L'obsolescence programmée, bientôt interdite ?
Le groupe écologiste du Sénat a déposé, le 18 mars, une
proposition de loi pour lutter contre l'obsolescence programmée et faciliter la
réparabilité des produits. Elle pourrait être intégrée à la loi de consommation,
prévue avant l'été.
L'obsolescence programmée a été mise en place pour
"forcer" le renouvellement des produits, lorsque le taux d'équipement
des ménages a atteint un plafond.
- Alors que les associations de défense de l'environnement et des
consommateurs dénoncent l'obsolescence programmée depuis des années, une proposition de
loi, déposée le 18 mars par le groupe écologiste du Sénat, vise à lutter
contre ce phénomène et à organiser une économie de la réparation. Les sénateurs
souhaitent également lancer une réflexion sur l'économie de fonctionnalité, en
demandant au gouvernement un rapport sur ce sujet.
Le texte vise d'abord à donner une définition à
l'obsolescence programmée, la plus large possible pour englober les différents
types d'obsolescence (matérielle, logicielle…) des produits. Ainsi, "l'obsolescence
programmée est l'ensemble des techniques par lesquelles un fabricant ou un
importateur de biens vise, notamment par la conception d'un produit, à
raccourcir délibérément la durée de vie ou d'utilisation potentielle de ce
produit afin d'en augmenter le taux de remplacement". Introduction volontaire
d'une défectuosité, fragilité, arrêt programmé, limitation technique,
impossibilité de réparer et non-compatibilité logicielle sont notamment visés
dans l'exposé des motifs.
Ces stratégies, mises en place par les industriels lorsque les
taux d'équipement des ménages sont devenus tels que le marché ne portait
quasiment plus que sur le renouvellement des produits, pourraient ainsi devenir
un délit, punis d'une amende de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de
37.500 euros.
Durées légales de garantie et de conformité
Explications de Jean-Vincent Placé, auteur de la
proposition de loi Marie Jo Sader
- Le texte propose d'étendre la durée légale de
conformité à trois ans en 2014, quatre ans en 2015 et cinq ans en 2016, contre
deux actuellement. Les associations, consultées au cours des mois précédant la
rédaction de cette proposition de loi, auraient aimé que cette durée légale
soit augmentée à dix ans. "Nous avons voulu trouver un compromis",
explique Jean-Vincent Placé, l'un des auteurs de la proposition de loi.
En 2004, le plan national de prévention de déchets prévoyait la mise en
place d'une norme expérimentale sur la durée de vie des produits. La norme
avait alors été préférée à la garantie car cette dernière "suppose de
surmonter le problème posé par les conditions aléatoires d'utilisation des
produits par les consommateurs", précisait le plan. Mais les
travaux commandés à l'Afnor et à l'Ademe sur cette norme n'ont jamais abouti…
"La plupart des produits sont fiables pendant au
moins cinq ans, les fabricants ne devraient donc pas être particulièrement
pénalisés par cette mesure. L'allongement de cette garantie peut même
constituer un avantage concurrentiel", estiment de leur côté les
sénateurs écolos. "Regardez le constructeur automobile Kia, il a fait
de sa garantie sept ans un véritable argument marketing. Et cette marque se
porte plutôt bien sur le marché aujourd'hui", illustre Jean-Vincent
Placé.
L'article 3 prévoit une augmentation du délai de
couverture des défauts de conformité, de six mois à deux ans. "Actuellement,
les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir
de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf
preuve du contraire", détaille l'exposé des motifs.
Réparabilité et pièces de rechange
La proposition de loi prévoit également la mise à
disposition des pièces détachés indispensables à la réparation d'un produit
pendant au moins dix ans, mais aussi la disponibilité de la notice de
réparation. "Les éco-organismes doivent être, par ailleurs, incités à
prélever des pièces détachées sur les équipements usagés collectés lorsque la
réparation n'est pas possible, en vue de la réparation d'autres produits de
même type", ajoute l'exposé des motifs. L'article 5 prévoit aussi
qu'un des critères de fixation de l'éco-contribution porte sur l'allongement de
la durée de vie des produits, et notamment l'amélioration de leur réparabilité.
Des impacts encore incertains
Cette proposition de loi implique donc un profond
bouleversement du modèle économique actuel. Les impacts positifs, on les devine
aisément : moindre usage des ressources, diminution de la production des
déchets, développement d'une économie locale de la réparation... Une étude de 2012 de l'Ademe sur le secteur de la réparation en France indique que, de 2007 à
2009, le nombre d'entreprises des secteurs de la réparation de biens
d'équipements (électronique, électroménager, cordonnerie, horlogerie et
bijouterie) était en baisse de 1 à 10 % alors qu'à partir de 2009, la tendance
a commencé à sinverser, sauf pour l'électronique (baisse de 3%).
Mais quels impacts sur le modèle économique des
fabricants, voire des distributeurs qui vendent aujourd'hui aux consommateurs
des extensions de garantie correspondant à 10 – 15% du prix de vente ? Et
comment être sûr que le report de ces mesures sur le prix de vente final soit
limité pour garantir le pouvoir d'achat des ménages ? Le débat sur
l'obsolescence programmée, organisé le 23 avril au Sénat par le groupe
écologiste, répondra probablement à ces questions.
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