L’économie sociale et solidaire est en pleine expansion en France, et notamment les Scop.
Le capital appartient aux employés, les dirigeants sont élus sur la base d’une voix par salarié. Bienvenue dans le monde des Scop, société coopérative ouvrière de participation. L’appellation évoque un univers que l’on croit disparu, celui de la fraternité ouvrière, au temps des utopies socialistes de la fin du XIXe siècle. Erreur. La France en comptait 51 en 1884, elles sont plus de 2 000 aujourd’hui et emploient près de 40 000 salariés. Dans le monde de l’économie sociale et solidaire, les Scop occupent donc une place de choix.
Associer les salariés au capital de l’entreprise ? Jacques De Heere sait ce que cela signifie. Voilà près de vingt ans que les 1 250 salariés d’Acome, la plus grande société coopérative de France, spécialisée dans la fabrication de câbles électriques, fibre optique, matériels pour planchers chauffants hydrauliques… l’élisent au poste de PDG.
«Participation». A l’instar de centaines d’autres dirigeants de Scop et autres entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire, De Heere explique que, à côté du panthéon de la corporate governance d’inspiration anglo-saxonne où siègent les actionnaires (shareholders), peuvent s’installer les autres parties prenantes de l’entreprise (stakeholders), à savoir ses salariés. Et ça marche, avec plus de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires. «Ici, 50% des résultats restent dans l’entreprise, ils sont impartageables, le reste est distribué sous forme de participation aux salariés», explique le PDG d’Acome. Exit les chasseurs de plus-values rapides et risquées, bonjour les fourmis, prêtes à faire fructifier leur entreprise pour encaisser les salaires et partager les bénéfices.
A Mortain (Manche), sur les cinq sites de production d’Acome, pas de stratégie industrielle sans prendre en compte le long terme, la pérennité de l’entreprise et surtout l’emploi. «L’emploi n’est jamais une variable d’ajustement, insiste Jacques De Heere. Dans une entreprise classique, c’est l’actionnaire majoritaire qui décide du futur de l’entreprise. Ici, comme dans toutes les Scop, le capital est détenu à 100% par les salariés. Alors, forcément, ils sont très engagés dans toutes les facettes de la vie de l’entreprise. Idem pour les clients, qui, en outre, ressentent une forme de sécurisation.»
Question : vit-on plus heureux dans une Scop ? «Oui, c’est généralement le cas. La plupart des salariés éprouvent une forme d’engagement vis-à-vis de l’entreprise, mais aussi vis-à-vis de tout leur environnement. Entre toutes les parties prenantes, c’est-à-dire les salariés, mais aussi les clients, les élus politiques ou encore les collectivités sociales, les liens sont plus étroits», répond Thierry Jeantet, président du Forum international des dirigeants de l’économie sociale. Et d’ajouter : «La Scop, comme les mutuelles d’assurances, les fondations, les coopératives de toutes sortes, offre des structures pour une gestion plus humaniste. Beaucoup de dirigeants de ce secteur avouent avoir le cœur à gauche.»
Quête de sens. Au niveau mondial, les coopératives, tous secteurs confondus, représentent un chiffre d’affaires de près de 1 000 milliards d’euros. En France, la nébuleuse fragmentée et complexe de l’économie sociale et solidaire (ESS) compterait près de 800 000 entreprises, avec ou sans numéro de registre du commerce, selon Thierry Jeantet (coopératives agricoles, industrielles ou bancaires, mutuelles d’assurances ou de santé…) et plus d’un million d’associations. Cette «autre économie», qui occupe 2,2 millions de personnes en France et contribue pour 10% au PIB, fait partie intégrante du tissu socio-économique. «Mais on l’ignore encore trop souvent», regrette Jeantet. Dispersée, disparate, l’ESS n’en reste pas moins dynamique : 440 000 emplois y ont été créés depuis 2000, dont 31 000 en 2010. Les associations se taillent la part du lion, avec 3 emplois sur 4 et plus de 80% des établissements employeurs.
Même si elle pâtit d’une image quelquefois ringarde, l’économie sociale et solidaire attire de plus en plus de candidats : jeunes diplômés sensibles à l’engagement humanitaire ou aux thèses altermondialistes, salariés dégoûtés par la logique purement financière de l’entreprise classique ou tout simplement en quête de sens dans leur travail. Mais, en cette période de restriction des finances publiques, en France mais aussi dans la plupart des pays développés, ce secteur risque de jouer, plus que jamais, un rôle d’amortisseur social…
VITTORIO DE FILIPPIS
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