Hind Meddeb avait manifesté son soutien au rappeur
Weld El 15 condamné jeudi à Tunis à deux ans de prison pour avoir insulté la
police.
Il ne fait décidément pas
bon exprimer trop haut ses opinions ces jours-ci en Tunisie. Au surlendemain de
la condamnation à quatre mois de prison ferme de trois Femen et au lendemain de
la condamnation à deux ans de prison ferme du rappeur Weld El 15, la
journaliste franco-tunisienne Hind Meddeb a été arrêtée pour avoir,
précisément, pris la défense de ce rappeur expédié en prison parce qu'il avait
insulté la police.
Chroniqueuse à France
Info, ancienne de France 24, Hind Meddeb a été arrêtée jeudi à Tunis au
tribunal de première instance de Ben Arous «pour avoir exprimé son indignation
après la condamnation à deux ans ferme du rappeur Weld El 15. Libérée à 20
heures, elle a été convoquée pour comparaître devant le juge d’instruction
lundi 17 juin dans la matinée», a fait savoir à Liberation son père, l'écrivain
et enseignant Abdelwahab Meddeb. La jeune femme est accusée de trouble de
l’ordre public et d’outrage à agents, précise-t-il. Relâchée dans la soirée,
elle passera en comparution immédiate.
Jeudi, Libération avait
publié une tribune signée de Hind Meddeb, dans laquelle elle prenait la défense
de Weld el-15 (de son vrai nom Alaa Yacoubi). «Aujourd’hui à Tunis, les
rappeurs sont la voix du peuple, de la jeunesse, des plus démunis qui n’ont pas
les moyens de résister à l’appareil d’Etat qui broie chaque jour des vies. Ce
texte est un appel aux autorités concernées, écrit-elle. Je ne défends pas un
rappeur qui insulte la police, je défends mon pays qui a le droit de disposer
d’une police respectueuse de ses citoyens. En ce jour de procès, j’appelle les
musiciens du monde entier à cosigner cet appel et à soutenir leur collègue Weld
El 15 qui risque une peine aussi lourde qu’injuste.»
Le procès de Weld El 15
s'est tenu dans un climat tendu. Les soutiens du jeune homme, dont Hind Meddeb,
se sont indignés avec véhémence du verdict et, à la sortie, ont été pourchassés
par les policiers, selon plusieurs témoins présents à l'audience. La police
aurait fait usage de gaz lacrymos. Sept personnes auraient été interpellées.
Le site tunisien
d'information Nawaat, très actif lors de la révolution qui a mené à la chute de
Ben Ali début 2011, fait le récit de cet après-procès : «Dehors, le comité de
soutien ne se résout pas au verdict. Les avocats crient à une décision
"illégale" tandis que Thameur Mekki se révolte contre une justice
sans merci qui rappelle durement les années de la dictature. En haut des
marches, les policiers les interpellent et veulent les inciter à partir. Quand
tout à coup, ils commencent à courser certains rappeurs et journalistes en
dehors du tribunal. L’un de nos collègues à Nawaat, Emine Mtraoui se fait
tabasser alors que l’on tente de lui enlever sa caméra (voir la vidéo de
Nawaat) tandis que deux membres du comité de soutien se font arrêter. L’un
d’eux est ramené brutalement vers le tribunal, les policiers n’hésitent pas à
le brutaliser, aux yeux de tous. Plus loin, la blogueuse Lina Ben Mehni se fait
également agresser par un policier.»
Le syndicat des
journalistes tunisiens dénonce dans un communiqué «une agression ciblée et
délibérée de la police contre un certain nombre de journalistes, blogueurs et
artistes dans l’enceinte du tribunal et alentour» et exige l’ouverture d’une
«enquête sérieuse».
CORDÉLIA BONAL
(Photo France Info)
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