Pourquoi je m’y suis engagé ?
Au moment où nous voyons les effets dévastateurs de notre économie libérale et de la promotion du caprice mondialisé… quand nous apprenons que la faim dans le monde touche maintenant un milliard d’individus… quand beaucoup de Français désespèrent de la politique… l’écologie politique m’apparaît comme une véritable alternative et, pour tout dire, la seule crédible aujourd’hui.
L’écologie politique est fondée, à mes yeux, sur deux principes inséparables :
1) la crise écologique impose de tout mettre en œuvre d’urgence pour sauver notre monde et ceux qui l’habitent,
2) cette entreprise ne pourra être menée à bien qu’en activant tous les réseaux possibles de solidarité entre les humains et cela à tous les niveaux, de la dimension d’un immeuble à celle de la planète, en passant par le quartier, la ville, la région, etc.
Ces deux principes sont inséparables et doivent être tenus ensemble. Parce que la seule mise en œuvre du premier peut engager des actions dans lesquelles les humains seront instrumentalisés par des « experts », ou bien la défense de l’environnement prise comme prétexte pour couvrir des stratégies politiciennes, voire habiller des opérations commerciales en manipulant simplement les émotions individuelles et collectives. Et, parce que la seule mise en œuvre du second, sans une réflexion et un travail sur le long terme, peut engager des actions « productivistes » qui mettront en péril l’avenir même de notre monde. L’écologie politique traite donc simultanément l’urgence écologique et l’urgence sociale. Et elle considère que c’est le seul moyen de faire face à l’une et à l’autre.
En repensant le politique à partir de ces deux principes, l’écologie politique assume l’héritage de toutes celles et de tous ceux qui ont lutté pour l’émancipation des hommes et des femmes, et propose une critique radicale du mode de production actuel.
L’écologie politique assume, en effet, l’héritage républicain de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Elle s’inscrit aussi dans le prolongement du mouvement ouvrier et de l’aspiration à la justice sociale. Elle ressaisit les lignes de force des grandes utopies sociales en les dégageant, tout à la fois, d’un spontanéisme naïf et d’on formalisme fixiste. Elle se nourrit, évidemment, de l’expérience du mouvement coopératif… Mais, en même temps, l’écologie politique remet radicalement en question le modèle productiviste fondé sur la domination de l’homme sur la nature. Elle refuse la maximalisation des rendements, le primat de la consommation, le gaspillage énergétique et l’assujettissement de l’économie aux produits financiers. Elle promeut une conversion économique impliquant le passage à des formes équilibrées de rapport avec la nature, les circuits courts, les échanges équitables, la mutualisation des ressources, l’articulation entre la production et la formation, la promotion de formes nouvelles de « travail » où toutes les initiatives participant au « bien commun » doivent être valorisées.
En effet, l’écologie politique se donne pour objectif de mettre le « bien commun » au centre de toute réflexion et action politiques.
En cela, l’écologie politique se démarque, d’abord, avec une conception traditionnelle de l’intérêt collectif, souvent limité, malheureusement, à « l’intérêt d’un collectif », d’un groupe donné qui ignore qu’il s’inscrit dans un ensemble plus vaste dont il est solidaire. C’est pourquoi l’écologie politique fait de la solidarité entre les peuples et du rétablissement des équilibres entre les pays du Nord et les pays du Sud des axes consubstantiels de son engagement. Mais, l’écologie politique rompt aussi avec l’idée que le « bien commun » serait défini à l’avance par des dogmes ou détenu par des hommes qui auraient vocation à l’imposer. Elle récuse toute conception théologique de la vérité, qui réduit le débat politique à des conflits de chapelles. Elle refuse de poser une quelconque autre condition à l’engagement dans son mouvement que les deux principes sur lesquels elle est fondée. Et elle appelle ceux et celles qui partagent ces principes à travailler ensemble pour élaborer des scénarios d’avenir et les soumettre à tous les citoyens. Dans ce cadre, elle ne refuse nullement les conflits dès lors qu’ils permettent de pointer les dérives, de circonscrire les espaces d’intervention possibles et de réajuster en permanence les actions. Elle fait le pari que toute tension, toute contradiction peuvent être dépassée par des propositions où chacune et chacun se retrouvent et qui permettent à toutes et tous de « sortir par le haut ».
Parce qu’elle place « le bien commun » au centre de la réflexion et de l’action politiques, l’écologie politique promeut une approche globale des phénomènes.
