Réflexions sur les bois de Chambaran
Quelques réflexions après
le refus d’un article en tribune libre dans le journal municipal de Roybon
Ce
sont des extraits des délibérations du conseil municipal de Roybon, pendant la
dernière guerre.
Le
2/8/1942,
Il y avait déjà la canicule !
Il y avait déjà la canicule !
Le conseil
municipal “ Demande
... l’autorisation pour les habitants de la Commune, en raison de la sécheresse
persistante et de la pénurie de litière et de fourrage, de faire pâturer et
couper les bruyères dans les forêts des Avenières et de la Marquise. “
Le
23/8/1942,
Messieurs Sterling et Germain entrepreneurs, vendeurs de bois et charbon, sont en compétition. Ils veulent l’un et l’autre l’autorisation pour couper le bois des Avenières. Le conseil municipal devra choisir entre les deux concurrents.
Messieurs Sterling et Germain entrepreneurs, vendeurs de bois et charbon, sont en compétition. Ils veulent l’un et l’autre l’autorisation pour couper le bois des Avenières. Le conseil municipal devra choisir entre les deux concurrents.
« attendu
que Mr Sterling et Mr Germain sont des commerçants agréés par le
Ravitaillement général et avantageusement connus dans la localité, attendu que
la Commune de Roybon est considérée par l’administration préfectorale comme une
commune forestière, attendu que par ce motif aucun de ses habitants ne perçoit
une attribution de charbon, attendu que depuis la période de guerre, pour le
chauffage de sa population pendant les hivers 39/40, 40/41, 41/42, les
propriétaires de taillis ont dû hâter les coupes de leurs bois et que les
exploitations forestières deviennent peu nombreuses, attendu que
Mr Germain a toujours fourni à l’hôpital et aux écoles le bois à feu qui
leur est nécessaire, le Conseil, à l’unanimité, autorise l’administration des
Eaux et Forêts à céder à l’amiable à Mr Marcel Germain la coupe de bois
dont il s’agit, au prix de soixante mille francs ( 60 000 frs ). »
En 1944, Marcel Germain conduira des armes du camp
de Chambaran au maquis du Vercors.
Cet article, envoyé le
premier septembre a été refusé le 29 octobre 2012. Voilà la réponse qui en
donne l’explication :
« Après
réflexion et considérant que votre article n’apportait pas d’élément
nouveau au débat en cours, nous avons décidé de ne pas le publier dans le Vivre
à Roybon en cours de fabrication »
Débat, vous avez dit débat ?
Les personnes qui depuis
le début suivent ce dossier, savent qu’il n’y a jamais eu débat. Un conseiller
municipal, alors que je m’inquiétais de cette absence de concertation, me
répondit que ce projet était mentionné dans le programme des candidats aux
dernières élections municipales. Si l’équipe à laquelle il appartient avait été
élue c’est donc que la population était d’accord. Un peu court comme
argument !
Les Roybonnais ont été
informés de ce projet alors que les négociations étaient déjà très avancées. Au
cours d’une réunion, le conseiller général adjoint au tourisme pouvait nous
annoncer les sept mille euros offerts aux éventuels investisseurs par
l’assemblée départementale.
Malgré la demande exprimée
par l’association « PCSCP », Pour les Chambarans Sans Center Parc, il
n’y eut jamais aucune rencontre avec les responsables politiques. Quant aux
quelques interventions de personnes favorables au Center Parc, venant, en
commando, perturber les réunions de l’association, on ne peut les considérer
comme une amorce de débat.
Une forêt libre depuis sept siècles…
C’est en 1295 que le
dauphin, voulant attirer la population sur ses terres, accorde à ceux qui
s’implanteront dans les Chambarans, une charte de franchise. Un paragraphe
précise que les nouveaux venus bénéficieront des bois et pâquerages dont ils
pourront jouir librement et paisiblement.
Pendant plus de sept
siècles les paysans ont profité de cet avantage dont on mesure mal l’importance
aujourd’hui. Tout autour des bois – et Les Avenières en sont un symbole – une
vie économique s’est développée.
…autour de laquelle toute
une économie s’est développée :
Il y a deux ans, dans une
enquête de l’université de Lyon, quelques vieux paysans roybonnais nous le
rappelaient. On pense bien sûr au bois d’œuvre pour construire les maisons qui
si longtemps furent à ossature bois et aux charpentes, planchers et meubles.
