Christiane Taubira, femme symbole pour loi symbole
L’Assemblée nationale a
voté ce 12 février 2013 le «mariage pour tous». Une bataille que la ministre de
la Justice aura marquée de son empreinte.
Femme symbole, mais pas
femme tronc et encore moins femme potiche. Le nom de la ministre de la Justice
Christiane Taubira restera attaché à la loi dite du mariage pour tous – qui
doit être votée «solennellement» aujourd’hui par l’Assemblée nationale – comme
le nom de Robert Badinter est lié à la suppression de la peine de mort en 1981
et celui de Simone Veil à la dépénalisation de l’avortement en 1975
Des réformes «sociétales»
portées par des figures de la «diversité», un mot apparu dans les années 2000,
que nul n’aurait songé à employer, à leur époque, pour désigner l’ex-garde de
Sceaux et l’ex-ministre de la Santé, tous deux de confession juive. C’eût été
incongru et déplacé, en contradiction avec l’histoire, foncièrement
intégrationniste, des juifs de France, depuis leur émancipation, par décret
révolutionnaire, en 1791. Mais si le mot n’avait pas cours sous Giscard et
Mitterrand, la chose, dans les esprits, n’était pas totalement absente. Pour
preuve, et dans une acception négative, les attaques ordurières de certains
députés à l’encontre de Simone Veil, rescapée d’Auschwitz, qu’ils accusaient de
vouloir reproduire sur des «embryons» ce à quoi elle avait échappé. Il n’est
peut-être pas anodin que ces trois réformes accolées à la notion de progrès
aient été défendues par des figures échappant au moule catholique et/ou
métropolitain.
Trente-huit ans ont passé,
c’est de mariage et d’adoption ouverts aux couples de même sexe aujourd’hui
qu’il s’agit, de moments de la vie supposés heureux. Et Christiane Taubira est
à la noce. La Guyanaise fait l’unanimité – bien peu contre elle, au final. Au
terme d’une quinzaine passionnée à l’Assemblée nationale, de jour comme de
nuit, c’est bien le symbole qu’on retient: une femme issue d’un département
d’outre-mer dont elle fut longtemps députée, déterminée, qui se bat pour les
«droits». C’est elle qui, en 2001, donne son nom, pour de bon, à la loi
mémorielle condamnant la négation de la traite négrière.
La gauche
soudée à son verbe
Lorsque, le 29 janvier
dernier, elle expose, à la tribune de la Chambre, le projet de loi du mariage
pour tous, elle impressionne. Un discours de trois quarts d’heure, «sans
notes», relève la presse, qui semble découvrir «l’animal» Taubira, comme ravie
et fière qu’une «Française ultramarine», par sa puissance intellectuelle,
efface, paradoxalement, tout préjugé, malencontreux ou non. La République une
et indivisible tient là son Obama. Dommage, les débats sur le «mariage pour
tous» s’achèveront un jour; laissez-la-nous encore un peu, croit-on entendre.
Christiane Taubira suscite sinon l’admiration – l’opposition a des réserves...
–, du moins le respect. A gauche, tous sont soudés à son verbe et le resteront
durant les deux semaines de bataille parlementaire.
Coup pour coup
Elle maîtrise son sujet,
comme habitée par lui. «Depuis le mois de juin, elle a travaillé chaque aspect
technique de la réforme, relate le quotidien Libération (4 février). (...) Elle
a beaucoup lu: du droit, de l’ethnologie... Moins de littérature et de poésie
que d’habitude, elle qui dévore normalement quatre à cinq livres par semaine. Elle
a rencontré des intellectuels, juristes, psys, universitaires, avec des
positions différentes.» Lors des débats, Christiane Taubira désarçonne, rend
coup pour coup. Jugée parfois un peu sèche, un incident de séance qui n’en est
pas un la montre «bonne vivante», lorsqu’elle est prise de fou rire en
répondant «par petits bouts» à un député de l’UMP, une expression dont on ne
sait quel sens lui attribue, à cet instant, son inconscient.
On résiste difficilement à
Christiane Taubira. Cette mère de quatre enfants, divorcée, dégage un rare
magnétisme. Elle a du charisme et du charme, un port généreux qu’elle ne
dissimule pas sous de fausses pudeurs, n’en déplaise aux tenants d’un
politiquement correct étriqué. Militante indépendantiste dans les années 1970,
comme beaucoup d’autres parmi l’élite intellectuelle d’outre-mer à cette
époque, elle tourne le dos à cette lutte quand la gauche accède au pouvoir en
1981.
Quand
Jospin l’a fait perdre...
Elle ralliera le Parti
radical de gauche (PRG) et commet en 2002 un crime de lèse-Parti socialiste, à
l’instar de Jean-Pierre Chevènement, en se présentant à l’élection
présidentielle, ce qui contribue à la défaite de Lionel Jospin. Ce n’est pas
elle qui l’a fait perdre, c’est lui qui l’a empêchée de gagner, s’amuse-t-on aujourd’hui
à réécrire l’histoire, dans l’engouement quelque peu irraisonné en faveur de
Christiane Taubira. Le sociétal l’a portée aux nues, nul doute que le
sécuritaire, sa tâche principale, la ramènera sur terre. En plus régalienne,
toutefois.
Antoine Menusier
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