En effet, le « bien commun » ne peut être approché sans mettre en relation tous les domaines, envisager toutes les dimensions des problèmes et chercher en quoi chaque élément occupe dans l’écosystème une place qui lui permet d’intervenir sur tous les autres. Contre les approches bureaucratiques segmentées, l’écologie politique engage des approches résolument pluridisciplinaires et ouvertes. Elle n’isole pas des segments du réel pour agir séparément sur chacun d’entre eux, au mépris des effets que cela pourrait produire sur l’ensemble. Elle récuse l’opposition factice entre « l’environnement » et « le centre », « le contenant » et « le contenu », les méthodes et les objectifs, etc. Parce que tout interagit sur tout, elle se donne les moyens de penser chaque élément en relation avec l’ensemble.
Ainsi conçue, l’écologie politique apparaît comme une manière de rebattre complètement les cartes du jeu politique traditionnel et de renverser la crise que nous traversons en une chance pour le monde, pour les hommes et pour la démocratie.
Car il s’agit bien de prendre le contre-pied de tout ce qui compromet le « monde commun », sans lequel aucun « bien commun » n’est possible. Il s’agit aussi de lutter contre toutes les formes d’individualisme qui séparent les êtres humains, exaspèrent les intérêts particuliers, nous enferment dans le court terme. Il s’agit de permettre à tous les hommes et à toutes les femmes d’avoir prise ensemble et solidairement sur leur destin. Ainsi, en privilégiant, dans chaque territoire, la mutualisation, les circuits courts, les démarches coopératives et l’économie sociale, l’écologie politique peut créer les conditions d’un développement harmonieux. En intégrant, à chaque niveau de décision, les conséquences à distance et à long terme de toutes nos décisions, l’écologie politique peut permettre qu’aucun développement ne se fasse au détriment de quiconque. En plaçant les femmes et les hommes en position d’acteurs de leur vie commune, elle crée les conditions d’un sursaut démocratique plus que jamais nécessaire.
Philippe Meirieu
Dans mon travail de professeur, de chercheur, de militant, de citoyen engagé, j'aime à me référer à une valeur un peu désuète : la probité. Pour consulter le très beau texte d'Edouard Claparède sur la probité et ses corollaires, qui constitue pour moi une référence majeure.
http://www.meirieu.com/pourquoi.htm
Au moment où nous voyons les effets dévastateurs de notre économie libérale et de la promotion du caprice mondialisé… quand nous apprenons que la faim dans le monde touche maintenant un milliard d’individus… quand beaucoup de Français désespèrent de la politique… l’écologie politique m’apparaît comme une véritable alternative et, pour tout dire, la seule crédible aujourd’hui.
L’écologie politique est fondée, à mes yeux, sur deux principes inséparables :
1) la crise écologique impose de tout mettre en œuvre d’urgence pour sauver notre monde et ceux qui l’habitent,
2) cette entreprise ne pourra être menée à bien qu’en activant tous les réseaux possibles de solidarité entre les humains et cela à tous les niveaux, de la dimension d’un immeuble à celle de la planète, en passant par le quartier, la ville, la région, etc.
Ces deux principes sont inséparables et doivent être tenus ensemble. Parce que la seule mise en œuvre du premier peut engager des actions dans lesquelles les humains seront instrumentalisés par des « experts », ou bien la défense de l’environnement prise comme prétexte pour couvrir des stratégies politiciennes, voire habiller des opérations commerciales en manipulant simplement les émotions individuelles et collectives. Et, parce que la seule mise en œuvre du second, sans une réflexion et un travail sur le long terme, peut engager des actions « productivistes » qui mettront en péril l’avenir même de notre monde. L’écologie politique traite donc simultanément l’urgence écologique et l’urgence sociale. Et elle considère que c’est le seul moyen de faire face à l’une et à l’autre.
En repensant le politique à partir de ces deux principes, l’écologie politique assume l’héritage de toutes celles et de tous ceux qui ont lutté pour l’émancipation des hommes et des femmes, et propose une critique radicale du mode de production actuel.
