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jeudi 14 février 2013

Christine Taubira, une femme de conviction...



Christiane Taubira, femme symbole pour loi symbole
L’Assemblée nationale a voté ce 12 février 2013 le «mariage pour tous». Une bataille que la ministre de la Justice aura marquée de son empreinte.
Femme symbole, mais pas femme tronc et encore moins femme potiche. Le nom de la ministre de la Justice Christiane Taubira restera attaché à la loi dite du mariage pour tous – qui doit être votée «solennellement» aujourd’hui par l’Assemblée nationale – comme le nom de Robert Badinter est lié à la suppression de la peine de mort en 1981 et celui de Simone Veil à la dépénalisation de l’avortement en 1975
Des réformes «sociétales» portées par des figures de la «diversité», un mot apparu dans les années 2000, que nul n’aurait songé à employer, à leur époque, pour désigner l’ex-garde de Sceaux et l’ex-ministre de la Santé, tous deux de confession juive. C’eût été incongru et déplacé, en contradiction avec l’histoire, foncièrement intégrationniste, des juifs de France, depuis leur émancipation, par décret révolutionnaire, en 1791. Mais si le mot n’avait pas cours sous Giscard et Mitterrand, la chose, dans les esprits, n’était pas totalement absente. Pour preuve, et dans une acception négative, les attaques ordurières de certains députés à l’encontre de Simone Veil, rescapée d’Auschwitz, qu’ils accusaient de vouloir reproduire sur des «embryons» ce à quoi elle avait échappé. Il n’est peut-être pas anodin que ces trois réformes accolées à la notion de progrès aient été défendues par des figures échappant au moule catholique et/ou métropolitain.
Trente-huit ans ont passé, c’est de mariage et d’adoption ouverts aux couples de même sexe aujourd’hui qu’il s’agit, de moments de la vie supposés heureux. Et Christiane Taubira est à la noce. La Guyanaise fait l’unanimité – bien peu contre elle, au final. Au terme d’une quinzaine passionnée à l’Assemblée nationale, de jour comme de nuit, c’est bien le symbole qu’on retient: une femme issue d’un département d’outre-mer dont elle fut longtemps députée, déterminée, qui se bat pour les «droits». C’est elle qui, en 2001, donne son nom, pour de bon, à la loi mémorielle condamnant la négation de la traite négrière.
La gauche soudée à son verbe
Lorsque, le 29 janvier dernier, elle expose, à la tribune de la Chambre, le projet de loi du mariage pour tous, elle impressionne. Un discours de trois quarts d’heure, «sans notes», relève la presse, qui semble découvrir «l’animal» Taubira, comme ravie et fière qu’une «Française ultramarine», par sa puissance intellectuelle, efface, paradoxalement, tout préjugé, malencontreux ou non. La République une et indivisible tient là son Obama. Dommage, les débats sur le «mariage pour tous» s’achèveront un jour; laissez-la-nous encore un peu, croit-on entendre. Christiane Taubira suscite sinon l’admiration – l’opposition a des réserves... –, du moins le respect. A gauche, tous sont soudés à son verbe et le resteront durant les deux semaines de bataille parlementaire.
Coup pour coup
Elle maîtrise son sujet, comme habitée par lui. «Depuis le mois de juin, elle a travaillé chaque aspect technique de la réforme, relate le quotidien Libération (4 février). (...) Elle a beaucoup lu: du droit, de l’ethnologie... Moins de littérature et de poésie que d’habitude, elle qui dévore normalement quatre à cinq livres par semaine. Elle a rencontré des intellectuels, juristes, psys, universitaires, avec des positions différentes.» Lors des débats, Christiane Taubira désarçonne, rend coup pour coup. Jugée parfois un peu sèche, un incident de séance qui n’en est pas un la montre «bonne vivante», lorsqu’elle est prise de fou rire en répondant «par petits bouts» à un député de l’UMP, une expression dont on ne sait quel sens lui attribue, à cet instant, son inconscient.
On résiste difficilement à Christiane Taubira. Cette mère de quatre enfants, divorcée, dégage un rare magnétisme. Elle a du charisme et du charme, un port généreux qu’elle ne dissimule pas sous de fausses pudeurs, n’en déplaise aux tenants d’un politiquement correct étriqué. Militante indépendantiste dans les années 1970, comme beaucoup d’autres parmi l’élite intellectuelle d’outre-mer à cette époque, elle tourne le dos à cette lutte quand la gauche accède au pouvoir en 1981.
Quand Jospin l’a fait perdre...
Elle ralliera le Parti radical de gauche (PRG) et commet en 2002 un crime de lèse-Parti socialiste, à l’instar de Jean-Pierre Chevènement, en se présentant à l’élection présidentielle, ce qui contribue à la défaite de Lionel Jospin. Ce n’est pas elle qui l’a fait perdre, c’est lui qui l’a empêchée de gagner, s’amuse-t-on aujourd’hui à réécrire l’histoire, dans l’engouement quelque peu irraisonné en faveur de Christiane Taubira. Le sociétal l’a portée aux nues, nul doute que le sécuritaire, sa tâche principale, la ramènera sur terre. En plus régalienne, toutefois.
Antoine Menusier

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