Aménagement du territoire
Notre-Dame-des-Landes : un pilote annonce un fiasco pour le futur aéroport
Thierry Masson, officier pilote de ligne, explique dans une lettre ouverte à François Hollande, les sérieux doutes de sa profession vis-à-vis des choix techniques et stratégiques du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Ce projet tel qu’il est pensé démontre une méconnaissance significative du fonctionnement d’un aéroport, estime-t-il, alors que toutes les compagnies aériennes européennes anticipent une baisse du trafic.
Lettre ouverte à François Hollande
Haute Goulaine, le 3 janvier 2013
Monsieur le Président,
Si je n’ai pas ordinairement vocation à m’inscrire dans une logique contestataire, et encore moins rétrograde, je souhaiterais vous faire part de mon étonnement lorsque nous parlons du transfert de l’aéroport nantais – qui fonctionne parfaitement – vers une future structure à Notre-Dame-des-Landes. Et ce dans le périmètre de mes compétences, fort de mon expertise technique d’officier pilote de ligne exerçant à ce jour depuis près de 25 ans à transporter des passagers, dont 10 années de Commandant de bord avec 18000 heures de vol, pour le compte de notre Compagnie nationale.
Ce projet est loin de garantir un niveau opérationnel, compte tenu de son architecture future déjà dépassée. Sa viabilité relève d’hypothèses hautes – qu’aucun organisme aussi sérieux que l’Organisation de l’aviation civile internationale ou l’Agence internationale du transport aérien n’aurait osé imaginer – sans prise en compte de la technicité et de la fragilité du modèle économique et industriel lié à la spécificité du transport aérien. Cependant, l’enquête conduisant à la déclaration d’utilité publique de février 2008 l’a validé.
Stabilité du nombre de vols
L’actuel aéroport de Nantes-Atlantique répond à la totalité des critères les plus stricts imposés à notre secteur d’activité. Sa croissance est certes constante, forte de ses 3,2 millions de passagers. Mais c’est en termes de mouvements d’avions que se calcule et s’anticipe avant tout le dynamisme d’une telle plateforme. A Nantes, il y a une quasi stabilité, avec environ 50 000 mouvements de vols commerciaux par an. L’augmentation du nombre de passagers revient à une meilleure performance grâce à l’optimisation du remplissage de chaque vol, où les compagnies aériennes assurent au jour le jour l’activité aéroportuaire avec un emport moyen ici de 75 passagers (quand la moyenne nationale est de 90).
Pour cette activité, il faut faire un distinguo entre les lignes régulières qui ont une croissance conforme aux performances des autres aéroports régionaux similaires de France ou des pays voisins, et les vols charters ou lowcost, uniquement liés à la saisonnalité de cette activité, qui « tirent » vers le haut l’activité de l’aéroport Nantes-Atlantique, une saisonnalité significative seulement 6 mois par an !
Par ailleurs, la sécurité de Nantes Atlantique correspond aux performances détaillées par des normes les plus strictes rédigées par l’Organisation de l’aviation civile internationale (191 Etats membres, 1200 compagnies aériennes). Celles-ci, reprises en France par le ministère des Transports et la Direction générale de l’aviation civile, ont classé l’aéroport Nantes Atlantique en catégorie A. C’est-à-dire sans aucune particularité référencée de type environnemental, contrainte de survol en tous genres, obstacles, espaces à particularités type industriel, militaire ou zone à sensibilités remarquables.
Voici de quoi faire taire définitivement les détracteurs de l’aéroport actuel, qui arguent maladroitement, vraisemblablement par méconnaissance, d’une nécessité absolue de transfert.
Des améliorations à moindre coût de l’aéroport actuel
Son hypothétique saturation peut être anticipée à tout instant – compte tenu de la surface aéroportuaire actuellement disponible – avec de multiples extensions imaginables, comme cela se fait partout en Europe mais aussi en France lorsque l’on constate une croissance significative en cours ou à venir. C’est ce qui se produit sur bon nombre d’aéroports nationaux et internationaux avec des extensions des aérogares et/ou des parkings avions. Localement, citons Bordeaux, Marseille, Nice, Lyon,... La liste n’est pas exhaustive.
