Multinationales: chantages à tous les étages
EST-CE BIEN RAISONNABLE ?
Il est fascinant de
constater à quel point les multinationales sont devenues expertes dans le
maniement de chantages multiples et variés, qu’elles exercent sans aucune
retenue où qu’elles se trouvent sur la planète. Et les autorités politiques,
qui pensaient avoir à faire à des acteurs économiques responsables, se
retrouvent parfois un peu sonnées, groggy, lorsque ces mêmes sociétés lèvent le
camp sans crier gare, pour d’autres cieux plus cléments.
Partir pour aller où? Hé
bien n’importe où ailleurs, là où la main d’œuvre est la moins chère, la plus
docile. Les Européens (de l’Ouest), s’ils veulent continuer à avoir un job,
doivent se résoudre à rejoindre la grande cohorte du «bétail humain», taillable
et corvéable à merci, qui accepte de travailler 12 heures par jour, six jours par semaine, pour des
clopinettes. Car du côté de l’Europe de l’Est, les salaires sont déjà très
«compétitifs», selon la terminologie ad hoc, et n’auront bientôt plus rien à
envier aux paies made in China.
Les Guignols de l’info,
sur Canal Plus, avaient déjà résumé il y a plusieurs années ce qui nous arrive
aujourd’hui: des délocalisations à la chaîne, tout autour de la planète, à la
recherche d’une main-d’œuvre toujours moins chère, jusqu’au retour en Europe,
où la pauvreté et la déglingue sont telles que les gens sont prêts à accepter
n’importe quel job à n’importe quelles conditions...
Résumons: il y a donc le
chantage au salaire, où les gens, pour conserver leur emploi, sont sommés de
travailler plus pour gagner moins, d’accepter des conditions de travail
toujours plus précaires, sinon, silence on ferme et bye bye tout le monde.
C’est ainsi qu’un peu partout en Europe, à force de détruire des emplois, des
régions entières sont aujourd’hui dévastées, vidées de leur substance. Le
chantage permanent à la délocalisation s’accompagne du chantage fiscal: les
responsables politiques se plient en quatre pour offrir toutes sortes
d’avantages fiscaux à ces multinationales, lesquelles, à la moindre contrainte
ou contrariété, prennent congé en faisant un bras d’honneur.
Et cela ne concerne bien
entendu pas uniquement des pays économiquement et politiquement fragilisés par
des années de politiques néolibérales, menées tambour battant depuis
Washington, siège du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque
mondiale, très engagés pour créer les conditions cadres favorables aux grandes
sociétés multinationales partout sur la planète – comprendre: échapper à toutes taxes et bénéficier
d’une main-d’œuvre quasiment gratuite.
Même la petite Suisse
connaît des coups de théâtre spectaculaires. Le cas de Novartis, qui a accepté
de renoncer à fermer son site de production de Prangins en échange de quelques
jolis «cadeaux»: allègements d’impôts, rentabilisation d’un terrain de 22 000 m2,
employés qui devront travailler davantage sans compensation salariale... Vous
avez dit chantage? Tandis que Merck-Serono a créé un séisme sur la scène
genevoise, après avoir mis 1200 employés le carreau. Et rappelez-vous des
déclarations à l’emporte-pièce du grand patron de Nestlé Peter Brabeck, qui
avait menacé en 2009 de prendre ses cliques et ses claques et d’emmener tout
Nestlé avec lui si, en Suisse, les instances politiques osaient prendre des
mesures visant à plafonner les plus hauts salaires. Décidément, on est peu de
chose...
C’est ce que je me suis
dit l’autre samedi, en faisant signer au marché de Plainpalais à Genève la
pétition «Droit sans frontières», qui demande précisément que le politique
reprenne la main, pour empêcher que les multinationales ayant leur siège en
Suisse ne se conduisent comme des gangsters et en toute impunité sous d’autres
cieux. J’y ai croisé plusieurs personnes travaillant pour des multinationales à
Genève, qui ont refusé de signer, craignant pour leur emploi. Mais aussi
convaincues que désormais plus personne n’ose tenir tête à ces sociétés, ni les
corseter un brin. Par crainte, précisément, de les voir prendre la poudre d’escampette.
Catherine Morand
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