Dans le Diois quelques 120 « artistes-femmes » se débattent entre survie, débrouille et créativité voire reconnaissance, nous leurs dédions ce texte de Catherine GONNARD et Élisabeth LEBOVICI, auteures de « Femmes/artistes, artistes femmes. Paris, de 1880 à nos jours ». Éditions Hazan, 2007, 480 pages, 150 ill.
( photo : Création de Vivianne Scherrer de Die ) - En limitant leur sujet au Paris de la fin du XIXe siècle au début du XXIe siècle, Catherine Gonnard et Élisabeth Lebovici montrent non seulement que le XXe siècle est le siècle où les femmes prennent place dans l’histoire de l’art, mais que l’histoire de leur visibilité ne suit pas le découpage des courants artistiques conçus par l’histoire de l’art. On pourrait regretter que le cadre géographique ne soit pas plus élargi dans la deuxième moitié du siècle, alors que New York l’emporte sur Paris, et que la scène internationale au début du XXIe siècle s’ouvre à d’autres aires culturelles. Cependant, en choisissant ce cadre plus resserré, la démonstration gagne en pertinence. Car l’intérêt de l’ouvrage est de révéler combien l’émergence des femmes artistes ne suit pas forcément celle des mouvements artistiques, même après guerre : Niki de Saint Phalle, Sonia Ferlov Mencoba, Bridget Riley, Marisa Merz, Valie Export sont les seules à compter en tant que femmes artistes parmi les courants du Nouveau Réalisme, de CoBrA, de l’Op art, de l’Arte Povera, et de l’Actionnisme viennois. Une autre histoire est donc à construire, à partir d’autres repères. Enfin, du point de vue de l’histoire culturelle, l’intérêt de se limiter à Paris est de pouvoir confronter la singularité du parcours des femmes artistes au modèle républicain et universaliste. Du statut de « citoyennes paradoxales » auquel les femmes sont tenues par le droit universel, on ne saurait passer à l’autre moitié de l’avant-garde, pour reprendre le titre d’une exposition marquante de Lea Vergine, sans remarquer que les luttes d’émancipation ne suivent pas forcément le cours temporel de l’histoire de l’art. Si des questions formelles et esthétiques peuvent certes s’enrichir de la donnée du genre, d’autres plus sociologiques sont à replacer dans le cadre élargi de l’histoire de l’émancipation des femmes sur un long XXe siècle. La notion de groupe qui importe est alors moins celle d’un courant artistique que celle des mouvements féministes. De fait, on voit dans la disposition du titre qui joue avec la notion de femmes artistes ou d’artistes femmes, se détacher le terme de femmes, au point qu’on peut le lire aussi comme artistes, artistes femmes, parmi les femmes. Suivant ici la distinction de Monique Wittig selon laquelle il ne se trouve pas de masculin et de féminin, mais un général et un féminin, Catherine Gonnard et Élisabeth Lebovici s’attachent donc à faire une histoire de l’art qui n’est pas seulement formelle, mais qui rend compte d’une histoire faisant état de l’impact de l’émancipation des femmes et du féminisme sur les arts autant que du rôle joué par les arts dans la libération des femmes.
- S’appuyant sur des sources très variées (archives, journaux, correspondances, interviews), le découpage du livre au demeurant chronologique, avec des photographies souvent inédites, ménage, telle une main-courante tout au long du texte, une partie réservée à de courtes biographies, entretiens et lettres, qui ponctuent judicieusement la lecture. Les différentes parties consacrées à la période de 1880 à 1918, à l’entre-deux-guerres, de la Libération à mai 1968 et de mai 1968 à nos jours alternent les chapitres en entrecroisant approches chronologique et thématique aux analyses sociologiques et esthétiques. Les auteures ouvrent la première partie en distinguant quatre figures pionnières, Rosa Bonheur, l’indépendante qui constitue un véritable atelier de production avec le genre animalier, Berthe Morisot et Mary Cassatt qui sont reconnues dès leur époque par le courant impressionniste, et Louise Breslau dont la vocation se professionnalise grâce à l’ouverture des académies aux femmes. L’analyse de l’apprentissage au XIXe siècle souligne les contraintes qui confinent les femmes dans le domaine privé, ainsi que l’interdiction du modèle nu, puis montre la lente conquête de Paris à travers les ateliers et les académies, jusqu’aux salons. On retiendra tout particulièrement les analyses consacrées au regard d’Olympia (Victorine Meurent, peintre), aux nus de Valadon et aux nus déshabillés de Gwen John, aux cubismes dans lesquels se discutent alors les qualités féminines ou masculines des artistes femmes. Le passage sur la danse, autour de Loïe Fuller, Isadora Duncan et Valentine de Saint-Point, met en évidence l’avant-gardisme de ces femmes, annonciateur de la performance et de la synthèse des arts.
