Le 3e tour débute, il sera plein d’épines
APRÈS-PRESIDENTIELLE :
Les lendemains de l’élection seront douloureux. Plans de licenciements, tour de
vis budgétaire, voire nervosité des marchés et des agences de notation: il n’y
aura sans doute pas d’état de grâce.
La France a son président
pour les cinq ans à venir. Mais c’est peu dire que l’heureux élu ne bénéficiera
sans doute d’aucun état de grâce. En effet, crise oblige, dès les premiers
mois, voire les premières semaines de son mandat, les mauvaises nouvelles
risquent de s’accumuler.
La nouvelle situation
risque donc bien d’être une première dans les annales de la Ve République.
Jamais auparavant, en effet, un président n’avait, dans un laps de temps aussi
court après son élection, été à ce point confronté à autant de difficultés,
ainsi qu’à un contexte économique aussi précaire, voire périlleux. Revue de
détail...
Vagues de
licenciements?
Dernièrement, le dirigeant
du syndicat Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, a – comme son homologue de
la CFDT, François Chérèque – ouvertement fait part de ses appréhensions. «Je
crains qu’il y ait, en ce moment, des plans sociaux (de restructuration et de
licenciements), non pas que l’on nous cache, mais que l’on se retient
d’annoncer, pour cause de campagne électorale.» Confirmation d’un spécialiste
de droit social: «Les entreprises ne veulent pas être le théâtre d’enjeux
électoraux, ni donner l’occasion aux médias de tirer sur elles à boulets
rouges.» Mais ces entreprises sont, depuis plusieurs mois, dans un état tel
qu’elles risquent de ne pouvoir retarder longtemps les annonces de
licenciements.
Qui sonnera la
charge?
Ils sont déjà parfaitement
identifiés, les secteurs où des plans sociaux ont probablement été mis en
sommeil pendant la durée de la campagne électorale. Il s’agit par exemple de la
construction automobile. Le groupe PSA est particulièrement dans le
collimateur, et son usine emblématique d’Aulnay-sous-Bois (banlieue parisienne)
menacée. Idem pour les télécoms: pour la téléphonie mobile, singulièrement. FO
redoute la suppression de jusqu’à 15 000
emplois chez l’opérateur SFR, victime de la guerre des prix qui a suivi
l’arrivée sur le marché du quatrième opérateur, Free.
Le secteur des transports
va à peine mieux. La compagnie maritime SNCM est moribonde. Quant à Air France,
elle doit impérativement trouver 2 milliards d’euros d’économies. Un des
syndicats du personnel navigant de cette compagnie s’attend même à «un plan
social sans précédent» dans l’histoire du groupe. Mais c’est le secteur du
médicament qui risque d’être le premier à licencier: le 24 mai prochain, la
justice se prononce sur un plan prévoyant la suppression de 748 emplois chez
Pfizer.
Une croissance
anémiée
Ce troisième tour social
pourrait même frapper des grands noms français, présents dans le monde entier:
le groupe de distribution Carrefour, par exemple, ou le géant du nucléaire
Areva. Et, même si ces plans de restructuration sont moins nombreux que ce que
l’on redoute, l’année 2012 sera très probablement sombre en termes d’emploi.
A la veille du premier
tour, d’ailleurs, étaient déjà tombés des chiffres mensuels du chômage qui
avaient été mauvais, comme ils l’avaient été, tous et sans exception, dans les
dix mois précédents. Explication de l’économiste Eric Heyer: «A moins de 1,5%
de croissance, l’économie française n’est pas en mesure de faire baisser le
chômage.» Or, selon les dernières prévisions en date du FMI, cette croissance
n’atteindra que 0,5% en 2012, puis 1% en 2013.
Le péché
d’optimisme
Problème? Tant François
Hollande que Nicolas Sarkozy ont basé leur projet présidentiel sur des
prévisions de croissance bien plus optimistes. Dès lors, si l’exactitude des
prévisions de Washington se confirme dans les mois à venir, le programme de
réduction des dépenses, tout comme le calendrier
de retour à l’équilibre
des finances, devront être revus. Dans le sens d’une plus grande sévérité.
Du reste, avant même que
tombent les chiffres du FMI, le camp de François Bayrou avait multiplié les
mises en garde. Ainsi, dixit Robert Rochefort, un des bras droits du candidat
centriste, «tant Nicolas Sarkozy que François Hollande ont basé leurs projets
sur des prévisions qui ne tiennent absolument pas la route. Ils n’ont pas dit
la vérité aux Français. Le nouveau président sera très vite confronté à la réalité
des chiffres. C’est là que l’on se souviendra, mais trop tard, de ce qu’avait
dit François Bayrou».
