargy. Cette maladie à déclaration obligatoire,
très rare, peut être soignée chez l’homme, peut s’exprimer de multiples
manières, et a un taux de létalité inférieur à 5%. La transmission interhumaine
est quasi inexistante. (3)(4)
Les experts de l’ANSES
estiment que le risque de transmission du bouquetin aux troupeaux domestiques
est faible. L’absence d’infection parmi tous les troupeaux de ruminants
domestiques éventuellement exposés a été démontrée. (9) Il n’est d’ailleurs pas
certain que le bouquetin soit à l’origine des cas observés en 2012 chez des
bovins. « Le seul passage identifié de la brucellose à un bovin est
intervenu dans un site (…) pour lequel le contexte épidémiologique (troupeau
bovin dans un parc clôturé, cantonné en périphérie de l’exploitation, loin des
zones de passage des bouquetins ou même simplement de leur habitat potentiel)
est éloignée d’une logique de transmission inter-spécifique. » (3) Il n’y
avait donc aucune urgence à agir pour l’ANSES. (3) L’Etat n’a pas été à
l’écoute du groupe d’experts.
Une décision prise à
l’aveugle : à propos de la valeur des observations
Le suivi des populations
de bouquetins a seulement démarré au début de l’été 2013. D’après les experts,
avant d’avoir recours à d’éventuelles mesures drastiques, il aurait été plus
sage de recueillir plus d’informations sur la population de bouquetins du
massif et sur la dynamique de l’infection. Le groupe d’experts « insiste
sur l’importance d’un temps scientifique avant la mise en œuvre de mesures de
gestion. » (3) Dans ce contexte, la précipitation de la décision de l’Etat
est hautement critiquable, car elle fait abstraction de considérations éthiques
à l’égard du Bouquetin.
Il n’est pas précisé dans
le rapport du groupe d’experts (3) si les 76 bouquetins testés par prise de
sang étaient représentatifs de la population globale du massif ou s’ils ont été
choisis (par l’ONCFS), au moins partiellement, parce qu’ils présentaient des signes
cliniques évocateurs ; ce qui pourrait constituer un biais statistique.
L’Office National de la
Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), qui a géré le suivi, a en charge deux
secteurs dont les intérêts divergent, et est fortement influencé par le lobby
de la chasse. Le rapport publié en 2012 par la Cour des Comptes interroge sur
la partialité du suivi des bouquetins par l’ONCFS. On y apprend ainsi
que : « l’autorité ministérielle a parfois fait preuve d’un laxisme
regrettable », et qu’ « [une] majorité [d’’influence de représentants
des chasseurs] conduit parfois l’ONCFS à être la victime collatérale des
conflits opposant les chasseurs et les (…) associations de protection de la
nature ». « Les formateurs ont établi et signé des certificats portant
des indications erronées (…). » « L’insuffisante diversification des
partenariats de l’établissement dans ses activités d’observation, d’études et
de recherche nuisent à l’indépendance et à la reconnaissance de certains
travaux de l’ONCFS concernant les espèces chassables ». (6) S’appuyant
exclusivement sur les observations effectuées par l’ONCFS (dont l’indépendance
est remise en cause par la Cour des Comptes) et par « la fédération
départementale des chasseurs de Haute-Savoie », la copie du groupe
d’experts ne serait-elle pas entièrement à revoir ? (3)
L’abattage massif, un très
mauvais choix
La solution choisie,
l’abattage éclair des bouquetins de plus de 5 ans (soit environ 70% de la
population) nuit à l’étude de la dynamique de la maladie : « Il est
(…) essentiel de collecter le maximum d’informations sur ce foyer afin que
l’expérience ainsi acquise puisse servir à une maîtrise appropriée d’éventuels
nouveaux foyers. » « L’abattage ciblé des individus âgés ne
permettrait pas (…) de récupérer des données sur l’évolution de la situation
sanitaire et populationnelle des bouquetins. » (3)
Il est établi que les
bouquetins du Bargy ne se déplacent pas (ou très peu) vers les autres massifs.
Les bouquetins des massifs voisins ne sont d’ailleurs pas atteints de brucellose.
Les experts estiment qu’un abattage massif peut engendrer une fuite de
bouquetins infectés et l’extension du foyer vers d’autres massifs. « Il
n’est pas possible de prévoir la réaction d’une population de bouquetins
soumise à une telle pression de chasse. (…) Il faut envisager l’hypothèse
qu’ils cherchent à fuir vers d’autres massifs (…) par des voies non
identifiées. » (3) En somme, au lieu d’enrayer l’infection, l’important
abattage du 1 et 2 octobre pourrait l’étendre vers d’autres massifs !
La solution choisie aura
des conséquences importantes sur le reste de la faune sauvage. L’utilisation de
balles de plomb est problématique. « Le Gypaète barbu est un oiseau
nécrophage protégé dont le statut en France est très fragile. (…) Mettre à
disposition de cet oiseau des cadavres de bouquetins contenant des fragments de
plomb serait très risqué pour la conservation de cette espèce. » (3)
La majorité des bouquetins
tués n’était sans doute pas malade
L’analyse des
« intervalles de confiance à 95% » révèle qu’il est possible que les
jeunes mâles soient (jusqu’à quatre fois) plus touchés par la maladie que les
plus âgés ! (3, p°36) Bien que précaires (surtout pour les mâles), les
statistiques sérologiques (issues des travaux de l’ONCFS) tendraient soi disant
à montrer que la prévalence de la maladie serait moins importante chez les
jeunes bouquetins, d’où la (contestable) décision d’avoir recours à un abattage
massif en tuant tous les individus de plus de 5 ans (d’après le GNB, les
bouquetins peuvent vivre jusqu’à 25 ans). Malheureusement, de jeunes bouquetins
ont sans doute été tués par erreur, car « la distinction des classes
d’âges (…) est plus incertaine chez les femelles à distance de tir » que
chez les mâles. (3) Tuer des femelles condamne des cabris à devoir survivre
sans leur mère. Lors de l’abattage, de jeunes mâles ont pu être confondus avec
des femelles.