La dangerosité de l’actuel aéroport, un moment soulignée, relève surtout de l’agitation médiatique. Aucun constat sérieux ne l’a un instant indiquée, au regard de l’ensemble des références aéronautiques sur cette question sensible. Localement, les organismes de surveillance et de suivi sont adroits et efficaces, et l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires parfaitement opérationnelle à ce jour. De nouvelles techniques de survol ont été ébauchées par des ingénieurs de l’Aviation civile. Elles démontrent que nous pouvons envisager à moindre coût des améliorations significatives, dès lors que nous aurons dépassé le « syndrome Notre-Dame-des-Landes ». Celui qui semble actuellement nous dicter de ne rien faire à Nantes Atlantique puisque Notre-Dame-des-Landes pourrait être réalisé dans les années à venir...
Si dangerosité potentielle il y avait, que faire du principe de précaution, que l’on sait applicable à tout instant, qui imposerait de suspendre sine die l’activité de notre aéroport actuel ?
Nantes Atlantique, au 10ème rang des aéroports français
D’un point de vue logistique, faut-il le rappeler, Nantes Atlantique possède ce dont bon nombre d’aéroports n’ont pas la chance d’être dotés : des servitudes type ligne de tramway à proximité immédiate, voies ferrées jouxtant les aérogares actuelles, réseaux routiers performants ouverts vers l’océan proche, ainsi que vers les axes routiers en direction de Paris, Bordeaux, la Bretagne immédiate, la Normandie toute proche. Ici satisfecit total concernant le Schéma de cohérence territorial local ! Nous ne sommes pas enclavés !
L’aéroport de Nantes Atlantique, classé depuis de très nombreuses années au 10ème rang des aéroports français, c’est-à-dire dans le ventre mou de ces aéroports de province, a et aura une vocation avant tout régionale tant aux niveaux français qu’européen. Les compagnies aériennes régionales ont remis le trophée ERA Award 2011-2012 du meilleur aéroport européen à l’équipement pour Nantes-Atlantique.
Le réseau de lignes aériennes est dicté par la demande. Ce sont les compagnies aériennes qui nous l’indiquent et décident de venir se poser à Nantes, à la seule condition que cette clientèle passagers soit au rendez-vous. Les capitales économiques à desservir sont limitées par cette demande et seule l’offre des vols vacances fluctue en fonction des choix économiques rentables et rémunérateurs pour les opérateurs de l’aérien. Un aéroport ne dicte pas l’offre, c’est le marché qui l’oriente, offre construite à partir de situations structurelles ou conjoncturelles.
Les compagnies aériennes anticipent la réduction du trafic
Ce sont l’Observatoire des politiques et stratégies des transports en Europe ainsi que le Comité national des transports qui nous chiffrent cet état. Ainsi que les éventuelles perspectives de croissance reprises par les services de notre Aviation civile, ici en France ! Un aéroport répond toujours à un besoin mais ne génère pas ce besoin.
Quid alors de cette fameuse croissance pour Notre-Dame-des-Landes à 9 millions de passagers en 2065 et quelles perspectives à moyen ou long terme ?
L’ensemble des experts indiquent qu’il y aura croissance du transport aérien, mais résolument limitée à la Chine, à l’Inde et au Moyen Orient, régions formidablement émergentes. Peu ou pas sur le continent nord-américain et encore moins en Europe. En cause : la relation directe entre économie du transport aérien et PIB de nos Etats/régions (diagnostic repris par la DGAC). L’Association internationale du transport aérien (IATA) annonce que sans croissance durable et supérieure à 2%, la ressource financière pourrait être exsangue. Les coûts carburant, impactés par le prix du pétrole, et les quotas de CO2 pour l’aérien intégrés aux accords de Kyoto, feront du dynamisme économique et industriel un eldorado ou un... fiasco. A l’heure actuelle, toutes les compagnies aériennes mettent en place des plans d’adaptation avec réduction de leurs effectifs et leurs moyens matériels, en les minorant par exemple pour Air France (-12%), pour Lufthansa (-17%), Air Portugal (-20%), British Airways et Ibéride (-25%), Alitatlia (-28%), Scandinavian (-44%), Ryanair immobilisant plus d’un quart de ses avions au sol...
Enfin, ces mêmes compagnies, traditionnelles ou émergentes, se rassemblent, créent des synergies en fusionnant et se centralisent sur des plateformes uniques, dans toutes les capitales européennes et au delà.
