Qu’attend-t-on pour supprimer les
départements ?
Alors que 72% des Français sont pour la suppression
des départements et des cantons…
La commission pour la
libération de la croissance, dite « commission Attali », a fait 316
propositions, en début d’année 2008, concernant les relations sociales,
l’emploi, la fiscalité ou la protection sociale.
Les propositions de ses
membres (43 personnalités dont 17 PDG ou anciens PDG...) reprennent largement
tous les poncifs du libéralisme économique et aucune d’entre elles ne concerne
véritablement la lutte contre la précarité du travail ou l’amélioration du
pouvoir d’achat des salariés. Ce qui a fait dire à Jean-Luc Mélenchon qu’il ne
faut garder de ce catalogue que "le papier pour le recycler"...
Mais quelques rares mesures
sont cependant tout à fait justifiées comme celle qui consiste à faire
disparaître progressivement l’échelon départemental pour éviter des gaspillages
financiers énormes et améliorer l’efficacité de la gestion publique.
- Le département est devenu en effet aujourd’hui complètement inutile car pris en étau entre le développement des structures intercommunales et la région. Et cette dernière devrait, depuis longtemps, se voir dévolue toutes les compétences exercées par le conseil général…
- Le département est devenu en effet aujourd’hui complètement inutile car pris en étau entre le développement des structures intercommunales et la région. Et cette dernière devrait, depuis longtemps, se voir dévolue toutes les compétences exercées par le conseil général…
Le département est une
division administrative, mise en place sous la Révolution française et qui date
du 15 janvier 1790. L’objectif était à l’époque de remplacer les provinces
liées à l’Ancien régime et de casser tout provincialisme. Afin que l’autorité
administrative soit rapidement informée de ce qui se passait à l’autre bout du
département, un émissaire à cheval devait pouvoir atteindre n’importe quelle
zone du territoire en une seule « journée de voyage ». C’est ainsi
qu’aujourd’hui, les superficies de chaque département sont très proches.
Depuis 1985 et la loi de
décentralisation, le département est également une collectivité locale dirigée
par un conseil général renouvelé par moitié tous les trois ans.. Les transferts
de compétences de l’Etat aux départements se sont multipliés au fil des ans
avec notamment le 1er décembre 1988 la prise en charge d’une partie de la
politique du RMI puis de nouveaux transferts organisés par la loi d’août 2004.
Ses compétences s’exercent aujourd’hui sur les collèges, les routes et sur de
nombreuses aides sociales comme l’APA.
On compte 96 départements
en métropole et 4 à l’outre-mer (DOM) et il existe par ailleurs 26 régions,
36.000 communes et 18.000 groupements intercommunaux (communautés de communes
ou d’agglomérations) et de près de 2 500 établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI).
La question de la
suppression des départements souvent abordée mais jamais traitée...
Cette question
« trotte » dans les esprits depuis longtemps mais aucune majorité
politique n’a jamais vraiment tenté de supprimer cet échelon
administratif.
En 1906, Clemenceau
prononça un discours à Draguignan, dans le département du Var, où il
préconisait d’adapter la carte des collectivités locales en tenant compte de
l’évolution des réalités économiques et sociales.
En 1947, Michel Debré
proposa de créer 47 grands départements.
Valéry Giscard d’Estaing
porta un bon diagnostic en indiquant qu’« un jour il faudrait choisir
entre la région et le département car il ne saurait y avoir entre l’Etat et la
commune deux collectivités intermédiaires ».
En 1982, lors du lancement
de la décentralisation, Pierre Mauroy et Gaston Defferre auraient volontiers
envisagé la suppression des départements mais François Mitterrand s’y est
fermement opposé.
En 1995, la loi Pasqua a
introduit la notion de « pays », bassin de vie et d’activité plus
réaliste que le département technocratique mais le pays n’a gagné aucune
compétence juridique et les départements ont été conservés.
En 2002, Jean-Pierre
Raffarin initia « l’acte II de la décentralisation » et commença par
esquisser l’idée que l’armature territoriale française devait reposer sur le
couple Etat-Région, développant ainsi les propos tenus par Jacques Chirac dans
un discours prononcé à Rennes, discours d’où il ressortait qu’il y avait trop
de niveau de collectivités locales en France.
Plus récemment, l’ancien
Premier ministre Edouard Balladur et l’actuel chef de gouvernement François
Fillon se sont aussi prononcés pour la suppression du département mais n’ont pris
aucune initiative politique fixant notamment un calendrier et des modalités
concrètes.