L’écologie politique assume, en effet, l’héritage républicain de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Elle s’inscrit aussi dans le prolongement du mouvement ouvrier et de l’aspiration à la justice sociale. Elle ressaisit les lignes de force des grandes utopies sociales en les dégageant, tout à la fois, d’un spontanéisme naïf et d’on formalisme fixiste. Elle se nourrit, évidemment, de l’expérience du mouvement coopératif… Mais, en même temps, l’écologie politique remet radicalement en question le modèle productiviste fondé sur la domination de l’homme sur la nature. Elle refuse la maximalisation des rendements, le primat de la consommation, le gaspillage énergétique et l’assujettissement de l’économie aux produits financiers. Elle promeut une conversion économique impliquant le passage à des formes équilibrées de rapport avec la nature, les circuits courts, les échanges équitables, la mutualisation des ressources, l’articulation entre la production et la formation, la promotion de formes nouvelles de « travail » où toutes les initiatives participant au « bien commun » doivent être valorisées.
En effet, l’écologie politique se donne pour objectif de mettre le « bien commun » au centre de toute réflexion et action politiques.
En cela, l’écologie politique se démarque, d’abord, avec une conception traditionnelle de l’intérêt collectif, souvent limité, malheureusement, à « l’intérêt d’un collectif », d’un groupe donné qui ignore qu’il s’inscrit dans un ensemble plus vaste dont il est solidaire. C’est pourquoi l’écologie politique fait de la solidarité entre les peuples et du rétablissement des équilibres entre les pays du Nord et les pays du Sud des axes consubstantiels de son engagement. Mais, l’écologie politique rompt aussi avec l’idée que le « bien commun » serait défini à l’avance par des dogmes ou détenu par des hommes qui auraient vocation à l’imposer. Elle récuse toute conception théologique de la vérité, qui réduit le débat politique à des conflits de chapelles. Elle refuse de poser une quelconque autre condition à l’engagement dans son mouvement que les deux principes sur lesquels elle est fondée. Et elle appelle ceux et celles qui partagent ces principes à travailler ensemble pour élaborer des scénarios d’avenir et les soumettre à tous les citoyens. Dans ce cadre, elle ne refuse nullement les conflits dès lors qu’ils permettent de pointer les dérives, de circonscrire les espaces d’intervention possibles et de réajuster en permanence les actions. Elle fait le pari que toute tension, toute contradiction peuvent être dépassée par des propositions où chacune et chacun se retrouvent et qui permettent à toutes et tous de « sortir par le haut ».
Parce qu’elle place « le bien commun » au centre de la réflexion et de l’action politiques, l’écologie politique promeut une approche globale des phénomènes.
En effet, le « bien commun » ne peut être approché sans mettre en relation tous les domaines, envisager toutes les dimensions des problèmes et chercher en quoi chaque élément occupe dans l’écosystème une place qui lui permet d’intervenir sur tous les autres. Contre les approches bureaucratiques segmentées, l’écologie politique engage des approches résolument pluridisciplinaires et ouvertes. Elle n’isole pas des segments du réel pour agir séparément sur chacun d’entre eux, au mépris des effets que cela pourrait produire sur l’ensemble. Elle récuse l’opposition factice entre « l’environnement » et « le centre », « le contenant » et « le contenu », les méthodes et les objectifs, etc. Parce que tout interagit sur tout, elle se donne les moyens de penser chaque élément en relation avec l’ensemble.
Ainsi conçue, l’écologie politique apparaît comme une manière de rebattre complètement les cartes du jeu politique traditionnel et de renverser la crise que nous traversons en une chance pour le monde, pour les hommes et pour la démocratie.
Car il s’agit bien de prendre le contre-pied de tout ce qui compromet le « monde commun », sans lequel aucun « bien commun » n’est possible. Il s’agit aussi de lutter contre toutes les formes d’individualisme qui séparent les êtres humains, exaspèrent les intérêts particuliers, nous enferment dans le court terme. Il s’agit de permettre à tous les hommes et à toutes les femmes d’avoir prise ensemble et solidairement sur leur destin. Ainsi, en privilégiant, dans chaque territoire, la mutualisation, les circuits courts, les démarches coopératives et l’économie sociale, l’écologie politique peut créer les conditions d’un développement harmonieux. En intégrant, à chaque niveau de décision, les conséquences à distance et à long terme de toutes nos décisions, l’écologie politique peut permettre qu’aucun développement ne se fasse au détriment de quiconque. En plaçant les femmes et les hommes en position d’acteurs de leur vie commune, elle crée les conditions d’un sursaut démocratique plus que jamais nécessaire.
Philippe Meirieu
Dans mon travail de professeur, de chercheur, de militant, de citoyen engagé, j'aime à me référer à une valeur un peu désuète : la probité. Pour consulter le très beau texte d'Edouard Claparède sur la probité et ses corollaires, qui constitue pour moi une référence majeure.
http://www.meirieu.com/pourquoi.htm
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