Aucune garantie sur l’emploi
Dès lors, la mise en perspective de projet d’Aéroport du Grand-ouest, avec une nouvelle plateforme dotée de deux pistes, qui plus est non parallèles, étonne. Pourquoi deux pistes ? Pourquoi la plus grande des deux, avec ses 2900m de long par 45m de large – limitatifs au regard des dimensions et des performances pures des avions gros porteurs – n’est-elle pas plus grande que celle existant déjà à Nantes Atlantique ? Et pourquoi ces pistes ne sont-elles pas dotées de taxiways parallèles, alors qu’aucun autre aéroport de cette catégorie n’a été créé en Europe avec une telle configuration depuis... Orly en 1973 ?
Ces premières questions révèlent une méconnaissance significative du fonctionnement d’un aéroport ! Force est de constater qu’une seule piste astucieusement dotée de sorties rapides et d’une bande de roulement parallèle suffirait à absorber les flux espérés. La preuve n’est plus à faire qu’une aérogare correctement dimensionnée et optimisée peut traiter des dizaines de millions de passagers. Le nombre de postes de stationnement avions à Notre-Dame-des-Landes est revu à la baisse par rapport à l’existant à Nantes-Atlantique. Les servitudes liées aux débarquements/embarquements des passagers se paupérisent, les contraintes des roulages des aéronefs vont s’imposer malgré la spécialisation des pistes annoncées...
De plus, il n’y a aucune garantie sur l’emploi puisque, selon la règle observée (en tout cas si l’on se conforme aux usages), cet aéroport drainera en moyenne tout au plus 700 emplois directs par million de passagers, classique en France comme en Europe pour un aéroport de province.
Des aéroports sous-utilisés
Enfin, nombre d’aéroports aux santés financières exécrables sont sous-utilisés, compte tenu de leur dimensionnement. Je pense notamment au troisième aéroport parisien de Vatry, avec 52 000 passagers/an et une piste de 3850 mètres. Que dire de Clermont-Ferrand, Epinal, Metz-Nancy Lorraine, Tours, Poitiers, Bergerac,... ? La liste est malheureusement encore longue !
Si l’art de la politique est de prévoir pour gouverner, anticiper pour s’adapter, les approches intellectuelle, industrielle et pragmatique de ce projet d’aéroport devraient être de ces rendez-vous à ne pas manquer. Quelle que soit l’attractivité en cours ou à venir pour nos belles régions de l’Ouest, qui va parier sur des vols transcontinentaux entre Los-Angeles, Singapour, Sydney ou Dubaï vers Notre-Dame-des-Landes ? Que va devenir le bassin industriel existant au Sud-Loire, avec l’unité de production d’Airbus, si l’aéroport de Nantes-Atlantique, comme le prévoit la Déclaration d’utilité publique, est transféré vers le Nord-Loire ? Et si Nantes-Atlantique n’était plus déplacé ? Quelle place manque-t-il aujourd’hui à Nantes pour rester en connexion parfaite avec l’Europe immédiate ou le monde tout proche ?
Un gaspillage de ressources financières et foncières colossales
Rien n’indique que nos concitoyens et notre Nation aient besoin d’une telle infrastructure. Il est urgent de mettre en place les conditions raisonnables d’un moratoire, pour revisiter les demandes et perspectives du marché potentiel, les besoins et demandes des compagnies aériennes, ainsi qu’une cohérence industrielle, a fortiori économique et sociale.
Au regard des règles liées à l’aménagement du territoire, il n’a jamais été constaté qu’un aéroport allait générer une économie nouvelle. Particulièrement lorsque l’outil correspondant existe déjà et reste sous-utilisé. Une efficacité améliorée et optimisée permettrait de ne pas grapiller, gaspiller de nouvelles ressources financières et foncières colossales, dont on sait pertinemment que nous devons jour après jour en faire l’économie.
Dans les meilleurs délais, je vais m’impliquer en me rapprochant de la Commission de dialogue mise en place à l’initiative de monsieur le Premier ministre, adossé au Collectif de pilotes de ligne doutant de la pertinence du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, pour expliquer en détail les sérieux doutes de notre profession vis-à-vis de ces choix techniques et stratégiques particulièrement discutables.