S’il n’est pas étonnant
que la droite fasse preuve de conservatisme, il est plus surprenant que la
gauche soit autant timide dans ce domaine. Ainsi, Claudy Lebreton, président de
l’assemblée des départements de France et président (PS) du Conseil général des
Côtes d’Armor, pointe bien du doigt certaines anomalies mais sans aller jusqu’à
remettre en cause cet échelon administratif. « Et si l’on supprime le département,
qui va assurer ses fonctions actuelles et comment va-t-on transférer le
personnel qui y travaille ? », s’interroge-t-il. Selon lui, l’urgence
n’est pas de supprimer le département mais de mieux clarifier les compétences
entre les collectivités locales !
Pour Jean-Pierre
Chevènement, la suppression du département est une « fausse bonne
idée ». Il fait valoir que dans certains autres pays européens, comme
l’Allemagne ou l’Italie, il y a au moins trois niveaux de collectivités
locales. L’ancien ministre de l’Intérieur loue également « la relative
proximité du département, enraciné dans la tradition républicaine ».
« Les besoins sociaux - RMI, personnes âgées, enfance - sont mieux traités
au niveau du département qu’ils ne le seraient à celui des régions » conclut-il.
Quant à Arnaud Montebourg,
jadis partisan de la fusion des départements et régions mais n’étant pas à une
contradiction près (porte-parole de Ségolène Royal au cours de la dernière
campagne présidentielle, il a soutenu Martine Aubry lors du dernier congrès de
Reims...), il est devenu depuis peu Président du Conseil Général de
Saône-et-Loire... Ah, qu’il est loin le combat pour la VI éme République et le
non-cumul des mandats !
Au cours de la dernière
campagne présidentielle, seul François Bayrou s’était prononcé clairement pour
leur suppression, précisant en outre à juste titre que le personnel des
conseils généraux devait être intégré au personnel de la région.
Six niveaux de pouvoirs
publics : une véritable aberration administrative
Si chaque collectivité locale est censée avoir des domaines d’action spécifiques, de nombreux doublons existent entre collectivités locales en matière de développement économique, sport, culture, tourisme et jeunesse ainsi qu’entre départements et Etat dans les affaires culturelles ou l’action sociale et sanitaire. Et même, il arrive que chaque collectivité intervienne dans des domaines qui relèvent en principe d’autres échelons administratifs. De surcroît, il n’y a pas de hiérarchie entre ces différents échelons.
Si chaque collectivité locale est censée avoir des domaines d’action spécifiques, de nombreux doublons existent entre collectivités locales en matière de développement économique, sport, culture, tourisme et jeunesse ainsi qu’entre départements et Etat dans les affaires culturelles ou l’action sociale et sanitaire. Et même, il arrive que chaque collectivité intervienne dans des domaines qui relèvent en principe d’autres échelons administratifs. De surcroît, il n’y a pas de hiérarchie entre ces différents échelons.
La carte territoriale
française offre ainsi trop de niveaux institutionnels et, dans chacun de ces
niveaux, trop de collectivités. Elle n’offre pas non plus, sur le territoire,
des entités politiques et administratives suffisamment puissantes pour qu’on
leur affecte de manière efficace des compétences de gestion des politiques
publiques transférées vers elles en provenance de l’Etat.
Trop d’intermédiaires
entre le citoyen et la puissance publique renchérissent fortement les budgets
de fonctionnement mais induisent aussi une difficulté de compréhension du
système par les Français.
Est-il pertinent de
maintenir par exemple le département du Rhône, intégré géographiquement, dans
la communauté urbaine de Lyon ?
Est-il fonctionnel de
découper la gestion publique de l’île de Beauté entre deux départements,
chapeautée par une région pour faire plaisir aux seuls élus locaux au détriment
de l’intérêt collectif ?
Le problème de la
fiscalité locale
Une telle organisation des
pouvoirs publics à six niveaux suffirait à elle seule à justifier la
suppression des départements mais les modalités actuelles de la fiscalité
locale plaident aussi en faveur de la disparition de l’échelon
départemental.
Les collectivités
territoriales financent aujourd’hui 72% des investissements publics de la
Nation et les départements représentent plus du tiers de cette part. Ils pèsent
56 milliards d’euros par an d’investissements et de fonctionnement dans les
politiques publiques.
En principe, ils sont
responsables de la construction et de l’entretien des collèges, de l’action
sanitaire et sociale et de la gestion du RMI (sur les 56 milliards d’euros
qu’ils ont à gérer, les départements en dépensent près de 28 milliards dans
l’action sociale). De même, les conseils généraux ont en charge une grande
partie des routes nationales et des personnels techniques de l’éducation
nationale.
Pour financer tous ces
dispositifs, on fait appel bien sûr à aux impôts locaux qui représentent une
part de plus en plus importante du total des impôts payés par les
Français : 12 milliards d’euros pour la taxe d’habitation (particuliers),
15 milliards d’euros pour la taxe foncière (particuliers et entreprises) et 22
milliards pour la taxe professionnelle payée par les seules entreprises. Avec
la décentralisation et les transferts de compétences de l’Etat vers les
collectivités locales, cette pression fiscale va crescendo.
