Interview de Laurence Tubiana «facilitatrice» du débat national sur la transition énergétique
Prochaine réunion chez Georges et Anna Roussel à Rourebel (la BelleVie ) à Espenel-26
le mercredi 13 février 2013 à 18 heures. On casse la croute ensemble. Les Quatres asso organisent le Débat sur la Biovallée de la Drôme : Association Dioise pour la Transition Énergétique, Écologie au Quotidien, Énergie Citoyenne-Val de Drôme et Dryade.( Et les CLD Vallée de la Drôme et CLDD du Pays Diois sont invités, ainsi que les Groupes Transition du Val de Drôme)
Peut-on décentraliser la production d'énergie en France?
Une question centrale de ce débat et nouvelle pour la France.
Encore une fois mon avis n’est pas le plus important mais en revanche
c’est un sujet majeur: comment les collectivités utilisent les
ressources locales - biomasse par exemple - déchets agricoles ménagers-
comme la production par les renouvelables? Comment cette production se
combine avec la production centralisée? J’espère qu’on pourra apprendre
de toutes les expérimentations et innovations qui sont menées partout en
France. Il ne faut pas oublier le rôle de toutes les technologies de
l’information: elles vont révolutionner aussi nos usages et la manière
de s’organiser.
Pourriez-vous nous préciser les pistes qui sont explorées dans le cadre de la transition énergétique?
On débutera les travaux sur le financement de la transition
énergétique à la fin du mois de février. La question de la fiscalité
est sur la table. Il n’y aura sûrement pas une seule solution débattue.
Il faudra revenir aussi sur les problèmes rencontrés par la taxe carbone donc, on en reparle, mais dans quelques temps?
Que pensez-vous de la tarification progressive de l'énergie?
Comme facilitatrice mon rôle n’est pas de donner mon avis et de
défendre telle ou telle option. Je comprends l’idée de tarification
progressive aussi comme un moyen d’inciter à la modération de la demande
d’énergie dans les foyers. Et de lutter contre la précarité énergétique
Il faut maintenant voir comment la loi qui vient d’être votée va
remplir ces objectifs.
Le photovoltaïque a-t-il encore un avenir en France?
Le débat devrait permettre de mettre tous ces éléments sur la
table. On attend des experts qu’ils nous donnent ces éléments et cela
pour les différentes générations des technologies. Après il faudra faire
des choix entre les risques que l’on accepte ou qu’on refuse.
Que faire de tous ces logements chauffés avec
les fameux «grille-pain», des convecteurs électriques très énergivores
mais difficiles à remplacer par un autre système de chauffage sans
investissements lourds? Le prix de l'électricité en France, un des plus
bas d'Europe, n'est-il pas un frein à la généralisation d'un autre mode
de chauffage plus efficace et quid des lobbies de l'électricité?
Ce débat pourra-t-il réellement infléchir les
décisions du gouvernement concernant le nucléaire? Le sujet sera-t-il
même débattu?
Le point d’entrée du débat est cette affaire de maîtrise de la
demande. Cela passe par l’isolation des bâtiments comme par des
solutions efficaces en matière de chauffage. Cela va représenter des
investissements qui peuvent être rentables mais seulement dans la durée.
Le gros sujet sera les systèmes de financement qui sont au cœur du
débat de la transition énergétique. C’est le problème du financement qui
bloque aujourd’hui les transformations et la question des prix fait
partie de l’équation.
Aucun sujet tabou. Mais le gouvernement s’est fait élire sur une
option, il lui appartient ensuite de maintenir ce choix et de le mettre
en œuvre. Le débat va quand même bien au delà de la part du nucléaire
dans la production électrique, l’essentiel de notre énergie en France
vient des énergies fossiles, l’efficacité énergétique peut créer des
emplois et réduire notre dépendance extérieure. Mais, pour vous
rassurer, les scénarios avec beaucoup de nucléaire ou pas du tout de
nucléaire seront étudiés et débattus.
Serions-nous complexés? Lorsqu'on voyage à
travers le monde, on peut noter les différents choix politiques. La
France a longtemps fait le choix du nucléaire. De nombreux autres pays,
pas forcément plus riches, ont fait le choix du renouvelable. Que faire
de nos centrales? Les maintenir bien sûr. La demande énergétique est
sans cesse croissante, quid des économies d'énergie? Nous avons dix ans
de retard sur le photovoltaïque par rapport a certains pays (Japon
Italie), si l'état décide de promouvoir la filière, les prix s'envolent
et augmentent de la valeur des aides gouvernementales attribuées.