Espérant ne pas avoir été trop long tout en restant suffisamment détaillé dans ces explications, je reste, monsieur le Président, soyez-en certain, à votre entière disposition. Et je renouvelle la demande d’entretien que la coordination des opposants souhaite avoir avec vous depuis quatre mois.
Veuillez agréer, monsieur le Président, l’expression de mon profond respect.
Thierry Masson, Officier Pilote de Ligne
Haute Goulaine, le 3 janvier 2013
Monsieur le Président,
Si je n’ai pas ordinairement vocation à m’inscrire dans une logique contestataire, et encore moins rétrograde, je souhaiterais vous faire part de mon étonnement lorsque nous parlons du transfert de l’aéroport nantais – qui fonctionne parfaitement – vers une future structure à Notre-Dame-des-Landes. Et ce dans le périmètre de mes compétences, fort de mon expertise technique d’officier pilote de ligne exerçant à ce jour depuis près de 25 ans à transporter des passagers, dont 10 années de Commandant de bord avec 18000 heures de vol, pour le compte de notre Compagnie nationale.
Ce projet est loin de garantir un niveau opérationnel, compte tenu de son architecture future déjà dépassée. Sa viabilité relève d’hypothèses hautes – qu’aucun organisme aussi sérieux que l’Organisation de l’aviation civile internationale ou l’Agence internationale du transport aérien n’aurait osé imaginer – sans prise en compte de la technicité et de la fragilité du modèle économique et industriel lié à la spécificité du transport aérien. Cependant, l’enquête conduisant à la déclaration d’utilité publique de février 2008 l’a validé.
Stabilité du nombre de vols
L’actuel aéroport de Nantes-Atlantique répond à la totalité des critères les plus stricts imposés à notre secteur d’activité. Sa croissance est certes constante, forte de ses 3,2 millions de passagers. Mais c’est en termes de mouvements d’avions que se calcule et s’anticipe avant tout le dynamisme d’une telle plateforme. A Nantes, il y a une quasi stabilité, avec environ 50 000 mouvements de vols commerciaux par an. L’augmentation du nombre de passagers revient à une meilleure performance grâce à l’optimisation du remplissage de chaque vol, où les compagnies aériennes assurent au jour le jour l’activité aéroportuaire avec un emport moyen ici de 75 passagers (quand la moyenne nationale est de 90).
Pour cette activité, il faut faire un distinguo entre les lignes régulières qui ont une croissance conforme aux performances des autres aéroports régionaux similaires de France ou des pays voisins, et les vols charters ou lowcost, uniquement liés à la saisonnalité de cette activité, qui « tirent » vers le haut l’activité de l’aéroport Nantes-Atlantique, une saisonnalité significative seulement 6 mois par an !
Par ailleurs, la sécurité de Nantes Atlantique correspond aux performances détaillées par des normes les plus strictes rédigées par l’Organisation de l’aviation civile internationale (191 Etats membres, 1200 compagnies aériennes). Celles-ci, reprises en France par le ministère des Transports et la Direction générale de l’aviation civile, ont classé l’aéroport Nantes Atlantique en catégorie A. C’est-à-dire sans aucune particularité référencée de type environnemental, contrainte de survol en tous genres, obstacles, espaces à particularités type industriel, militaire ou zone à sensibilités remarquables.
Voici de quoi faire taire définitivement les détracteurs de l’aéroport actuel, qui arguent maladroitement, vraisemblablement par méconnaissance, d’une nécessité absolue de transfert.
Des améliorations à moindre coût de l’aéroport actuel
Son hypothétique saturation peut être anticipée à tout instant – compte tenu de la surface aéroportuaire actuellement disponible – avec de multiples extensions imaginables, comme cela se fait partout en Europe mais aussi en France lorsque l’on constate une croissance significative en cours ou à venir. C’est ce qui se produit sur bon nombre d’aéroports nationaux et internationaux avec des extensions des aérogares et/ou des parkings avions. Localement, citons Bordeaux, Marseille, Nice, Lyon,... La liste n’est pas exhaustive.
La dangerosité de l’actuel aéroport, un moment soulignée, relève surtout de l’agitation médiatique. Aucun constat sérieux ne l’a un instant indiquée, au regard de l’ensemble des références aéronautiques sur cette question sensible. Localement, les organismes de surveillance et de suivi sont adroits et efficaces, et l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires parfaitement opérationnelle à ce jour. De nouvelles techniques de survol ont été ébauchées par des ingénieurs de l’Aviation civile. Elles démontrent que nous pouvons envisager à moindre coût des améliorations significatives, dès lors que nous aurons dépassé le « syndrome Notre-Dame-des-Landes ». Celui qui semble actuellement nous dicter de ne rien faire à Nantes Atlantique puisque Notre-Dame-des-Landes pourrait être réalisé dans les années à venir...
