Robert Castel (1933-2013), un éclaireur du social
Robert Castel aurait eu
80 ans le 27 mars prochain. Directeur d'études à l’Ecole des hautes études en
sciences sociales (EHESS), ses premiers travaux portaient sur la psychiatrie.
Mais son grand œuvre est d'avoir été l'un des plus perspicaces analystes de la
condition salariale. Observateur ? Non point seulement, car son empathie
faisait que les « gens de peu » n'étaient pas simplement des objets
d'étude, mais des sujets politiques, dont il suscitait et justifiait
l'irruption sur le devant de la scène.
Dans l'un de ses ouvrages
majeurs, Les Métamorphoses de la question sociale, une chronique du
salariat, paru en 1995, partant d'une analyse de la constitution de la
société salariale, il a montré que son effritement, à partir du milieu des
années 1970, menait à une « désaffiliation » faite de vulnérabilité
et de fragilisation des personnes. D'un modèle salarial dominant fait de
subordination mais aussi de protection sociale, il a montré l'arrivée d'un
nouveau régime fondé sur l'insécurité sociale et la précarité. Il en concluait
à l'absolue nécessité de se battre pour le maintien et l'approfondissement
d'une société de solidarité.
Cette analyse a débouché
sur les publications suivantes : L'Insécurité sociale : qu'est-ce
qu'être protégé ?, en 2003, La Discrimination négative, en
2007, La Montée des incertitudes : travail, protections, statut de
l'individu, en 2009.
La LDH se retrouvait dans
cette analyse pratique et concrète de la nécessité de tous les droits pour
tous, et partout. Robert Castel aimait les gens, il écrivait pour justifier
leurs droits et militait ainsi pour ces derniers. La LDH salue l'homme, sa vie,
son œuvre et son engagement.
La LDH s'honore par
ailleurs d'avoir eu Robert Castel comme contributeur à la livraison 2011 de L'Etat
des droits de l’Homme en France avec un article, justement intitulé :
« La fragmentation sociale ». En ces temps rudes pour toutes celles
et tous ceux que leur vulnérabilité sociale expose à tous les vents mauvais, il
est judicieux de lire et relire ces textes qui refondent l'universalité et
l'indivisibilité de tous les droits.
Claude Veyret
Section Dioise de la Ligue des Droits de l’Homme
LDHrhonealpes@aol.com
Section Dioise
Section Dioise
Chastel et Bassette
26150 Die
Le sociologue Robert Castel est mort : Agé de
79 ans, il s'était fait notamment fait connaître par ses travaux sur la
psychiatrie et sur le monde du travail.
Le sociologue français
Robert Castel est décédé mardi à l’âge de 79 ans, à Vincennes (Val-de-Marne),
a-t-on appris mercredi auprès de l’école des hautes études en sciences sociales
(EHESS) où il était directeur d’études.
«Robert Castel est décédé mardi à Vincennes à
l’âge de 79 ans», a déclaré un
porte-parole de l’EHESS à Paris.
Né le 27 mars 1933, Robert
Castel s’est fait connaître par ses travaux critiques sur la psychiatrie dans
les années 70 en publiant une dizaine d’ouvrages collectifs ainsi que plusieurs
livres personnels et de nombreux articles sur le sujet, traduits en plusieurs
langues.
Mais ce sont surtout ses
travaux sur le monde du travail et le salariat qui lui ont valu une large
notoriété. Il a notamment publié «Les métamorphoses de la question sociale» aux éditions Fayard en 1995, devenu un
classique pour les sociologues et les chercheurs s’intéressant aux inégalités
sociales.
Ses recherches analysent
la façon dont la société salariale s’est constituée puis son effritement à
partir du milieu des années 1970. Elles étudient aussi les conséquences sur
l’intégration sociale et le statut de l’individu contemporain, pointant des
menaces sur la cohésion sociale, avec l’apparition d’un monde parallèle
constitué de précarité, de jeunes diplômés sans emploi, de salariés à temps
partiel, de chômeurs.