Le type d’abattage choisi
élimine des individus sains : la majorité des bouquetins du Bargy n’est
pas atteinte de brucellose (62% d’après l’ONCFS). D’après le rapport, il n’est
pas exclu de l’intervalle de confiance à 95% que 89% des mâles tués soient
séronégatifs ! (3) Quitte à persévérer dans la voie de l’abattage, il
aurait été plus logique de n’éliminer que des bouquetins malades (abattage
sanitaire), comme le rapport d’experts le préconisait en septembre. « Un
abattage ciblé sur la séropositivité présenterait l’avantage d’écrêter la
population de façon plus harmonieuse et moins brutale (…). Il est raisonnable
de penser que la dynamique des populations ne serait pas brutalement
altérée. » « L’abattage sanitaire présenterait l’avantage de
continuer le suivi sanitaire et populationnel (…), ce qui permettrait un
recueil d’informations amenant à une meilleure compréhension du foyer et
permettrait d’être mieux armé en cas de nouvelle émergence. »
« Concernant le risque de fuite de bouquetins brucelliques [vers les
autres massifs], les experts considèrent qu’il serait encore plus faible que
lors d’un abattage massif. » « Si l’abattage sanitaire permet
d’abaisser suffisamment la prévalence de l’infection, il est possible que la
brucellose ne puisse pas se maintenir dans la population. » Beaucoup moins
brutal que l’opération choisie, l’abattage sanitaire (des animaux malades,
exclusivement) était envisagé dans le rapport des experts, mais
« nécessit[ait] la mise en œuvre de moyens humains et financiers
importants. » Des moyens financiers importants qui mériteraient toutefois
d’être mis en balance avec l’impact de l’abattage drastique sur le tourisme, principal
source de revenu du Bargy, qui était jusqu’à lors favorisé par la présence du
bouquetin. (3)
Il y avait d’autres
solutions !
Laisser faire la
Nature ! Il y a déjà eu un précédent. Un foyer de brucellose a été
identifié dans une population de bouquetins du Grand Paradis (Italie). Ce foyer
s’est éteint de lui-même sans qu’aucune mesure de maîtrise n’ait été
entreprise. (3)
Des mesures sanitaires
rudimentaires. Quoi qu’il en soit, le risque de transmission de la brucellose
du bouquetin à la vache étant déjà exceptionnel, la simple pasteurisation du
lait aurait éliminé le risque de transmission de la vache à l’homme. A défaut,
la surveillance bactériologique mensuelle du lait de mélange « est tout à
fait adapté pour (…) maîtriser le risque pour la santé publique. » (9) En
outre, une rudimentaire surveillance spatiale des troupeaux domestiques permet
de réduire le risque de transmission. (3)
La vaccination. Il existe
un vaccin bovin (7), et la vaccination de toutes les vaches aurait éliminé le
risque de transmission du bouquetin à la vache ! Les bouquetins sont des
caprins, et un vaccin pour les caprins existe. (7) Vacciner les bouquetins
aurait enrayé la progression de la maladie, et aurait pu permettre de n’abattre
aucun animal, car si la transmission est bloquée, la progression de la maladie
(qui peut être asymptomatique ou peu morbide chez le bouquetin) l’est
également ; d’où l’inutilité, dans ce cas, de tout abattage. Faute de
temps, cette solution n’a pas été sérieusement étudiée : « Les
experts disposent de trop peu de temps pour évaluer l’intérêt de la vaccination
dans le cas présent mais soulignent le fait que la vaccination pourrait
représenter une alternative ». « La vaccination sera traitée de façon
plus approfondie dans une autre saisine : les contraintes de temps n’ont
pas permis aux experts de traiter cette question d’une façon
satisfaisante. » (3) Pas le temps de réfléchir, feu !
Il n’y avait pas, pour les
experts, d’urgence à agir dès 2013, il fallait recueillir de nouvelles données
et formuler de nouvelles réflexions avant de prendre une décision ; l’Etat
ne les a pas écoutés, a fusillé 197 bouquetins en 2 jours, et pourrait décider
d’éradiquer les survivants dès le printemps prochain (1) ; et ce, alors
que cette espèce emblématique des Alpes est protégée et interdite de chasse.
Il est possible de protester contre l’abattage des
bouquetins en signant cette pétition : https://secure.avaaz.org/fr/petitio...
Plus de précisions : http://lebruitduvent.overblog.com/b...
Sources :
(1) http://alpes.france3.fr/2013/10/03/...
(2) http://www.ledauphine.com/haute-sav...
(3) http://www.anses.fr/sites/default/f...
(4) http://www7.inra.fr/internet/Direct...
(5) http://groupe-national-bouquetins.f...
(6) http://www.aspas-nature.org/wp-cont...
(7) http://www7.inra.fr/internet/Direct...
(8) http://fr.wikipedia.org/wiki/Brucellose
(9) http://www.anses.fr/sites/default/f...
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