Si dangerosité potentielle il y avait, que faire du principe de précaution, que l’on sait applicable à tout instant, qui imposerait de suspendre sine die l’activité de notre aéroport actuel ?
Nantes Atlantique, au 10ème rang des aéroports français
D’un point de vue logistique, faut-il le rappeler, Nantes Atlantique possède ce dont bon nombre d’aéroports n’ont pas la chance d’être dotés : des servitudes type ligne de tramway à proximité immédiate, voies ferrées jouxtant les aérogares actuelles, réseaux routiers performants ouverts vers l’océan proche, ainsi que vers les axes routiers en direction de Paris, Bordeaux, la Bretagne immédiate, la Normandie toute proche. Ici satisfecit total concernant le Schéma de cohérence territorial local ! Nous ne sommes pas enclavés !
L’aéroport de Nantes Atlantique, classé depuis de très nombreuses années au 10ème rang des aéroports français, c’est-à-dire dans le ventre mou de ces aéroports de province, a et aura une vocation avant tout régionale tant aux niveaux français qu’européen. Les compagnies aériennes régionales ont remis le trophée ERA Award 2011-2012 du meilleur aéroport européen à l’équipement pour Nantes-Atlantique.
Le réseau de lignes aériennes est dicté par la demande. Ce sont les compagnies aériennes qui nous l’indiquent et décident de venir se poser à Nantes, à la seule condition que cette clientèle passagers soit au rendez-vous. Les capitales économiques à desservir sont limitées par cette demande et seule l’offre des vols vacances fluctue en fonction des choix économiques rentables et rémunérateurs pour les opérateurs de l’aérien. Un aéroport ne dicte pas l’offre, c’est le marché qui l’oriente, offre construite à partir de situations structurelles ou conjoncturelles.
Les compagnies aériennes anticipent la réduction du trafic
Ce sont l’Observatoire des politiques et stratégies des transports en Europe ainsi que le Comité national des transports qui nous chiffrent cet état. Ainsi que les éventuelles perspectives de croissance reprises par les services de notre Aviation civile, ici en France ! Un aéroport répond toujours à un besoin mais ne génère pas ce besoin.
Quid alors de cette fameuse croissance pour Notre-Dame-des-Landes à 9 millions de passagers en 2065 et quelles perspectives à moyen ou long terme ?
L’ensemble des experts indiquent qu’il y aura croissance du transport aérien, mais résolument limitée à la Chine, à l’Inde et au Moyen Orient, régions formidablement émergentes. Peu ou pas sur le continent nord-américain et encore moins en Europe. En cause : la relation directe entre économie du transport aérien et PIB de nos Etats/régions (diagnostic repris par la DGAC). L’Association internationale du transport aérien (IATA) annonce que sans croissance durable et supérieure à 2%, la ressource financière pourrait être exsangue. Les coûts carburant, impactés par le prix du pétrole, et les quotas de CO2 pour l’aérien intégrés aux accords de Kyoto, feront du dynamisme économique et industriel un eldorado ou un... fiasco. A l’heure actuelle, toutes les compagnies aériennes mettent en place des plans d’adaptation avec réduction de leurs effectifs et leurs moyens matériels, en les minorant par exemple pour Air France (-12%), pour Lufthansa (-17%), Air Portugal (-20%), British Airways et Ibéride (-25%), Alitatlia (-28%), Scandinavian (-44%), Ryanair immobilisant plus d’un quart de ses avions au sol...
Enfin, ces mêmes compagnies, traditionnelles ou émergentes, se rassemblent, créent des synergies en fusionnant et se centralisent sur des plateformes uniques, dans toutes les capitales européennes et au delà.
