Permaculture : le
ver est dans le label
Inventorier les
agricultures indigènes, de part le monde, qui respectent l'environnement est
certes une entreprise louable ; mais les breveter en y apposant le sigle « Permaculture* » est digne de la magie délétère d'une
multinationale.
Bill Mollison, le
gourou de l'agriculture permanente, depuis 1974, dont le premier carnet, « Introduction à la Permaculture », vient d'être traduit et publié par le magazine « Passerelle éco », est-il un escroc aux mains vertes ?
(Critique
du livre de Bill Mollison "Introduction à la Permaculture", traduit
et publié par le magazine "Passerelle Eco", en décembre 2012 ; prix :
23 euros).
- L'australien n'a rien
d'un aborigène qui ne prélève de la Terre que ce dont il a besoin.
- En France, après la
guerre, il eût fait partie du mouvement Castor ; en Israël, membre d'un
kibboutz, le tasmanien aurait inventé un nouvel aspersoir : le goutte-à-goutte
pour fleurir un désert, arraché à la nonchalance des bédouins...
- Né en 1928, à Stanley
sur l'étrange île de Tasmanie, l'homme au physique d'Ernest Hemingway connut la
vie laborieuse d'un Jack London qui a su éviter et la lutte des classes et la
Grande dépression.
- Fils de boulanger, tour
à tour pêcheur de requins, garde-forestier, braconnier, ouvrier textile et
naturaliste autodidacte, Bill est recruté, en 1954, par le Centre de recherche
scientifique et industriel du Commonwealth (CISRO).
- La colonisation
anglo-saxonne aime les aventuriers et en fait souvent des espions ou des
conquérants.
- L'Australie, la
Nouvelle-Zélande sont de formidables laboratoires pour le curieux des mondes
végétal, minéral et animal ; peu peuplé par l'homme, plus de vingt fois la
superficie de la France, le territoire offre toutes les configurations
climatiques de la Planète sauf celles des plateaux himalayens ou andins.
- Pendant neuf ans, le
futur stratège en jardinage prospecte, enquête, dans les recoins les plus
reculés du continent, sur les mille et une manières dont l'aborigène accommode
l'opossum et comment le colon, descendant de bagnards, élève le mérinos,
introduit le dromadaire, cuisine la viande de kangourou et, le dimanche,
ratonne l'Aranda, le Murngin ou le Kariera **...
- Puis, las de la
poussière du bush, notre Crocodile Dundee, épris d'éthologie et de mariculture,
recense tous les poissons et crabes des rivières, fleuves et estuaires...
- L'agent du Survey
noircit des cahiers de symboles topographiques : source, thalweg, affluent,
marécage, plage de surf, enregistre les us et coutumes des tribus, les « fossilise
» quelque peu, au départ, dans des descriptions coloniales, puis peu à peu,
entre en empathie avec elles.
- La voie du Tao,
c'est-à-dire du Milieu, n'est pas inconnue du locataire du pôle austral – ne
serait-ce par la présence de milliers travailleurs chinois...
Son dessein (« design »
disent les snobs un brin paysagistes ) n'est pas d'exploiter – bien que la
cartographie est à l'origine de tous les pillages – mais de comprendre
l'agitation des espèces, en milieu tempéré comme en terre hostile, et par-là
même percer le secret des écosystèmes.
- En 1963, il devient
conservateur de musée à Hobart où, peut-être, a-t-il empaillé, lui-même, le
dernier tigre de l'île...
- Pure spéculation ou
légende.
- La nature est « cosa mentale » ; et le maître mot, même
chez la fourmi productiviste, « harmonie »...
- Il y a du Charles
Fourier dans la façon dont le spécialiste en stress des vertébrés range les
espèces : par affinité, opposition ou complétude.
- Et aussi de « L'art de la guerre » de Sun Tsu dans
la construction du « site » idéal, bien à l'abri des vents, du feu et de l'eau,
et entouré de clôtures...
- Car l'homme a compris
que celui qui crée l'équilibre entre les forces en présence, de manière
imaginaire ou réelle, est le maître du Temps.
On construit toujours
sa maison à la frontière des mondes
- Dans la préface
française de son manuel, l'agronome Claude Bourguignon écrit : « En 7 000 ans d'agriculture, l'humanité a
désertifié 2 milliards d'hectares dont un milliard au XXème siècle » ;
et attribue, après un éloge du jardin potager mexicain, l'accélération du
phénomène de désertification à l'agriculture dite « conventionnelle ».
- Or, ce n'est pas tant
cette dernière mais la violence des compagnies pétrolières et minières pour
lesquelles notre souteneur de la Nature a, sans doute, travaillé le responsable
!
- Ce sont elles qui
labourent les entrailles de la Terre, pour y extraire l'or, le pétrole, le
diamant, l'uranium, le cuivre et autres rares minerais qui épuisent la Planète,
réduisant la couche arable à un vernis de civilisation, tout juste bon à
satisfaire un rat de laboratoire.
- Au reste, la culture
intensive, les élevages de bétail, la mise en bouteille de l'eau, n'existent
que pour sustenter et abreuver cet immense prolétariat que les industries des sous-sols
continuent à déraciner...
- L'ingénieur agronome,
l'œil rivé à son microscope, et sa femme, œnologue piquant du nez, dans la cave
d'un vigneron, ne semblent pas les apercevoir...
- Un prolétariat sans
titre de propriété ni héritage dont la seule citoyenneté est d'échanger sa
force de travail – ici ou là-bas – contre un salaire de misère.
