L'égalité entre les
hommes et les femmes progresse, certes, mais très lentement et pas pour tout le
monde. Les femmes restent en effet l'objet de discriminations sur le marché du
travail et continuent de porter à bout de bras l'essentiel des charges domestiques.
Et comme si cela ne suffisait pas, les inégalités entre femmes tendent à se
creuser…
Les conditions
féminines en France
Les Françaises conjuguent
à la fois une natalité élevée et un fort taux d'activité. Un exploit cher payé,
particulièrement pour les plus modestes d'entre elles qui cumulent précarité et
risque de pauvreté.Les Françaises sont des championnes ! Du moins à en croire les chiffres. Elles cumulent à la fois un taux de natalité élevé (2,03 enfants en 2010 selon Eurostat, le deuxième taux en Europe après l'Irlande) et un taux d'activité supérieur à la moyenne européenne (83,9 % des femmes entre 25 et 49 ans étaient actives en 2011, selon l'Insee). Cette "exception française" s'explique notamment par les structures publiques. La France est un des rares pays d'Europe à disposer d'écoles maternelles pour les enfants de 3 à 6 ans et elle compte un nombre relativement élevé de places d'accueil pour la petite enfance. Même si, malgré les récents efforts des pouvoirs publics, la pénurie est encore estimée entre 300 000 et 500 000 places. Le modèle français s'explique également par les normes sociales : alors qu'en Allemagne, par exemple, la figure de la mère au foyer est encore très présente, le fait que les jeunes mères travaillent est aujourd'hui tout à fait accepté en France.
Surmenage
Cependant, tout ne va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Car ce "modèle" ne doit pas faire oublier le prix auquel les Françaises réalisent cet exploit. Et notamment le risque de surmenage, ou en tout cas de "sur-ménage". Les femmes continuent en effet à consacrer 18 heures de plus que les hommes par semaine aux tâches domestiques et familiales . Parallèlement, ce cumul a des conséquences sur la qualité de l'emploi, en termes de temps de travail et de niveau de salaire notamment . Autant d'inégalités qui ne sont plus justifiées par leur niveau de qualification, puisque les femmes sont désormais plus diplômées que les hommes .
Ce "modèle" français implique en outre un moindre investissement des femmes dans les activités associatives et militantes [1], faute de temps. La double journée ne laisse guère de loisirs pour les réunions du soir… D'où aussi la faible représentation féminine dans la sphère politique. Dans ce domaine, la France fait figure de mauvaise élève, puisqu'en 2013 les femmes ne représentent que 27 % des députés et 13,8 % des maires. Et si le gouvernement est paritaire - ce qui est une première -, les cabinets ministériels, eux, restent majoritairement masculins.
Disparités
Cette réalité sociale masque aussi des divergences entre les femmes elles-mêmes. En effet, les diplômées du supérieur sont moins touchées par le chômage, le temps partiel subi, les emplois précaires et mal rémunérés ou encore la monoparentalité. Celle-ci s'est particulièrement développée ces vingt dernières années dans les catégories sociales les moins favorisées et constitue aujourd'hui une poche de pauvreté [2]. De plus, les femmes qui disposent d'un revenu suffisant peuvent avoir recours à des systèmes payant de garde d'enfants, d'aide aux devoirs ou de femmes de ménage, leur permettant ainsi de libérer du temps pour d'autres activités. Au risque cependant que cette délégation des tâches ménagères et familiales repose sur le développement d'emplois de mauvaise qualité.
Ce secteur de l'aide à la personne concentre en effet temps partiels, (très) bas salaires et emplois du temps morcelés, même si les partenaires sociaux ont commencé à se saisir de ces questions. Or, les femmes sont justement surreprésentées dans ce secteur d'activités. Il s'agit surtout de femmes peu ou pas diplômées et particulièrement exposées aux emplois précaires. Il ne faudrait donc pas que l'émancipation - encore inachevée - des femmes du haut de l'échelle sociale se fasse au détriment de celles du bas, qui resteraient, elles, scotchées au "plancher collant".
Claire Alet
Notes
(1) 37 % des hommes étaient adhérents d'au moins une association, contre 32 % des femmes en 2010 (Insee).
(2) Selon l'Insee, 14 % des femmes ayant au plus le brevet étaient en famille monoparentale en 2009, contre 10 % des femmes diplômées du supérieur. Par ailleurs, le taux de pauvreté des familles monoparentales est de 32 %, contre 6,5 % pour les couples sans enfant.
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