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dimanche 18 décembre 2011

Décès de Vaclav Havel éternel dissident...

Vaclav Havel, toujours dissident
Après plus de cinq mois de réclusion à domicile imposée par ses médecins pour soigner  une violente infection pulmonaire, Vaclav Havel est décédé hier, vieilli mais toujours pétillant. Comme à son habitude, il avait soigneusement choisi ses apparitions pour marquer sa différence et rappeler les valeurs qu'il défend depuis cinquante ans.
D'abord, l'ancien dissident anticommuniste, fondateur de la Charte 77, et ex-président de 1989 à 2003 de la Tchécoslovaquie puis de la République tchèque, a fêté, comme il se doit, ses 75 ans. M. Havel avait réuni autour de lui, le 3 octobre à Prague, quelque 500 artistes, intellectuels et amis, dans la plus grande galerie privée d'art contemporain de la capitale. A commencer par Madeleine Albright, l'ex-secrétaire d'Etat américaine de Bill Clinton, et l'acteur britannique Tom Sheppard, tous deux d'origine tchèque.
Il a ensuite participé à la 15e édition de la conférence internationale de Forum 2000 qu'il avait lancée, au début des années 1990, avec Elie Wiesel, l'écrivain américain d'origine roumaine, Prix Nobel de la paix, pour construire des passerelles entre les cultures. Cette année, les participants, dirigeants politiques, intellectuels et dissidents des quatre coins de la planète, ont échangé sur la démocratie et l'Etat de droit, menacés par la corruption et le capitalisme oligarchique, avec en filigrane la crise de la zone euro et de l'Union européenne.
En quelques jours, Vaclav Havel a livré une profession de foi condensée de sa vie et de son engagement qui l'a "projeté dans l'Histoire, même s'(il ne l'a) jamais voulu". Eminemment passionné par les arts et les idées, élevé dans les valeurs d'honnêteté, d'ouverture et de partage chères au président-fondateur de la Tchécoslovaquie, le philosophe Tomas Garrigue Masaryk, il ne pouvait que se heurter au régime communiste étouffant.
Ce dernier lui a fait chèrement payer son indépendance intellectuelle et morale - presque cinq ans de geôle -, et ses concitoyens, après l'avoir porté aux nues, sont divisés sur son héritage. Etre "havélien" est devenu une expression péjorative, pire encore que "communiste", dans la bouche des représentants du pouvoir politique actuel et des médias. Les partisans du président Vaclav Klaus, successeur de M. Havel au Château de Prague et éternel rival, se moquent ouvertement "des amis de la vérité et de l'amour", la devise havélienne tronquée - "l'amour et la vérité vaincront la haine et le mensonge".
REFUGE DANS L'ÉCRITURE
En quittant ses fonctions présidentielles en février 2003, au terme de son second mandat non renouvelable, Vaclav Havel espérait avoir du temps pour lire et écrire. Il s'était promis de n'intervenir qu'exceptionnellement dans la politique tchèque - ce que, du reste, il respecte.
S'il apporte à chaque élection son soutien au parti des Verts, quelles que soient ses perspectives électorales, il ne cache pas qu'il est "déçu par les faibles résultats du gouvernement" actuel du libéral Petr Necas dans sa lutte contre la corruption, censée être sa priorité, et qu'il "est de plus en plus souvent en désaccord avec M. Klaus", comme il l'a mentionné récemment au quotidien Dnes.
Regrettant qu'il "ne (parvienne) jamais à rattraper le temps perdu au service militaire (deux ans) et pendant les treize années présidentielles" en ce qui concerne la lecture, Vaclav Havel a réalisé en 2010 son premier film, Sur le départ, d'après sa pièce de théâtre éponyme. Film-théâtre ou théâtre filmé, son oeuvre, mettant en scène un dirigeant politique incapable de quitter ses fonctions, a été inégalement appréciée par la critique et boudée tant par les spectateurs tchèques que par les distributeurs étrangers.
Doutant qu'il reprenne un jour place derrière la caméra, il compte s’était réfugié dans sa maison de campagne pour écrire. Il préparait une nouvelle pièce de théâtre, intitulée Sanatorium, car "après le départ, il ne reste que le sanatorium", ironisait-il au printemps.
Martin Plichta

