Immeuble réquisitionné à Paris: «Ici, c’est chez nous. J’y suis, j’y reste!»
LOGEMENT – Deux associations et une quarantaine de mal-logés ont «réquisitionné» un immeuble de 2.000 m2 dans le 10e arrondissement de Paris depuis le 29 décembre...
«All you need is home», chantent des Beatles frigorifiés sur un dessin signé de l’association contre le mal-logement Jeudi Noir. Ce lundi matin, les deux associations Jeudi Noir et Droit au logement (DAL) ont reçu presse et élus pour officialiser leur occupation d’un immeuble vide situé au 2, rue de Valenciennes dans le 10 ème arrondissement de Paris. La quarantaine d’occupants, dont 24 enfants, aidés et encouragés par les associatifs, ont pris place dans ces 2.000 m2 de bureaux transformés en habitat plutôt confortable depuis le 29 décembre. Car contrairement à beaucoup de lieux squattés, notamment une maternité dans le 12ème occupée a semaine dernière, cet immeuble, vide depuis deux ans, n’a rien d’insalubre et serait utilisable très rapidement.2000 m2 de bureaux vacants depuis deux ans
Un matelas par terre, quelques verres sur un bar,
le chauffage, l’eau chaude et deux wc par étage, les quatorze familles
se sentent plus à l’aise dans ce squat que dans les divers hôtels où ils séjournent habituellement. «Il
suffirait de quelques petits travaux pour que cet immeuble devienne
très confortable», souligne Coline, une artiste photographe habituée à
trimbaler ses affaires à gauche à droite chez des amis.
Pour le moment, il n’y a qu’une douche pour la
quarantaine de personnes qui partagent les lieux. «C’est totalement
scandaleux de voir des immeubles comme celui-ci, où pourraient vivre une
soixantaine de personnes, inhabités»,
s’insurge Eric Coquerel (Parti de Gauche), conseiller régional
d’Ile-de-France, venu encourager les associatifs et les squatteurs. Et
il n’était pas le seul à apporter son soutien. Eva Joly, candidate EELV à la dernière élection présidentielle a visité les «appartements» juste après le passage de Rémi Féraud (PS), maire du 10e arrondissement.
« Ici, c’est chez nous ! »
Samia, installée depuis une semaine avec ses trois enfants dans l’immeuble réquisitionné, dévoile son deux-pièces.
«Je suis Française, je travaille, ça fait cinq ans que je suis à
l’hôtel… Ici, c’est chez nous! J’y suis, j’y reste», s’émeut Samia. Ces
familles s’organisent pour cuisiner et
participer aux tâches ménagères. Dans la cuisine, le «cœur de cette
collectivité» selon un militant de Jeudi Noir, Aboutaj parle du
soulagement que représente pour elle cette réquisition. «Ici, mon fils
de 11 ans a sa chambre, de l’espace, il fait chaud, on est en famille.
Depuis huit ans je vis dans un 26 m2, et malgré trois chauffages, on a
tout le temps froid. Je dors dans la cuisine, au 6e étage sans ascenseur alors que mon fils a un problème au genou. Nous sommes prioritaires Dalo [droit au logement opposable] depuis deux ans. J’en ai marre des promesses en l’air. Je préfère rester ici plutôt que de retourner dans cet appartement.»
Accumuler des preuves pour éviter l’expulsion
Si squatteurs et associatifs espèrent tenir le plus
longtemps possible dans l’immeuble du 10e, ils restent sur le qui-vive
car une expulsion pourrait se produire à tout moment. Ce lundi matin,
des policiers du commissariat sont venus poser des questions, puis la police judiciaire.
«Pour le moment, le propriétaire [une société hollandaise selon le DAL]
ne s’est pas manifesté, assure Jean-Baptiste Eyraud, fondateur du DAL.
Ce qui change cette fois, c’est qu’on a multiplié les documents: une
vidéo datée du 3 janvier, les noms des familles sur la boite aux
lettres, on a même réuni 300 personnes lors d’un grand réveillon.» C’est
autant de preuves, de témoignages potentiels attestant de leur présence
depuis plusieurs jours. Et donc, selon ce militant habitué des
démarches concernant le logement, une façon de limiter le risque
d'expulsion, puisque le domicile des squatteurs sera plus facile à
certifier avec ces documents.
Cécile Duflot sur place pour répondre aux associations
Cette occupation a un double objectif: loger des familles et
des travailleurs pauvres sans logement stable, mais aussi mettre la
pression sur le gouvernement. «Malgré l’arrivée de la gauche au pouvoir,
il y a une certaine continuité dans les expulsions, regrette
Jean-Baptiste Eyraud. La différence,
c’est que ce gouvernement a annoncé son intention de réquisitionner.
Mais ça reste à concrétiser. Et on sent que les délais risquent d’être
longs.»
Le ministère du Logement semble avoir entendu cette
impatience concernant les réquisitions. Cécile Duflot (EELV), ministre
du Logement, doit se rendre sur place
ce lundi en fin d'après-midi pour rencontrer et discuter avec les
associations. Objectif: les rassurer sur l’avancement des procédures de
réquisitions, lancées début décembre et qui pourraient aboutir pour la
fin de l’hiver, selon son cabinet.
Oihana Gabriel
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