Urgence pour le logement
Tout s’efface. Jusqu’aux
erreurs historiques assénées par un président de la République. Quand Nicolas
Sarkozy déclara que «la loi de 48 a
conduit à la plus grande pénurie de logements jamais organisée», il
fit preuve d’une méconnaissance rare. La pénurie de logements dans les
années 50 tient d’abord à l’incapacité française, entre 1918
et 1948, d’édifier massivement des HLM et de soutenir l’accession à la
propriété, contrairement aux autres pays industrialisés, comme les Etats-Unis,
la Grande-Bretagne ou l’Allemagne.
Elle tient aussi au
désengagement des investisseurs immobiliers privés qui, dans cette période, se
sont tournés vers d’autres secteurs pour réaliser des profits immédiats.
Après-guerre, un loyer coûtait moins cher que la consommation de tabac. Ces
loyers bas et la mise en place du droit au maintien dans les lieux permirent
néanmoins aux couches populaires de conquérir du pouvoir d’achat et le droit à
la stabilité du logement. La loi de 1948 fut justement conçue pour relancer
l’investissement privé, tout en sauvegardant l’intérêt des locataires en place.
Les loyers des logements produits après 1948, certes, furent dérégulés. Mais,
dans les habitations construites avant l’adoption de la loi, les loyers ont été
encadrés. Cette loi limita donc la ponction de la rente locative et immobilière
sur les revenus du travail, tout en permettant aux entreprises financières
d’édifier un patrimoine de «valeur». Elle a empêché des flambées spéculatives
nées de la pénurie, en attendant la mise en œuvre d’une politique de logement
de masse. Jusqu’au retournement ultralibéral des années 1980, quand, pour
remercier le lobby de «la propriété bâtie» pour son soutien financier et
politique, Jacques Chirac, Premier ministre en 1986, abrogea la loi de
1948. Ce qui provoqua la plus grande vague de spéculation immobilière du XXe siècle,
en France. La suite est connue : crise immobilière en 1990, généreux
soutien à l’investissement locatif privé en 1995 pour le plus grand
bonheur des spéculateurs, flambée des loyers et de l’immobilier à partir de
2002, renforcement des cadeaux fiscaux, une législation défavorable aux
locataires, des politiques d’urbanisme tournées vers la valorisation foncière
immobilière, «l’épuration sociale» des quartiers populaires et, à partir de
2005, une bulle immobilière qui frappa l’ensemble du pays…
Aujourd’hui, la France est
le pays occidental où se loger coûte le plus cher, rapporté au revenu des
ménages. Une nouvelle politique du logement est à l’ordre du jour. D’urgence,
il faut réparer les dégâts des politiques du logement cher et inscrire le droit
au logement dans notre protection sociale : appliquer enfin le droit au
logement opposable, le droit à l’hébergement, le droit de réquisition. Les
expulsions ont doublé en dix ans. Elles doivent être suspendues. Il faut
ramener les prix immobiliers à un niveau raisonnable et réduire loyers et
charges nets à environ 20% du revenu des ménages pour redonner du pouvoir
d’achat, relancer la production massive de HLM, l’accession à la propriété et
la mise aux normes écologiques de l’habitat ancien, public et privé. Sans ces
ruptures, ce sera toujours l’enfer pour les victimes de la crise du logement.
JEAN-BAPTISTE
EYRAUD Droit au logement (DAL), WILLY
PELLETIER Fondation
Copernic, JOSIANE BALASKO
Comédienne
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