- Dans la deuxième partie consacrée à l’entre-deux-guerres, Catherine Gonnard et Élisabeth Lebovici présentent une étude novatrice sur Marie Vassilieff dont on redécouvre avec intérêt les poupées. Elles réinterprètent de même l’image de la lesbienne moderne dans l’œuvre de Romaine Brooks en faisant la part de l’historiographie américaine et française sur la question. Un long passage sur Sophie Taeuber revalorise la diversité de sa production abstraite en regard de son mari Jean Arp. Dans ces nouveaux champs de l’abstraction, la figure oubliée de Marlow Moss est tout à fait novatrice, qui devance Mondrian. On retiendra également la part belle donnée à la nouvelle photographie dans l’entre-deux-guerres avec Florence Henri, Lee Miller, Laure Albin-Guillot, Germaine Krull, Ilse Bing, Regy Landau, Marianne Breslau, Annelise Kretschmer, et Lisette Model. S’ensuit une mise au point sur les rapports entre le surréalisme et les femmes qui valorise surtout Meret Oppenheim, Claude Cahun, Dora Maar et Valentine Hugo. Quant aux femmes qui ne se situent pas dans l’avant-garde, l’analyse de l’aventure coloniale montre combien elle a pu être, pour des femmes qui ont suivi la filière de l’École des beaux-arts de Paris, un critère de reconnaissance officielle. De même les réseaux de femmes, les cercles d’artistes, le Syndicat des femmes peintres et sculpteurs (en rupture avec l’Union des femmes peintres et sculpteurs) ou les Femmes artistes modernes (FAM), et les galeristes femmes tissent des liens plus horizontaux que les généalogies masculines de l’époque : il ne s’agit plus de soutien solidaire mais d’une marche vers le professionnalisme – preuve en est l’exposition en 1937 à Paris, « Les femmes artistes d’Europe ».
- L’Occupation sonne le glas du cosmopolitisme parisien, mais des galeristes résistantes on retiendra Jeanne Castel et Jeanne Bucher, et dans la zone sud l’immense geste peint de Charlotte Salomon. L’avant-dernière partie jusqu’à mai 1968 met en évidence combien cette rupture de la guerre a conduit les femmes, à la Libération ; à se concevoir bien plus comme artistes femmes que femmes artistes. Si les galeries de l’après-guerre sont nombreuses à être tenues par des femmes (Jeanne Bucher, Colette Allendy, Denise René, plus tard Iris Clert), aucune femme artiste pourtant ne fait partie des expositions ou des textes fondateurs des nouveaux courants d’expression des années 1950. Vieira da Silva, Germaine Richier, Geneviève Asse, Aurélie Nemours, Geneviève Claisse sont privilégiées pour cette période avec des entretiens ; parmi les expatriées de la seconde génération de l’expressionnisme abstrait, Joan Mitchell, Shirley Jaffe, et parmi les Hongroises, Vera Molnar et Judith Reigl.
