Meetings UMP (le parti de Sarkozy) : les
témoignages des journalistes agressés.
Actualité. Après BFMTV jeudi 3 mai à Toulon et
Mediapart le 1er mai au Trocadéro, d'autres journalistes confirment avoir été
pris pour cible dans les meetings de l'UMP. Enquête.
C’est
compliqué d’écrire ça, à quelques heures d’une élection présidentielle, alors
qu’on veut éviter tout militantisme politique, et qu’on fuit les caricatures.
Mais voilà : ça débloque total, du côté UMP. Dans les meetings de Sarkozy,
depuis quelques semaines, les journalistes sont devenus des cibles. Des
militants leur bloquent le passage, les insultent, et, depuis quelques jours,
osent même les attaques physiques. Sans que l'UMP s'en excuse officiellement.
Jeudi 3 mai, à la fin du meeting de Toulon, Ruth Elkrief, sur BFMTV, fait son
direct. Autour d’elle, on entend du bruit. «
L’atmosphère est assez désagréable tout autour de nous, finit-elle
par avouer face à la caméra, avec un sourire contraint. Des militants nous agressent et nous prennent à
parti, et sont assez méchants ». Elle essaie de continuer à
sourire, crispée. Prend à témoin le reporter Thierry Arnaud, qui l’accompagne.
Celui-ci, la voix couverte par les insultes, tente d’expliquer que, en effet,
depuis que Nicolas Sarkozy a dénoncé le système médiatique dans un discours...
La scène s’arrête là. Coupée, elle ne montrera pas les bouteilles d'eau et les
crachats lancés au visage des deux journalistes. Ni ne permettra d'entendre les
« vendus » et « collabos » criés.
Rien de grave ? Si, c’est
grave. Parce qu’effectivement, l’incident découle d’un « discours irresponsable sur les médias ».
Celui de Nicolas Sarkozy (relayé par certains de ses lieutenants), qui, depuis
l’entre-deux tours, sentant le vent tourner, multiplie les attaques contre ces
journalistes qui « n’ont hésité devant aucun coup, devant aucune manipulation »
(Saint-Cyr sur Loire , 23 avril), et dénonce le « terrorisme du système
médiatique » (Longjumeau, 24 avril). C’est grave, parce que l’incident de
Toulon n’est pas un cas isolé. Le 1er mai, Marine Turchi, jeune journaliste de Médiapart, se trouve place du
Trocadéro, au meeting de Nicolas Sarkozy. Un groupe de huit personnes la prend
à parti. « Ah c’est Mediapart ! »,
« Qu’est ce que vous faites là ? »,
« Vous n’avez pas honte ? » « Sale gauchiste ! ». Elle essaie de
discuter, argumente, réussit à calmer le jeu, tente de s’éclipser. C’est alors
qu’un homme d’une soixantaine d’années lui arrache violemment son badge de
journaliste, en lui blessant le cou «
C’est Mediapart, ils sont là,
ils sont là ! ». La jeune journaliste prend son agresseur en photo,
le menace de porter plainte s’il continue, réussit à s’extraire. Un homme de la
sécurité de l'UMP la prend alors en charge et lui indique le commissariat.
Marine Turchi a porté
plainte : « Je ne pouvais pas laisser
passer ça, dit-elle, encore secouée, quelques heures après les événements. Depuis que Nicolas Sarkozy
attaque les médias, on sent trop la tension monter ». Une bascule
qu’elle analyse le soir-même de son agression, sur
le site de Mediapart. Ce jour-là, mardi 1er mai, sur Twitter, d’autres
journalistes (Inrockuptibles,
20 minutes...) attestent de
la tension de la journée. Michel Soudais, de Politis,
raconte même avoir croisé une autre journaliste agressée :
Cette mystérieuse
journaliste, c’est Geneviève de Cazaux, ex-TF1... et ex candidate UMP aux
législatives de 2002, qui nous confirme avoir été plus que bousculée : « J’essayais de traverser la foule, on m’a arraché
mon badge « presse », tiré les cheveux par poignées, quelqu’un m’a rouée de
coups dans le dos.. C’était un groupe de retraités avec une handicapée ! ». Après
« trente-cinq ans métier »,
la routarde du journalisme politique n’en revient toujours pas : « C’est des pratiques qu’on pouvait rencontrer au
FN... mais pas à l’UMP ! Je n’ai jamais vu ça ! ». Elle n’a pas
souhaité porter plainte.
- Notre profession n’a pas
la cote, on le sait. Les journalistes votent majoritairement à gauche, on le
dit. Mais soyons clairs : il n’est pas question ici de droite ou de gauche. Mediapart est de gauche, pas BFMTV.
Geneviève de Cazaux n’a rien d’une trotskiste. Pas plus que Lise Barcellini,
journaliste à France 24, qui a envoyé cette semaine un mail à sa direction,
racontant les cris « journalistes vendus », les militants l’empêchant
volontairement d’entrer dans un meeting : «
Je me suis sentie agressée, oppressée, et mon cœur battait à toute allure ».
Au téléphone, elle nous confirme que « le
plus souvent, ces militants agressifs - heureusement très minoritaires - ne
savent même pas pour qui on travaille ». Peu importe le média. Ce
sont les journalistes dans l’exercice de leur fonction, qui sont visés. Dans ce
que celle-ci a de symbolique. Ce matin, vendredi 4 mai, Nicolas Sarkozy se
disait « désolé » sur Europe
1, mais expliquait aussi comprendre «
l'exaspération » des militants. Exaspération de la fin de campagne,
d'une possible défaite, sûrement. Mais pas seulement. Si ces militants UMP ont
franchi la barrière que seuls franchissaient jusqu’ici ceux de l’extrême droite
(et encore, il y a quelques années), c'est aussi parce qu'ils ont entendu cette
drôle de petite musique que leur joue leur leader. Malsaine, anti-républicaine.
Inexcusable.
Témoignage :
Toulon: rien de grave, ni
de personnel... .Énervement de fin de campagne...effet d’ un discours
irresponsable sur les médias.
Ai croisé au #Trocadéro
une journaliste ex-télé ex-candidate UMP; elle venait de se faire insulter,
tirer cheveux, arracher badge. #ambiance
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