Mais ces impôts indirects
sont également très injustes car ils touchent de la même façon les personnes
les plus aisées comme les plus modestes. Ils ne sont pas payés en fonction des
revenus des contribuables et il n’est pas rare aujourd’hui, pour un salarié de
« sortir » un mois de salaire pour payer la taxe foncière ou la taxe
d’habitation dont les bases, complètement archaïques, datent respectivement de
1961 et de 1970.
C’est pourquoi, la
suppression des départements serait une bonne occasion pour réformer la
fiscalité locale en l’intégrant dans l’IRPP puis en reversant une quote-part à
chaque collectivité locale. Car la France se distingue par une fiscalité
particulièrement injuste avec 83% des recettes de l’État provenant de la
fiscalité indirecte et seulement 17% provenant de l’impôt progressif sur les
revenus ! Un système d’imposition, pratiquement unique parmi les pays
occidentaux et qui accroît considérablement les inégalités sociales.
Mais alors que leur
suppression aurait pu être faite facilement en 1982, lors du lancement de la
décentralisation, la gauche ne l’a pas voulu et la France s’est retrouvée – la
région étant devenue, par la loi du 2 mars 1982 une véritable collectivité
locale – dotée d’une organisation des pouvoirs publics à six niveaux.
Aujourd’hui, l’identité
régionale vaut bien l’identité départementale et certains élus, notamment de
l’Ouest de la France, sont favorables à une réorganisation des régions. Une
grande région « Massif central », une vraie région Alpes, Bretagne,
Bassin Méditerranéen ou la réunification de la Basse et de la Haute Normandie
(divisée à l’origine pour un vulgaire partage de gâteau électoral entre la majorité
et l’opposition…) permettraient d’avoir des régions à dimension européenne et
plus conformes à la situation géographique réelle.
Mais jusqu’à présent, trop
nombreux sont les élus locaux, parmi les 550 000 au total, qui font de la
résistance et bloquent en fait toute évolution. Le lobby des présidents et des
conseillers généraux est puissant et dispose de plusieurs relais, notamment au
sénat où droite et gauche se sont entendues pour que les conseillers généraux
conservent le plus longtemps possible leurs prérogatives et les petits
avantages qui vont avec…
Albert Ricchi
Albert Ricchi
Albert Ricchi, Journaliste
citoyen, mon blog est consacré à la politique, l’économie, la démocratie ainsi
qu'à quelques vraies réformes à entreprendre aujourd'hui afin de réconcilier les
citoyens avec la République et la justice sociale.
Il faut "réformer" la France, entend-t-on un peu partout, mais ce verbe est galvaudé depuis longtemps par les journalistes des grands médias, les instituts de sondage et les experts de tous bords...
http://reformeraujourdhui.blogspot.com/
Il faut "réformer" la France, entend-t-on un peu partout, mais ce verbe est galvaudé depuis longtemps par les journalistes des grands médias, les instituts de sondage et les experts de tous bords...
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Quand Manuel Valls voulait supprimer
le département
Dans son ouvrage
de 2010, le futur ministre de l’Intérieur se faisait le chantre du big bang
territorial.
« Réduire de
6 000 à 3 000 le nombre des élus de nos régions et de nos départements
comme fusionner ces deux échelons sont deux propositions qui ne me choquent
pas. Je suis favorable, à terme, à la suppression du département ». De qui
émane ce plaidoyer ? De Jean-François Copé, secrétaire général de
l’UMP ? De son lieutenant, Hervé Novelli, président de l’Association des
élus régionaux de France (AERF) ? Que nenni ! Ces lignes sont signées
Manuel Valls. Elles émanent de « Pouvoir », l’ouvrage publié en mars
2010 par le héraut de la « gauche moderne ».
Le Grand Paris
comme laboratoire
Le futur ministre de
l’Intérieur indiquait même la marche à suivre : « Nous pourrions
avancer par expérimentation, en Ile-de-France par exemple. Les travaux du
comité présidé par Edouard Balladur ne manquaient d’ailleurs par d’intérêt
(création d’un Grand Paris, suppression des départements de la petite
couronne). Je suis convaincu que le couple formé par la région et
l’intercommunalité s’imposera progressivement. » Ce qui n’interdisait pas
au député-maire (PS) d’Evry (Essonne) de s’opposer à la réforme des
collectivités. Dans son viseur : le conseiller territorial, accélérateur à
ses yeux du cumul des mandats, et son mode d’élection aligné sur le scrutin
cantonal honni.
Selon son décret
d’attribution du 24 mai 2012, Manuel Valls « a autorité, conjointement
avec le ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la
fonction publique, sur la direction générale des collectivités
locales. » Reprendra-t-il, à ce poste, ses thèses iconoclastes ? Il
est permis d’en douter.
Jean-Baptiste
Forray
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