- Il a fallu attendre, en
Europe, le premier choc pétrolier, en 1973, et la cascade de fermeture d'usines
et de mines des quarante dernières années pour que le retour au village
ancestral et à sa fontaine soit envisagé.
- Chose que le docteur en
microbiologie des sols, payé par les marchands de pinards, ne semble pas
constater !
- « Il n'y a pas d'autonomie alimentaire possible
sans accès à la terre, à l'information et aux ressources financières. »
assène justement Bill Mollison.
- Mais lorsqu'on est
scientifique ou ingénieur des mines, il est préférable de ne pas s'attaquer aux
multinationales ni au Crédit agricole, grand propriétaire foncier, en France,
qui financent les programmes universitaires et qui peuvent, le cas échéant,
verser une obole à votre modeste organisation humanitaire.
- On ne mord pas la main
qui nourrit est la première règle du Permaculteur.
- Le chapeau à peau de
prolétaire vissé sur le crâne, le doux réformateur de l'intérieur bourgeois a
l'âme d'un promoteur, qui métamorphose n'importe quel terrain vague, coincé
entre une centrale nucléaire et une usine désaffectée, en jardin d'Hespérides
qui pourrait nourrir deux restaurants du cœur.
- Le bon samaritain ne se
contente pas de distribuer de la nourriture potentielle, il apprend à pêcher
aux chômeurs.
- Un cour certifiant de
conception en permaculture (CCP) de 72 heures promet de transformer chaque
demandeur d'emploi en Permaculteur agréé.
- Un stage payant aussi
miraculeux qu'un baptême à l'église...
- Il y aurait, selon les
éditions Tagari, plus de 300 000 diplômés à travers le monde, tous impliqués à
leur manière dans l'environnement ou dans un travail social.
- Rançon de la gloire : il
existerait, paraît-il, de faux disciples du jardinier australien...
- « Il existe de nombreux cours de Permaculture, mais
un seul peut prétendre délivrer un Certificat de Permaculture. »
nous dit la publicité qui vante le savoir-faire du grand Bill, décoré, à plus
de 80 ans, comme un maréchal soviétique :
- Prix Nobel alternatif en
1981 ; Tree Tax Award en Hollande ; titre de Honorary fellow of the Schumacher
Society au Royaume-Uni en 1989 ; prix Reconocimiento au Mexique ; médaille
Vavilov délivrée par l'Académie russe des sciences agricoles, etc.
- S'il y a quelque chose
de durable et de soutenu, dans l'entreprise Mollison, ce sont les honneurs et
les médailles qu'il continue à recevoir...
- Car dans la vie réelle
où le moindre lopin de glèbe est inscrit au cadastre, il y a de moins en moins
de terre commune dont les fruits et légumes sont partagés.
- Où est donc l'avenir
d'une culture collective vivrière pour les prolétaires ?
- Dans les pots de fleurs,
les jardinières et autres récipients récupérés à la déchetterie !
- A qui s'adresse la
permaculture, cet ensemble de savoir-faire, emprunté pour ne pas dire volé aux
paysans du Deccan, du Niger et d'ailleurs ?
Un manuel à
l'usage du proprio, du maraîcher de la filière bio et du paysagiste un brin
survivaliste
- A la question, quel
livre emporteriez-vous si vous étiez débarqué manu militari sur une île
déserte, le consommateur bobo risque de répondre au journaliste : «
Introduction à la Permaculture»...
- Car ce manuel, plein de
plans et de d'astuces, lui apprend comment construire un bungalow chic,
résistant aux typhons, et un jardin qui, dans le subtil agencement des espèces,
lui laisse du temps pour regarder sur Internet, alimentée par une éolienne,
toutes les émissions de Nicolas Mulot...
- Le « tracteur à poule »,
piqué à des paysans hawaiiens, qui retourne la terre et élimine les mauvaises
herbes, sans fatiguer le retraité, est admirable ; et que dire de la grille
placée sous les cochons dont les excréments nourrissent directement les carpes
japonaises...
- Même si plongé dans la
sylphe, le lecteur succombait à la béatitude, au pied d'un banian, oubliant
jusqu'à son propre rouleau de papier cul, les illustrations de ce livre de 240
pages sauraient lui rappeler les « motifs naturels archétypaux » de notre
civilisation : toilettes sèches, robinet branché à la source et eaux des éviers
récupérées pour nourrir les rangées de petits pois et de tomates sagement
alignées ; salle de bains en plein air surmontée d'une plante grimpante,
achetée en kit chez Ikaka ; mare ponctuée de nénuphars où baignent
voluptueusement grenouilles et tortues ; le tout entouré d'une palissade,
construite en bois de faux-acacia, avec inscrit en grosse lettres rouges tirées
d'un extrait de cochenille écrasée « PROPRIETE PRIVEE ».
- L'iconographie du livre
respire la robinsonnade utile et policée d'un ordre vaguement bohème...
- La permaculture, marque
déposée, serait-elle un anthropocentrisme qui utilise opportunément toutes les
espèces pour mieux élégamment les exploiter ?
- Partisan involontaire de
la décroissance et du prolétariat en armes, je serais enclin à le penser.
HIMALOVE
Dieulefit, le 4 janvier 2013
*Question à l'éditeur : il
n'existe pas, selon Wikipédia, de marque déposée pour le mot « permaculture »
ni en Australie ni aux Etats-Unis ; comment diable l'édition française
s'arroge-t-elle le droit du copyright ?
**Aranda, Murngin et
Kariera sont les noms oubliés des tribus vivant libres sur la Terre du Rêve
avant que les Blancs ne les appellent les aborigènes...
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