Selon son ami et collègue
Marc Bessin, Robert Castel «admirait les
grands hommes, Pierre Bourdieu et Michel Foucault, mais il a toujours refusé de
faire école». «Il a laissé une grande oeuvre avec tout le travail qu’il a fait
sur la psychiatrie et la manière dont il s’est engagé dans une réflexion
critique qui a accompagné tous les mouvements anti-autoritaires»,
a-t-il souligné.
Robert Castel a notamment
publié «La gestion des risques» (éditions de Minuit, 1981),
récemment réédité, une réflexion sur l’individu contemporain, «La montée
des incertitudes» (Seuil), et, plus récemment «Changements
et pensées du changement, échanges avec Robert Castel» avec
Claude Martin, publié en 2012 aux éditions La découverte.
Texte de Robert Castel : Réduire les écarts de
revenus pour réduire la cassure de la société
L’instauration d’un revenu
minimal et d’un revenu maximal s’impose parce que notre société est menacée par
une coupure. En haut de la structure sociale prolifèrent des groupes de nantis
dotés de privilèges exorbitants. Ils n’ont plus rien de commun avec le nombre
croissant de tous ceux qui n’arrivent plus à «joindre les deux bouts».
Cette coupure remet en
question la possibilité de continuer à «faire société», qui suppose que tous
ces membres fassent partie d’un même ensemble lié par des relations
d’interdépendance. Face à ces menaces de fragmentation dues à l’explosion des
inégalités deux séries complémentaires de mesures pourraient être imposées pour
combattre cette dynamique destructrice de la cohésion sociale.
1) L’instauration d’un
revenu maximal serait le moyen de maintenir ou de rapatrier les ultrariches au
sein de l’ensemble social en rapprochant leurs conditions de celles du régime
commun. A quel taux faudrait-il fixer le montant de ce revenu ? Des
propositions de l’ordre de 20 fois le revenu minima, ou de 20 fois le
Smic ont été avancées. On pourrait en discuter, et discuter aussi des moyens
d’imposer de telles mesures. Mais elles doivent être défendues dans leur
principe, car elles seraient un puissant moyen de réduire les inégalités en
permettant de redistribuer une part des hauts revenus pour améliorer la
condition du plus grand nombre et des plus démunis.
2) L’instauration d’un
droit à un revenu minimal garanti devrait être posée comme une exigence
incontournable pour assurer à tous les membres de la société le socle de
ressources nécessaire pour satisfaire à leurs besoins. Mais plusieurs formules
ont été avancées pour réaliser cette exigence, dont certaines me paraissent
dangereuses. On a ainsi évoqué l’attribution d’un revenu d’existence ou de
citoyenneté voire d’une allocation universelle qui se contenteraient de
distribuer à tous une allocation financière minimale. Un tel revenu ne pourrait
être qu’une médiocre allocation de subsistance qui n’assurerait pas
l’indépendance économique des bénéficiaires.
Ceux-ci seraient obligés
d’accomplir à n’importe quel prix des activités pour arrondir leur allocation.
Ce serait un facteur supplémentaire de dégradation du marché du travail
encourageant le développement d’activités médiocres et mal payées.
Le renforcement des minima
sociaux et du RSA pourrait fournir une réponse plus consistante, à condition
qu’il soit reformé. Ainsi le RSA étendu aux jeunes pourrait inclure aussi,
outre l’API, la SS et la prime pour l’emploi, couvrant de ce fait la plupart
des situations sociales déficitaires. L’allocation de base devrait être
augmentée. Surtout, il devrait devenir un dispositif accès à l’emploi durable
et non un palliatif qui risque d’entretenir la précarité. Sous ces conditions
le RSA pourrait accomplir la double fonction de garantir un revenu assurant la
satisfaction des besoins de base de ceux et de celles qui sont à distance de
l’emploi durable, et d’accompagner les bénéficiaires sur la voie du retour à
cet emploi durable.
Le RSA ainsi musclé
pourrait constituer un élément essentiel de ce que l’on pourrait appeler une
sécurité sociale minimale garantie. J’entends par là la possibilité de disposer
de ces protections de base nécessaires pour être capable de mener une vie
décente. Mais ces conditions ne sont pas seulement financières, elles dépendent
aussi du fait d’être reconnu comme un sujet de droit.
ROBERT CASTEL Sociologue
EHESS
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