- Les parcours de Niki de Saint-Phalle et Nancy Spero annoncent le dernier volet à partir de 1968. Or il faut noter que le mouvement de libération des femmes dans les années 1970 ne s’accompagne pas d’une visibilité accrue des femmes artistes dans les galeries et les expositions. Cependant une nouvelle créativité fait place à l’intime et au quotidien : Annette Messager a ici une belle part, les groupes collectifs aussi dont la chronologie est méticuleusement retracée. L’art textile est revendiqué comme culture propre aux femmes, la vidéo et l’art corporel également, qui visent la réappropriation du langage, de l’image et du corps par les femmes. La place des femmes dans l’histoire de l’art devient alors un objet d’étude. Un chapitre consacré à la caméra (Katerina Thomadaki et Maria Klonaris autour de la nudité et du désir, Nil Yalter, Nicole Croiset et Judy Blum sur les prisonnières et les immigrées, Carole Roussopoulos et la vidéo militante, Chantal Akerman et l’espace domestique), et un autre consacré au corps en action (avec Louise Bourgeois, Nicola, Françoise Janicot, Gina Pane, Orlan, Lea Lublin, Tania Mouraud, Sophie Calle) clôturent l’impact du féminisme dans les arts. Ce sont les années 1980 qui voient les femmes artistes travailler dans le réseau institutionnel (Gloria Friedmann), de même qu’elles marquent la reconnaissance tardive de fortes individualités (Louise Bourgeois, Claude Cahun). En revanche, les années 1990 (Élisabeth Ballet, Marylène Negro, Sylvia Bossu, Dominique Gonzalez-Foerster, Sylvie Blocher, Agnès Thurnauer, Valérie Jouve, Valérie Mréjen, Tatiana Trouvé) ouvrent autant sur un âge des possibles que des désillusions, car la référence aux genres picturaux refait surface qui n’est pas à l’avantage des femmes, tandis que le féminisme vit ses premiers bonds en arrière.
- La nouveauté, c’est de voir apparaître des femmes dans les revues d’art et à titre de commissaires d’expositions. En même temps la mondialisation du monde est en marche. À ce stade, si oublier le caractère « femme » chez l’artiste est une victoire (sur l’universalisme) et une défaite (sur la spécificité) en France, les « récits d’En France » (Ghada Amer, Nan Goldin) ouvrent, aux côtés des corps incertains et pourtant familiers des Françaises (Béatrice Cussol, Rebecca Bournigault), sur un « devenir femme de l’art », autrefois duchampien, qui du point de vue masculin affiche une certaine « débandade », sur fond de féminisme. Tel est le point d’orgue qui termine le livre de Catherine Gonnard et Élisabeth Lebovici sous forme d’épilogue, car l’apport du féminisme aux mouvements des arts apporte un renouvellement qui est moins celui des formes que celui des pratiques.
Frédérique Villemur,
« Catherine GONNARD, Élisabeth LEBOVICI, Femmes/artistes, artistes femmes. Paris, de 1880 à nos jours », Clio, numéro 29-2009, 68’, révolutions dans le genre ?, http://clio.revues.org/index9345.html.
( photo : Création de Vivianne Scherrer de Die ) - En limitant leur sujet au Paris de la fin du XIXe siècle au début du XXIe siècle, Catherine Gonnard et Élisabeth Lebovici montrent non seulement que le XXe siècle est le siècle où les femmes prennent place dans l’histoire de l’art, mais que l’histoire de leur visibilité ne suit pas le découpage des courants artistiques conçus par l’histoire de l’art. On pourrait regretter que le cadre géographique ne soit pas plus élargi dans la deuxième moitié du siècle, alors que New York l’emporte sur Paris, et que la scène internationale au début du XXIe siècle s’ouvre à d’autres aires culturelles. Cependant, en choisissant ce cadre plus resserré, la démonstration gagne en pertinence. Car l’intérêt de l’ouvrage est de révéler combien l’émergence des femmes artistes ne suit pas forcément celle des mouvements artistiques, même après guerre : Niki de Saint Phalle, Sonia Ferlov Mencoba, Bridget Riley, Marisa Merz, Valie Export sont les seules à compter en tant que femmes artistes parmi les courants du Nouveau Réalisme, de CoBrA, de l’Op art, de l’Arte Povera, et de l’Actionnisme viennois. Une autre histoire est donc à construire, à partir d’autres repères. Enfin, du point de vue de l’histoire culturelle, l’intérêt de se limiter à Paris est de pouvoir confronter la singularité du parcours des femmes artistes au modèle républicain et universaliste. Du statut de « citoyennes paradoxales » auquel les femmes sont tenues par le droit universel, on ne saurait passer à l’autre moitié de l’avant-garde, pour reprendre le titre d’une exposition marquante de Lea Vergine, sans remarquer que les luttes d’émancipation ne suivent pas forcément le cours temporel de l’histoire de l’art. Si des questions formelles et esthétiques peuvent certes s’enrichir de la donnée du genre, d’autres plus sociologiques sont à replacer dans le cadre élargi de l’histoire de l’émancipation des femmes sur un long XXe siècle. La notion de groupe qui importe est alors moins celle d’un courant artistique que celle des mouvements féministes. De fait, on voit dans la disposition du titre qui joue avec la notion de femmes artistes ou d’artistes femmes, se détacher le terme de femmes, au point qu’on peut le lire aussi comme artistes, artistes femmes, parmi les femmes. Suivant ici la distinction de Monique Wittig selon laquelle il ne se trouve pas de masculin et de féminin, mais un général et un féminin, Catherine Gonnard et Élisabeth Lebovici s’attachent donc à faire une histoire de l’art qui n’est pas seulement formelle, mais qui rend compte d’une histoire faisant état de l’impact de l’émancipation des femmes et du féminisme sur les arts autant que du rôle joué par les arts dans la libération des femmes.
