Lanceurs d'alerte : l'Assemblée adopte la proposition de loi en première lecture
Protection
des lanceurs d'alerte, création d'une Commission nationale de
déontologie et des alertes, exercice du droit d'alerte en entreprise,
telles sont les ambitions de la proposition de loi adoptée hier à
l'Assemblée nationale.
La proposition de loi relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte a été votée en première lecture par l'Assemblée nationale le 31 janvier 2013. Le texte doit désormais revenir en discussion au Sénat.
La proposition de loi avait été adoptée par la commission des affaires sociales le 23 janvier dernier et par le Sénat le 21 novembre 2012, mais elle a subi plusieurs modifications depuis.
Impératif de bonne foi et protection du lanceur d'alerte
Le premier article du texte dispose que "toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît faire peser un risque grave sur la santé publique ou sur l'environnement". Cette nouvelle définition de l'alerte inclut un impératif de bonne foi, rendant ainsi passible de sanctions pénales toute information trompeuse.
"Une alerte ne peut être lancée que par une personne qui sait de quoi elle parle et ne lancera pas de fausse alerte", indique Lionel Tardy (UMP), opposé au contenu de cette disposition, la qualifiant de "neutron législatif".
Explications de Jean-Louis Roumégas, rapporteur de la proposition de loi sur les lanceurs d'alertes.
Respect des règles déontologiques et indépendance de l'expertise scientifique
A l'origine, le texte prévoyait la création d'une Haute autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement. Elle a été remplacée par une Commission nationale de déontologie et des alertes. Celle-ci doit "veiller aux règles déontologiques s'appliquant à l'expertise scientifique et technique et aux procédures d'enregistrement des alertes en matière de santé publique et d'environnement".
Selon Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, l'indépendance de cette commission sera assurée par sa composition, incluant non seulement des représentants de l'Etat, mais aussi des parlementaires, membres du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, membres du Conseil économique, social et environnemental, et experts. De même, "l'ouverture de la saisine de la commission au-delà des seuls membres du gouvernement apparaît un gage de l'indépendance de cette commission". Pour lui, cette instance doit être "un lieu de dialogue pour harmoniser les principes déontologiques et partager les bonnes pratiques de l'expertise". Il précise que cette commission n'aura pas vocation à se substituer aux institutions et agences existantes, prenant l'exemple de l'Anses.
Le député écologiste, Jean-Louis Roumegas, affirme qu'elle "harmonisera les règles éthiques et de prévention des conflits d'intérêt applicables aux organismes d'expertise et de recherche".
A contrario, Martial Saddier (UMP), qualifie de "flou artistique" les modalités de fonctionnement de cette commission et sa composition, critiquant notamment son absence de pouvoir de contrainte. Il déplore l'existence d'un "millefeuille" d'agences sanitaires. Pour lui, cette commission viendra se substituer aux 1.244 agences nationales existantes, dont 10 spécialisées dans le domaine sanitaire et 14 dans le domaine environnemental. "Nous n'avons pas besoin de créer un comité Théodule de plus", déclarait Alain Gest (UMP), partageant cette critique.
Exercice du droit de l'alerte dans l'entreprise
La protection des lanceurs d'alertes est aussi renforcée au sein de l'entreprise avec un droit d'alerte reconnu à tout travailleur et représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il est ainsi ajouté un nouveau chapitre au code du travail (Note : Ajout d'un chapitre III au titre III du livre Ier de la quatrième partie du code de travail).
Le texte précise que cette alerte doit être faite en cas de "risque grave". Sur ce point, un article L. 1350-1 est créé dans le code de la santé publique visant à conférer une protection spéciale au travailleur lanceur d'alerte. Il dispose qu"aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée ou faire l'objet d'une mesure de discriminatoire (…), pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives des faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l'environnement".
En cas de litige, il incombera à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a pris sa décision selon des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage du lanceur d'alerte.
Les députés UMP, Alain Gest et Martial Saddier, ont émis des réserves quant à ses dispositions, évoquant le risque de nuisance à la recherche et au développement des entreprises. Ainsi, pour Martial Saddier, "tel qu'il est rédigé, l'article 20 entraînerait des conséquences graves pour la recherche, les employeurs ne pouvant désormais plus se prévaloir, en cas de défaut avéré d'un produit, de l'état des connaissances scientifiques et techniques qui empêchait de le déceler au moment de sa mise sur le marché".
Drazeilla Dode
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