Christine BARD & Janine MOSSUZ-LAVAU (dir.), Le Planning familial. Histoire et mémoire 1956-2006, Rennes, PUR, 2006, 209 p.
- Ce livre est le fruit d’un colloque organisé le 8 mars 2006, en collaboration avec l’association Archives du féminisme, à la Bibliothèque Nationale de France à Paris pour le cinquantenaire du Mouvement Français pour le Planning Familial (MFPF). Malgré son titre, l’ouvrage n’est pas un récit historique linéaire sur ce mouvement emblématique de la lutte pour les droits des femmes en France. En fait, les onze articles rédigés par des historiennes, sociologues et politistes interrogent les rapports entre le Planning familial et le féminisme, les religions et la laïcité, la politique ou encore la sphère culturelle. La dernière partie, qui se veut une étude sur la mémoire, présente, sans analyse, quatre témoignages de personnalités dirigeantes du MFPF des débuts du Planning au début du XXIe siècle. Pour Michelle Perrot, auteure de la postface du livre, le mouvement a constitué une matrice du féminisme qui s’est affirmé en France à partir de 1970 avec le Mouvement de libération des femmes. Peut-on parler alors d’un mouvement féministe ? Sylvie Chaperon et Françoise Picq soulignent qu’à La Maternité heureuse devenu le MFPF, on ne se disait pas féministe. Le terme est introduit officiellement dans les statuts en 1983. La très lente application de la loi de 1967 et le contexte politique des années 68 nourrissent le processus de radicalisation du MFPF. La prise de position de certaines en faveur de la légalisation de l’avortement en 1973 suscitent des débats internes et entraînent le départ de celles qui ne se reconnaissent plus dans un mouvement fondé, à ses débuts, pour lutter contre l’avortement. A l’origine du MFPF, il y eut, en 1956, l’association La Maternité heureuse dont la fondatrice est Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, médecin gynécologue révoltée par les suites tragiques des avortements clandestins. En 1973 les hôtesses-animatrices prennent le pouvoir sur les médecins et les notables qui quittent l’association. Pour la première fois, une femme non médecin, Simone Iff, accède à la présidence. L’organisation est en réalité une confédération organisée en associations départementales et fédérations régionales dont les congrès sont préparés par de nombreux allers et retours entre la base et le sommet comme le montre Françoise Thébaud. Janine Mossuz-Lavau analyse l’histoire des relations entre le MFPF et le monde politique comme cinquante ans d’affrontements. Le mouvement a rencontré l’hostilité de la droite mais aussi du parti communiste qui voyait dans la régulation des naissances une arme contre la classe ouvrière. La gauche laïque et non communiste a été favorable à l’idée de régulation des naissances, de même que la mouvance libertaire et d’extrême gauche. Rappelons ici le rôle joué par Simone Veil qui a soutenu avec fermeté et courage la loi sur l’IVG promulguée en janvier 1975 Mais le vote des lois ne signifie pas la fin des résistances. Les débats seront encore vifs en 1979, quand la loi Veil devient définitive, puis en 2001, avec l’allongement du délai légal pour l’IVG malgré la forte résistance de l’Eglise catholique.
- La création, en 1962, du collège des médecins du Planning familial – un coup de force symbolique selon Sandrine Garcia – remet en cause le monopole du très conservateur Conseil de l’Ordre des médecins. Se présentant comme des modernes et des humanistes, ces médecins – des hommes pour la plupart – sont aussi intéressés par l’accouchement sans douleur. D’autres relais ont fonctionné dans le champ culturel. Delphine Naudier évoque le traitement littéraire avec Le journal d’une femme en blanc d’André Soubiran, livrepublié en 1963 et adapté au cinéma par Claude Autan-Lara, en 1965 (le film ne sera diffusé à la TV qu’en 1973). La même année est réalisé, avec un financement du MFPF, Histoires d’A de Charles Belmont et Marielle Issartel – qui montre un avortement dans un cadre non médical ainsi que des témoignages de femmes. Très politique, ce film, interdit de projection, circule clandestinement. Ces relais culturels ont ainsi contribué à populariser et à légitimer l’action du MFPF.
- Malgré quelques répétitions et la présence de deux articles assez éloignés du sujet – ceux de Guy Michelat et de Fiametta Venner –, ce livre d’une lecture agréable ouvre une nouvelle étape dans l’écriture de l’histoire du Planning familial. Cela passera par un réexamen critique des lectures de cette histoire et d’une auto-histoire nourrie par la mémoire des actrices et acteurs du mouvement.
Mathilde Dubesset,
« Christine BARD & Janine MOSSUZ-LAVAU (dir.), Le Planning familial. Histoire et mémoire 1956-2006 », Clio, numéro 29-2009, 68’, révolutions dans le genre ?, [En ligne], mis en ligne le 11 juin 2009. URL : http://clio.revues.org/index9318.html.
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