Aucune garantie sur l’emploi
Dès lors, la mise en perspective de projet d’Aéroport du Grand-ouest, avec une nouvelle plateforme dotée de deux pistes, qui plus est non parallèles, étonne. Pourquoi deux pistes ? Pourquoi la plus grande des deux, avec ses 2900m de long par 45m de large – limitatifs au regard des dimensions et des performances pures des avions gros porteurs – n’est-elle pas plus grande que celle existant déjà à Nantes Atlantique ? Et pourquoi ces pistes ne sont-elles pas dotées de taxiways parallèles, alors qu’aucun autre aéroport de cette catégorie n’a été créé en Europe avec une telle configuration depuis... Orly en 1973 ?
Ces premières questions révèlent une méconnaissance significative du fonctionnement d’un aéroport ! Force est de constater qu’une seule piste astucieusement dotée de sorties rapides et d’une bande de roulement parallèle suffirait à absorber les flux espérés. La preuve n’est plus à faire qu’une aérogare correctement dimensionnée et optimisée peut traiter des dizaines de millions de passagers. Le nombre de postes de stationnement avions à Notre-Dame-des-Landes est revu à la baisse par rapport à l’existant à Nantes-Atlantique. Les servitudes liées aux débarquements/embarquements des passagers se paupérisent, les contraintes des roulages des aéronefs vont s’imposer malgré la spécialisation des pistes annoncées...
De plus, il n’y a aucune garantie sur l’emploi puisque, selon la règle observée (en tout cas si l’on se conforme aux usages), cet aéroport drainera en moyenne tout au plus 700 emplois directs par million de passagers, classique en France comme en Europe pour un aéroport de province.
Des aéroports sous-utilisés
Enfin, nombre d’aéroports aux santés financières exécrables sont sous-utilisés, compte tenu de leur dimensionnement. Je pense notamment au troisième aéroport parisien de Vatry, avec 52 000 passagers/an et une piste de 3850 mètres. Que dire de Clermont-Ferrand, Epinal, Metz-Nancy Lorraine, Tours, Poitiers, Bergerac,... ? La liste est malheureusement encore longue !
Si l’art de la politique est de prévoir pour gouverner, anticiper pour s’adapter, les approches intellectuelle, industrielle et pragmatique de ce projet d’aéroport devraient être de ces rendez-vous à ne pas manquer. Quelle que soit l’attractivité en cours ou à venir pour nos belles régions de l’Ouest, qui va parier sur des vols transcontinentaux entre Los-Angeles, Singapour, Sydney ou Dubaï vers Notre-Dame-des-Landes ? Que va devenir le bassin industriel existant au Sud-Loire, avec l’unité de production d’Airbus, si l’aéroport de Nantes-Atlantique, comme le prévoit la Déclaration d’utilité publique, est transféré vers le Nord-Loire ? Et si Nantes-Atlantique n’était plus déplacé ? Quelle place manque-t-il aujourd’hui à Nantes pour rester en connexion parfaite avec l’Europe immédiate ou le monde tout proche ?
Un gaspillage de ressources financières et foncières colossales
Rien n’indique que nos concitoyens et notre Nation aient besoin d’une telle infrastructure. Il est urgent de mettre en place les conditions raisonnables d’un moratoire, pour revisiter les demandes et perspectives du marché potentiel, les besoins et demandes des compagnies aériennes, ainsi qu’une cohérence industrielle, a fortiori économique et sociale.
Au regard des règles liées à l’aménagement du territoire, il n’a jamais été constaté qu’un aéroport allait générer une économie nouvelle. Particulièrement lorsque l’outil correspondant existe déjà et reste sous-utilisé. Une efficacité améliorée et optimisée permettrait de ne pas grapiller, gaspiller de nouvelles ressources financières et foncières colossales, dont on sait pertinemment que nous devons jour après jour en faire l’économie.
Dans les meilleurs délais, je vais m’impliquer en me rapprochant de la Commission de dialogue mise en place à l’initiative de monsieur le Premier ministre, adossé au Collectif de pilotes de ligne doutant de la pertinence du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, pour expliquer en détail les sérieux doutes de notre profession vis-à-vis de ces choix techniques et stratégiques particulièrement discutables.
Espérant ne pas avoir été trop long tout en restant suffisamment détaillé dans ces explications, je reste, monsieur le Président, soyez-en certain, à votre entière disposition. Et je renouvelle la demande d’entretien que la coordination des opposants souhaite avoir avec vous depuis quatre mois.
Veuillez agréer, monsieur le Président, l’expression de mon profond respect.
Thierry Masson, Officier Pilote de Ligne
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