Prévoir un comité de surveillance? En résumé, je pense qu’il faut
combler l'augmentation de la demande par les dispositifs moins
énergivore et le renouvelable maîtrisé. Qu’en pensez-vous?
Je pense surtout qu’il faut s’attaquer à la maîtrise de la demande.
On peut vivre mieux en consommant beaucoup moins d’énergie dans
l'industrie comme dans les transports ou l'habitat. La consommation
d’énergie en France stagne depuis plusieurs années et cela bien avant la
crise. En Allemagne, au Danemark ou en Suède elle a décru pour certains
secteurs. Donc priorité a cette maîtrise de la demande sur laquelle on
est en retard et c’est le point d’entrée du débat. Pour le reste le
débat permettra d’éclairer les choix: quelles sources, quelle
production: centralisée ou décentralisée?
Quelle est la place que doivent jouer les experts dans la transition énergétique?
L’Allemagne est souvent montrée en exemple en
terme de transition énergétique avec plus de 10% de la production
d'énergie renouvelable, cependant cette transition n'a été possible
qu'en ayant recours aux centrales à charbon qui fait aujourd'hui de
l'Allemagne le pays qui émet le plus de CO2 en Europe. Que pensez-vous
de ce paradoxe écologique?
Les experts doivent obliger le débat à s’appuyer sur des faits
vérifiés et des chiffres cohérents. Ce n’est pas un débat d’ «opinions»
mais un débat qui doit formuler des options sérieuses et qui partent de
la réalité du système énergétique français. Ils doivent aussi nous faire
réfléchir sur les expériences et les politiques menées ailleurs. En
revanche, les experts ne sont pas là pour dire ce qui est la meilleure
option: ils doivent «éclairer» les choix pas les dicter.
Il faut regarder la politique allemande dans la durée. La politique
de l’énergie de ce pays est très différente de la nôtre. Elle s'appuie
sur les collectivités locales, l’investissement privé «individuel» dans
les énergies renouvelables et sur des petites et moyennes entreprises
qui ont fait de l'efficacité énergétique un métier. L’accent a été mis
sur la maîtrise de la demande seule condition de pouvoir réussir leur
pari des renouvelables. Comme le rejet du nucléaire est ancien et
profond il faut donc que l’Allemagne trouve d’autres solutions car leur
engagement dans la réduction des GES est ambitieux aussi. Il est tôt
pour savoir si l’Allemagne va réussir ou échouer mais il faut apprendre
de leur effort de réduction de la demande et de développement
industriel.
Pourriez-vous nous préciser votre rôle de
«facilitatrice»? Quels sont les profils des membres qui travailleront
sur ce débat?
Comme facilitatrice, je dois m’assurer que tout se déroule bien,
qu’aucun sujet n’est écarté et que toutes les interventions sont
écoutées. Je suis là aussi pour créer de la confiance et amener les
différents participants à surmonter leurs divergences quand c’est
possible et a comprendre leurs différences quand le consensus n’est pas
possible. Les autres membres du comité de pilotage sont soit comme moi,
plutôt venant de l’université, ou sinon du monde des acteurs économiques
et aussi des spécialistes du débat public.
Est-il possible de nous présenter et
expliquer en quoi consiste ce débat national sur la transition
énergétique? Quelles différences avec le Grenelle de l'environnement de
Sarkozy?
Bonjour. Comparé au Grenelle de l’environnement,
ce débat est beaucoup plus large du point de vue de la thématique de
l’énergie car il doit proposer des recommandations sur la maîtrise de
l'énergie, sur l’offre - d'où vient la production - sur les activités
économiques liées à l'énergie; Il est aussi plus large du point de vue
des participants, toutes les régions participent mais aussi les citoyens
directement. Le Grenelle c'était un débat entre les associations, les
syndicats et les collectivités locales au niveau national.
La grande concertation nationale sur la transition énergétique est
lancée: durant plusieurs mois, les citoyens sont appelés à participer à
la définition des grands axes de la politique énergétique de la France.
Promesse de campagne de François Hollande, ce grand débat sera
piloté par un comité dont Laurence Tubiana, directrice de la chaire de
développement durable à Sciences Po Paris, est membre. Elle y occupe
notamment le poste de «facilitatrice» des échanges entre les nombreux
comités et conseils qui plancheront sur le sujet.
Audrey Chauvet
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