Combien de scieries, il n’y a pas si longtemps, tournaient encore dans la
région ? Les bois tendres servaient pour la pâte à papier ou …les
allumettes ! Les fagots, portés à Romans, allumaient le four des
boulangers et les cantonniers des villes nettoyaient les caniveaux avec les
balais en branches de bouleau que fabriquait Albert Vicat, mort il y a peu.
Combien de piquets de vignes, de palissades, de manches d’outils sont sortis
des petits ateliers roybonnais ? On ne se chauffait qu’au bois et personne
n’avait froid. Un des agriculteurs interrogés me rappelait qu’il abattait,
tronçonnait et livrait la coupe de bois que mon père avait pris en affouage.
Les paysans, au mois
d’août, « faisaient la feuille » : ils ramassaient les feuilles
qui avaient séché sur l’arbre pour les faire manger aux chèvres en hiver. Les
châtaignes nourrissaient les porcs et … les gens ! Les tommes de chèvre
séchaient sur un lit de « brune », utilisée aussi pour faire les
ruches, quant aux « bauches » elles servaient à empailler les
chaises. On faisait les paniers en lattes de châtaignier ou de noisetier, on en
fait encore !
Une forêt qu’il a fallu
âprement défendre…
Le bétail, les chèvres
surtout, s’égaraient bien un peu au-delà des limites des champs ! Et,
comme dans la fable « Les animaux malades de la peste » où l’on crie
haro sur le baudet qui a tondu du pré la largeur de sa langue, les paysans,
accusés d’entraîner le déboisement par les coupes et les défrichages étaient
régulièrement poursuivis par les agents des Eaux et Forêts.
…contre les seigneurs
Les seigneurs pendant ce
temps, impunément, louaient les bois aux verriers – alors qu’ils n’en avaient
pas le droit ! - Les dommages n’étant évidemment pas les mêmes. La
propriété même des bois, propriété régulièrement confirmée par différents rois,
propriéte multi-centenaire, leur était contestée. C’est l’avocat Saint Romme
qui, au début du 19ème siècle, prendra leur défense. Depuis, les bois des
Chambarans sont restés propriété publique.
Les Avenières aujourd’hui…
Ne rêvons pas, nous ne
reviendrons pas à ce monde d’avant la guerre de 39-45 qui n’avait, d’ailleurs,
rien d’idyllique. Mais aujourd’hui, quand tout et tous nous alertent sur les
différents problèmes qui menacent la planète, pouvons-nous accepter que d’un
trait de plume on raie quelques deux cents hectares de forêts ? Le déficit
en eau et en terres cultivables est déjà source de conflit dans le monde. On
connaît à peine le rôle capital des zones humides qu’une alarme mondiale est
lancée devant leur disparition.
La déforestation, dans les
pays tropicaux mais aussi dans nos régions tempérées, accroit la pollution de
l’air, entraîne une inquiétante augmentation du CO2. Par l’imperméabilisation
des sols, elle déstabilise dangereusement la pluviométrie. Des espèces animales
et végétales disparaissent chaque jour. En France même, les terres arables
nourricières sont grignotées inexorablement par les lotissements, les
autoroutes et les grandes surfaces commerciales, nouveaux temples de la mise en
spectacle de la marchandise reine.
Les Avenières, bien sûr,
ce n’est pas l’Amazonie ni même Notre Dame des Landes ; ce n’est pas le
TGV Lyon Turin ou l’autoroute du Trièves. Cependant, sa destruction relève de
la même politique : sous prétexte de développement économique et d’emplois
pour les chômeurs on détruit l’environnement pour que les sociétés capitalistes
continuent d’engranger les avantages dont elles bénéficient depuis des lustres
et que quelques responsables politiques, en mal de célébrité, puissent laisser
une misérable mais médiatique trace dans l’histoire.
Nous ne voulons pas de ce
monde artificiel coincé entre Aquamundo et moutons bien propres, symboles d’une
nature tristement réinventée, adaptée et asservie. Les Avenières doivent rester
lieu de promenade, de cueillette, de rêverie, de farniente, et si un jour il
faut les défricher pour y cultiver du blé, on trouvera bien quelques néo-ruraux
pour le faire !
…doivent rester ce
qu’elles sont depuis des siècles : une forêt libre !
A Roybon le 10 janvier 2013, Michelle Pistone.
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