Agriculture : les multiples défenseurs du Grenelle se sentent trahis par Sarkozy
- "Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d'environnement. Parce que, là aussi, ça commence à bien faire", a lancé Nicolas Sarkozy samedi, au Salon de l’agriculture.
- Les défenseurs de l'environnement dénoncent un coup de couteau dans le Grenelle après les déclarations du chef de l'État samedi, appelant à revoir l'impact des mesures environnementales en agriculture .
Une phrase de Nicolas Sarkozy, en particulier, passe mal : "Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d'environnement. Parce que, là aussi, ça commence à bien faire" - même s'il avait préalablement assuré "croire en une agriculture durable". Ces propos, tenus sur le Salon de l'agriculture en présence des personnalités du monde agricole, sont vécus comme une trahison des engagements du Grenelle et de la "révolution verte" promise en 2007.
- Sarkozy revient aux "fondamentaux du calcul électoraliste.
Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, réagit avec virulence dès samedi. "Au nom de la concurrence, Nicolas Sarkozy prétend affranchir l'agriculture de la contrainte environnementale, au risque de laisser les choix à court terme épuiser un peu plus les sols, proliférer les algues vertes, aggraver la dégradation de l'environnement", a-t-elle déploré. "Apparemment, parler d'écologie ne fait plus recette pour Nicolas Sarkozy, et il revient aux fondamentaux du calcul électoral : mieux vaut une voix agricole acquise à l'UMP qu'un pari sur le vote écologiste", a dénoncé Cécile Duflot, alors que les élections régionales ont lieu dans une semaine.
Pour la fédération France nature environnement (FNE), "c'est le retour du double langage". "On commence par dire qu'on croit à une agriculture durable et quelques secondes plus tard on la démolit. C'est une remise en cause du Grenelle et même une trahison", estime ainsi Lylian Le Goff, expert de la FNE pour les questions agricoles et alimentaires. Lylian Le Goff et d'autres relèvent aussi que ces propos surgissent à huit jours des élections régionales, après une entrevue avec les responsables de la FNSEA, le principal syndicat agricole. "Sarkozy envoie des signaux aux agriculteurs avant les régionales. Mais opposer environnement et agriculture est tout à fait contraire à l'esprit du Grenelle, qui avait justement voulu les réconcilier", juge Arnaud Gossement, du Réseau Environnement et droit.
Les agriculteurs, en graves difficultés financières, vivent mal d'être régulièrement dénoncés comme des pollueurs, notamment dans la prolifération des algues vertes sur les côtes bretonnes. Mais la France a été à plusieurs reprises condamnée par l'Union européenne pour non-respect des recommandations sur la qualité des eaux de rivières. Dans la foulée du Grenelle, le ministère de l'Agriculture avait mis en place en 2008 le plan Ecophyto qui vise à réduire de moitié, "si possible", l'usage des pesticides en dix ans.
"Trahison" à l'application du Grenelle
Samedi, l'Élysée a distribué un document stipulant que Nicolas Sarkozy souhaitait un changement de méthode dans la préparation et la mise en oeuvre des mesures environnementales en agriculture "dans le respect du Grenelle de l'environnement". En l'absence de détails, chacun y voit un enterrement de première classe.
"Sarkozy a reconnu que les agriculteurs sont les premières victimes des pesticides et met en même temps un grand coup de frein à l'application du Grenelle (...) au nom de supposées 'distorsions de concurrence' avec d'autres pays européens", s'insurge François Veillerette, président du Mouvement pour la défense et le respect des générations futures (MDRGF), très impliqué dans la lutte contre les pesticides.
Tous font valoir que la France est "bien loin derrière d'autres pays européens en matière de progrès environnementaux, en particulier pour l'agriculture biologique", comme le note José Bové, le leader de la Confédération paysanne et eurodéputé d'Europe Écologie. "Puisque (le président) veut regarder ce qui se passe chez nos voisins, l'Italie fait mieux en termes d'emplois et l'Allemagne fait mieux en termes d'environnement, conserve ses emplois et elle exporte des produits bio, alors que, nous, nous importons près de 70 % des produits bio que nous consommons", reprend Lylian Le Goff. Il relève aussi que "ce système productiviste est aussi un destructeur de l’environnement qu’un tueur d'emplois : il se nourrit en faisant plus avec moins de main-d'oeuvre et on perd chaque année 35.000 exploitations".
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