Mon petit dèj avalé, je m’installe devant l’appareil.
A cette heure matinale, on me propose visiblement sur beaucoup de chaînes, d’acheter tout ce qui embellirait mon quotidien, comme par exemple une ceinture amincissante dernier cri qui me permettrait de perdre mes kilos superflus tout en préparant un bon petit plat ! Et avec le sourire! La cible de ces émissions est clairement la femme, plutôt au foyer, que les programmateurs considèrent comme la « proie » idéale, celle qui consomme. Tout est fait pour qu’elle se sente rassurée dans sa condition. Ne cherche pas à t’élever, lui envoie-t-on comme message, regarde comme ta vie est sympathique, comme les objets qu’on te vend suffisent à la remplir.En dehors de ces propositions « alléchantes » (clairement misogynes disons-le), notre inconscient éponge un certain nombre d’informations plus diffuses mais tout aussi bien ingérées par nos cerveaux fatigués. (Et, méfions-nous, par ceux de nos enfants aussi d’ailleurs.) On nous rappelle par exemple tous les matins dans les Maternelles qu’être femme c’est aussi être mère. Les pères se font rares sur le plateau et les sujets mettent pour la plupart en scène les rapports mères/enfants. Suis-je alors anormale si la maternité ne m’intéresse pas ?
Peu de temps avant midi, je choisis de regarder les Z’amours, ce jeu télévisé qui consiste à calculer le quotient de compatibilité entre deux personnes formant un couple (hétérosexuel uniquement). Une des questions à choix multiples posée aux «femmes» et dont la réponse doit se trouver être la même que celle de leur conjoint ensuite (c’est comme cela qu’on marque des points !) était :
Une jeune femme jolie et sexy passe dans la rue à côté de votre conjoint, quelle est sa réaction :
1. Il l’ignore, il n’y a que vous qui comptez
2. Il jette un coup d’œil, y’a pas de mal à se faire du bien
3. Il lui fait de l’œil, c’est un réflexe
Réponses. La première : « Il jette un coup d’œil, c’est dans ses gênes. ». La deuxième : « Il jette un coup d’œil, ça reste un homme. ».
Je commence à m’énerver. Vais-je continuer à me polluer devant cette machine à abrutir, qui colporte par tous les moyens et au plus grand nombre l’idée que les genres féminin et masculin occupent un rôle prédéterminé ? Oui. Mais cette fois-ci, à la manière d’une observatrice. Je veux épingler et chasser les dogmes que l’écran ne filtre pas.
Il est 13h30, c’est la fin du journal et un invité fait son apparition sur le plateau. Il n’y a pas de possibilité d’agression machiste me dis-je, après tout, c’est le journal. C’était sans compter sur Jean-Pierre Coffe qui, en guise d’accroche pour la promotion de son dernier livre, lance: « J’ai écrit ce livre pour rassurer et prouver aux maîtresses de maison qu’il est possible de réaliser de bons petits plats avec un petit budget. » Hein? La journaliste, tout sourire, n’est pas écorchée une seule seconde et poursuit son interview. Là, je suis franchement énervée.
Je poursuis tout de même, avec une émission en début d’après-midi qui invite chaque chroniqueur à développer une rubrique. Ce jour-là, le chroniqueur « mode » présente des tenues portées par des mannequins femmes. A la fin de sa chronique, il conclue : « La règle, c’est de ne jamais porter un décolleté et une jupe courte en même temps, sinon c’est la vulgarité assurée ! » Le présentateur et les autres chroniqueurs acquiescent. Eh oui! Elles risqueraient attirer un violeur et on finirait par dire qu’elles l’ont bien cherché !
Je décide de faire une pause, histoire de ménager mon pauvre cerveau maltraité. (en même temps « pauvre cerveau » concernant une femme, c’est un pléonasme nan ?) Je reprendrai quand même courageusement l’expérience dans la soirée!
Il est 20h, Cyril Lignac (le cuisinier star de la télé) sonne à l’improviste chez des gens pour se renseigner sur ce qu’ils vont manger le soir même et pour leur donner des astuces pour mieux se nourrir. Toute la famille est là mais vers qui est-ce qu’il se tourne pour demander : « Alors, qu’allez-vous préparer à votre petite famille ce soir ? » Vous l’aurez deviné, c’est pas au bébé de 4 mois, ça on comprend pourquoi, mais c’est pas non plus au papa ! Madame, donc, puisqu’il s’agit forcément d’elle, confuse, répond: «Euh…des lasagnes surgelées…» Houuuu la mauvaise mère de famille ! Cyril Lignac est indigné ! Elle pourrait quand même se donner un peu plus de mal bobonne ! Merci de relayer toujours ces mêmes clichés, Cyril ! Et heureusement que vous êtes là pour la recadrer ! Bon je zappe.
Ah! Une émission déco, je ne prends pas de risque et vais pouvoir croire quelques instants que, femme que je suis, je peux avoir d’autres intérêts et « devoirs » que ceux de l’éducation des enfants, du ménage et de la cuisine ! Eh non ! Utopiste que je suis ! La présentatrice, se trouvant dans la cuisine puis la buanderie, s’adresse, évidemment une fois de plus à madame : « Quelle ambiance souhaitez-vous dans votre domaine ? » Votre … ?
Bon c’en est trop, je rends mon tablier et éteins ma télé!
Lauréline
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