Vous aussi, imposez votre grand projet
inutile ! [A51 et bien d’autres]
Voici un tract qui a été
distribué à Mens le 9 février 2013, lors de la réunion publique sur l’A51
organisée par un collectif d’habitants du Trièves. Au dos du tract était
agraphé l’article de la revue Travaux dont sont tirées les informations
et citations du tract, et qui mérite d’être lu attentivement par tous celles et
ceux qui sont confrontés dans leurs luttes au rouleau compresseur de la
communication officielle...
Le tract :
L’article de la
revue Travaux :
VOUS AUSSI : IMPOSEZ VOTRE GRAND PROJET
INUTILE !
Pour une communication en béton...
Pour une communication en béton...
Décideurs :
patrons du BTP élus, technocrates... Vous tentez d’imposer à la population un
projet couteux, nuisible et inutile ? Vous êtes confrontés à une
opposition de plus en plus gênante ? Cette fiche technique est faite pour
vous ! Avant de commencer, assurez-vous d’avoir de l’argent (beaucoup
d’argent), quelques amis haut-placés, et une poignée de journalistes serviles à
portée de main. Ah oui, et laissez vos scrupules aux vestiaires...
Entre amis du BTP, il est
courant de s’échanger des informations, quelques petites techniques qui
facilitent la vie. Cela se fait alors dans des revues internes à la profession,
non destinées au grand public, comme la revue Travaux, le Journal de la
Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP).
C’est un article de cette
revue que nos experts ont déniché pour vous [1],
et qui servira de base à cette fiche technique. Les deux « chargées de
com » [2]
de la A51 y expliquent comment, entre 1995 et 1999, elles ont orchestré pour
AREA la campagne destinée à discréditer les opposants et à faire accepter aux
habitants la construction de l’autoroute entre Grenoble et le Col du Fau.
Toutes les citations
ci-dessous sont extraites de ce document. Lisez, et apprenez !
1- La
communication c’est la guerre
C’est cette conception qui
doit guider votre action. Commencez par instaurer une division au sein de la
population. Repérez les personnes qui soutiennent votre projet, et érigez les
en « partisans ». Il s’agit « de mobiliser ce
potentiel en réponse aux opposants ». À cet effet, fournissez-leur des
tribunes et des moyens de communication disproportionnés. Repérez aussi les
indécis. Parmi eux « deux cibles de communication sont
privilégiées : les leaders d’opinion et le grand public ». Faîtes
en sorte qu’eux aussi « s’affirment en tant que partisans ».
Enfin et surtout mettez en place une surveillance des opposants afin de savoir
qui ils sont, et comment ils s’organisent. Inspirez-vous là encore d’AREA et de
son « observatoire de l’opinion, [...] véritable veille stratégique des
médias, de l’opposition et suivi de l’évolution de la perception du projet. »
Élaborez alors une communication qui réponde point par point à leurs arguments,
en prétendant à chaque fois rétablir « une information contrôlée et
officielle afin de faire taire les rumeurs ».
2- Evacuez la
politique
Votre grand projet
nuisible – autoroute, aéroport, centrale nucléaire – ne doit pas être présenté
comme un projet politique. Retranchez-vous derrière la loi, et les arguments
techniques et juridiques. Si le propre de l’action politique c’est de devoir
rendre des comptes, le propre du technicien c’est de ne faire que son travail.
Ainsi, vous ne construisez pas un projet qui transforme la vie des habitants,
vous « exécutez une mission d’Etat ». Vous ne faites pas de la
propagande, vous « assurez une bonne lisibilité du projet ».
De cette manière, vous neutralisez tout débat sur le fond et l’utilité du
projet. Enfin, poussez même jusqu’à dire que vous oeuvrez pour le bien commun
et « positivez le projet en termes d’aménagement du territoire ».
De bétonneur, devenez aménageur !
3- Déclenchez le
tsunami de la communication
Vous devez occuper le
terrain médiatique jour et nuit. Pour cela, embauchez une agence de com’ et
mettez en place un « dispositif de communication de crise ».
Multipliez les réunions d’informations à l’attention du monde politique et
socio-économique : chambre de commerce et d’industrie, entreprises de
travaux publics, élus du département, de l’agglomération... Comme AREA,
n’hésitez pas à vous payer un encart de 8 pages dans toutes les éditions du Dauphiné
Libéré, soit 400 000 exemplaires. Ne négligez pas l’édition d’un petit
journal comme A 51 infos, diffusé à 20 000 exemplaire dans les boîtes
aux lettres chaque trimestre. Rappelez-vous toujours que ce n’est pas la
qualité qui compte, mais la quantité. Dans toutes vos publications, songez au
poids des images. Un arbre qui se développe illustrera à merveille la
progression du chantier d’une autoroute. Enfin, comme l’expliquent les deux
communiquantes d’AREA, mais sans donner plus de détails, recourrez évidemment à
« des actions de lobbying ».
4- Soyez aux
petits soins avec les journalistes
Une équipe permanente
assurera « un suivi quasi individuel des journalistes », et
les accompagnera systématiquement sur le terrain. Surtout, « des
déjeuners presse personnalisés sont organisés ». C’est que certains
journalistes sont toujours plus enclins à publier les communiqués que vous leur
envoyez lorsqu’ils ont bien mangé. Le financement des « voyages de
presse » ne peut qu’améliorer encore ces relations.
5- Les enfants
comprennent si vite...
Adressez-vous en
particulier aux enfants. Faîtes comme AREA qui a conçu, en collaboration avec
une classe de CM2 de la commune de Vif, un livre à destination des
enfants : "Tom et l’autoroute A 51". Organisez des interventions
« dans les écoles et collèges situés dans la zone du chantier ».
Engagez un véritable travail avec les enseignants « Chaque visite de
chantier [doit être] adaptée à leur demande en fonction des thèmes qu’ils
souhaitent aborder : les métiers, la géologie, l’impact sur le paysage... ».
Rappelez-vous que les enfants sont non seulement le moyen le plus sûr de
toucher les parents, mais aussi les citoyens de demain. Autant préparer le
terrain pour d’autres grands projets... Et souvenez-vous que pour les grands
comme pour les petits, il y une règle d’or : faire participer, c’est faire
accepter !
Bientôt une
démonstration grandeur nature ?
Mi-octobre 2012, André
Vallini, président du conseil général de l’Isère rend public sa décision de
relancer le chantier de l’A51, abandonné depuis deux ans. Communiqué de soutien
des grands patrons du BTP de l’Isère, pleine page de propagande autoroutière
dans Isère Magazine, multiplication des articles pro-A51 dans le Dauphiné
Libéré... la stratégie de communication est bien rôdée. Mais elle
n’atteindra son maximum d’efficacité que si l’État donne son accord pour la
construction de la A51. Là, les habitants seront à nouveau confrontés au
bulldozer médiatique que nos experts vous ont décrit. La tâche des bétonneurs
s’annonce cependant plus difficile, parce que les habitants sont maintenant
prévenus...
Un jeune triévois, vrai faux-expert en
communication
[1] A 51 : un projet qui n’était pas gagné. De
l’opposition à l’adoption, du bétonneur à l’aménageur », Travaux
n° 757,1999. Cf. Document joint.)
[2] Après ce joli coup de maître, nos deux chargées de com’
sont monté en grade : elles sont toutes deux allé travailler pour le
secteur du rail, et font aujourd’hui carrière notamment sur le projet
Lyon-Turin... Que d’excellentes références !
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