Un «effort
colossal» à venir
Pour Eric Heyer, pas de
doute: c’est «un effort d’une ampleur colossale» qui va être demandé aux
Français. Au bas mot, «quelque 120 milliards vont devoir être économisés dans
les cinq années à venir», selon les calculs de l’économiste Philippe
Dessertine. Le bilan comptable pour 2011, le gouvernement sortant l’a dressé
lors du Conseil des ministres du 3 avril dernier. Il s’établit de la sorte. Un
déficit public de 5,2% du PIB, soit 103,1 milliards d’euros. Et une dette
dépassant les 1 700 milliards d’euros,
ce qui place à 85,8% du PIB le ratio de dette brute de l’ensemble des
administrations publiques.
Selon un expert, «le prochain
rapport de la Cour des comptes, attendu en juin, va probablement confirmer que
la France est à l’état de quasi-faillite». Et la population est inquiète. Selon
un sondage publié dernièrement, près de deux Français sur trois (62%) craignent
que l’Hexagone connaisse une situation similaire à celle de la Grèce ou de
l’Espagne. Noir, c’est noir...
LUNDI 07 MAI 2012
Bernard Delattre (Paris)
L’intrusion des agences de notation: fantasme ou
vraie menace?
On l’a dit et redit durant
la campagne: si le rythme de l’assainissement budgétaire et de réduction des
dépenses publiques n’est pas assez soutenu, à leurs yeux, les agences
internationales de notation pourraient bien venir à nouveau se rappeler au bon
souvenir de Paris. Comme, déjà, la perte par la France de sa note AAA, à la
suite de sa dégradation par une de ces agences, Standard & Poor’s
(S&P’s), avait troublé la fin de mandat de Nicolas Sarkozy.
La note de la France a été
placée sous perspective négative. Ces agences se manifesteront-elles très
rapidement? «Je vous inciterais vraiment à ne pas attendre d’état de grâce», à
mis en garde, peu avant le premier tour, un chef économiste de S&P’s. Il a
démenti que son agence jugerait le président élu dès son entrée en fonctions,
mais a confirmé qu’il serait rapidement évalué sur «ses actes». Concernant une
autre agence, Moody’s, François Hollande avait prétendu qu’elle se prononcerait
sur la note française dès le 12 mai. Moody’s a démenti, et fait savoir qu’elle
n’avait «pas de raison particulière» d’agir ou de communiquer à cette date, sur
la note
française.
«Le 7 mai, les marchés
passent à l’attaque!» Tel avait été, le 13 avril dernier, le grand titre de «La
Tribune», pour le premier numéro de sa parution hebdomadaire, après sa
disparition en tant que quotidien. Cette manchette avait fait du bruit.
François Hollande figurait en couverture? Mais Nicolas Sarkozy était
pareillement mis en garde. Car, «quel que soit le prochain président, la France
a rendez-vous avec les marchés. Le réveil sera plus ou moins brutal mais, comme
en Grèce, en Italie et en Espagne, les créanciers internationaux exigeront la
mise en œuvre de mesures radicales de redressement des finances publiques. Et
n’hésiteront pas à nous mettre le pistolet sur la tempe».
En France, l’appréhension
est d’autant plus sensible qu’il existe un précédent, fameux. L’élection de
François Mitterrand, le 10 mai 1981, avait entraîné une véritable tempête
boursière. Dans la semaine qui avait suivi, la Bourse de Paris avait dégringolé
de 17,1%: du jamais-vu. Et, il y a quinze jours, la victoire de François
Hollande au premier tour avait été accueillie par une chute de 2,83% du CAC 40:
l’indice vedette de la Bourse de Paris. «La présidence de la cinquième
puissance économique du monde ne laisse pas indifférents les gestionnaires de
fonds», avaient mis en garde des commentateurs économiques. En majorité,
toutefois, ils avaient attribué ce tassement à une actualité autre que
française: la démission, le même jour, du chef du Gouvernement néerlandais.
«Une certaine
fébrilité dans les jours suivants le 6 mai n’est pas à exclure»,
admettaient-ils, néanmoins, ces derniers jours. Un point de vue qui, cela dit,
n’est pas partagé par tous. Ainsi, pour l’économiste Marc Touati, «les
entreprises françaises du CAC 40 réalisent 80% de leurs bénéfices à l’étranger.
Le nom du futur président sera donc vraisemblablement sans aucun impact durable
sur la Bourse».
BDL
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