Voici notre Papier du 1er Février 2011
 La crise profonde qui secoue actuellement le monde arabe prend une nouvelle fois à contre-pied les diplomaties occidentales. A la grande époque du face à face avec l’URSS, les Occidentaux ont soutenu souvent des régimes autoritaires qui méconnaissaient les droits de l’homme, car ils étaient censés contenir la poussée du communisme. Au nom de la résistance à l’islamisme, l’Europe et les Etats-Unis se sont appuyés sur des régimes dictatoriaux que rejettent aujourd’hui avec force les peuples tunisiens et égyptiens.
Cette stratégie à court terme témoigne de ce que les pays occidentaux ne croient finalement pas à l’universalité des valeurs qu’ils proclament. Comment ne pas voir des relents de racisme dans le fait que, au nom d’un prétendu « réalisme », ils ont trouvé « acceptables» que certains peuples soient gouvernés par des régimes qui niaient dans les faits les droits de l’homme et les valeurs démocratiques qu’ils proclament. Croire qu’on défend les valeurs de l’Occident en pactisant avec des autocrates vieillissant ubuesques dont certains s’employaient à créer une dynastie familiale, n’est pas seulement immoral, mais finalement totalement inefficace. 
Cette crise devrait nous amener à réviser notre façon de faire de la politique. Tout d’abord, il conviendrait de sortir de la rhétorique manichéenne chère aux Etats-Unis d’Amérique pour qui le Bien et le Mal sont évidemment séparés, ce qui permet de transformer les intérêts les plus égoïstes en croisade pour le Bien. D’autre part, en dépit des sourires narquois des cyniques qui se veulent réalistes, la vraie efficacité réside dans ce que l’ancien dissident, puis président de son pays, Vaclav Havel, appelle « la politique antipolitique ».
 En 1984, l’université de Toulouse - Mirail a décerné le diplôme de docteur honoris causa à Vaclav Havel alors en prison. En son absence fut lu son discours qui portait sur « la politique et la conscience ». A l’heure où des citoyens tunisiens et égyptiens paient de leur vie la résistance au mensonge et à l’inhumanité du pouvoir, il me paraît particulièrement éclairant de relire ces lignes écrites par un homme qui a su ne pas fuir ses responsabilités : 
« Le renouveau de la responsabilité humaine est la digue la plus naturelle qu’on puisse élever contre chaque irresponsabilité. (…) Agir sur les causes a nettement plus de sens que de réagir simplement aux conséquences ; car on ne peut réagir d’ordinaire que par des moyens du même ordre, c’est-à-dire tout aussi immoraux. Suivre cette voie équivaut seulement à propager encore plus dans le monde le mal de l’irresponsabilité et à produire ainsi le poison même qui alimente le totalitarisme. Je suis partisan d’une « politique antipolitique ». D’une politique qui n’est ni une technologie du pouvoir et une manipulation de celui-ci, ni une organisation de l’humanité par des moyens cybernétiques, ni un art de l’utilité, de l’artifice et de l’intrigue. La politique telle que le la comprends est une des manières de chercher et d’acquérir un sens dans la vie ». 
Le philosophe tchèque Jan Patocka porte-parole de la Charte 77 qui réunissait les dissidents à l’époque du totalitarisme communiste voyait dans ce mouvement ce qu’il appelait « la solidarité des ébranlés ». Il s’agit, commente Havel de la solidarité « de ceux qui osaient résister au pouvoir impersonnel et lui opposer la seule chose dont ils disposaient : leur propre humanité ». Et il ajoute : « La perspective d’un avenir meilleur pour le monde ne réside-t-elle pas dans une communauté internationale des ébranlés, une communauté qui, sans tenir compte des frontières nationales, des systèmes politiques et des blocs, demeurant en dehors du grand jeu de la politique traditionnelle, n’aspirant ni aux fonctions ni aux secrétariats, tentera de faire une force politique réelle de la conscience humaine, ce phénomène tant décrié à présent par les technologues du pouvoir ? » (1).
Et c’est bien à l’émergence d’une « force politique réelle de la conscience humaine » à laquelle nous assistons sur les rives de la Méditerranée.
Bernard Ginisty
(1) Vaclav HAVEL : Essais politiques. Editions Calmann-Lévy 1989, pages 245-247

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