- S’appuyant sur des sources très variées (archives, journaux, correspondances, interviews), le découpage du livre au demeurant chronologique, avec des photographies souvent inédites, ménage, telle une main-courante tout au long du texte, une partie réservée à de courtes biographies, entretiens et lettres, qui ponctuent judicieusement la lecture. Les différentes parties consacrées à la période de 1880 à 1918, à l’entre-deux-guerres, de la Libération à mai 1968 et de mai 1968 à nos jours alternent les chapitres en entrecroisant approches chronologique et thématique aux analyses sociologiques et esthétiques. Les auteures ouvrent la première partie en distinguant quatre figures pionnières, Rosa Bonheur, l’indépendante qui constitue un véritable atelier de production avec le genre animalier, Berthe Morisot et Mary Cassatt qui sont reconnues dès leur époque par le courant impressionniste, et Louise Breslau dont la vocation se professionnalise grâce à l’ouverture des académies aux femmes. L’analyse de l’apprentissage au XIXe siècle souligne les contraintes qui confinent les femmes dans le domaine privé, ainsi que l’interdiction du modèle nu, puis montre la lente conquête de Paris à travers les ateliers et les académies, jusqu’aux salons. On retiendra tout particulièrement les analyses consacrées au regard d’Olympia (Victorine Meurent, peintre), aux nus de Valadon et aux nus déshabillés de Gwen John, aux cubismes dans lesquels se discutent alors les qualités féminines ou masculines des artistes femmes. Le passage sur la danse, autour de Loïe Fuller, Isadora Duncan et Valentine de Saint-Point, met en évidence l’avant-gardisme de ces femmes, annonciateur de la performance et de la synthèse des arts.
- Dans la deuxième partie consacrée à l’entre-deux-guerres, Catherine Gonnard et Élisabeth Lebovici présentent une étude novatrice sur Marie Vassilieff dont on redécouvre avec intérêt les poupées. Elles réinterprètent de même l’image de la lesbienne moderne dans l’œuvre de Romaine Brooks en faisant la part de l’historiographie américaine et française sur la question. Un long passage sur Sophie Taeuber revalorise la diversité de sa production abstraite en regard de son mari Jean Arp. Dans ces nouveaux champs de l’abstraction, la figure oubliée de Marlow Moss est tout à fait novatrice, qui devance Mondrian. On retiendra également la part belle donnée à la nouvelle photographie dans l’entre-deux-guerres avec Florence Henri, Lee Miller, Laure Albin-Guillot, Germaine Krull, Ilse Bing, Regy Landau, Marianne Breslau, Annelise Kretschmer, et Lisette Model. S’ensuit une mise au point sur les rapports entre le surréalisme et les femmes qui valorise surtout Meret Oppenheim, Claude Cahun, Dora Maar et Valentine Hugo. Quant aux femmes qui ne se situent pas dans l’avant-garde, l’analyse de l’aventure coloniale montre combien elle a pu être, pour des femmes qui ont suivi la filière de l’École des beaux-arts de Paris, un critère de reconnaissance officielle. De même les réseaux de femmes, les cercles d’artistes, le Syndicat des femmes peintres et sculpteurs (en rupture avec l’Union des femmes peintres et sculpteurs) ou les Femmes artistes modernes (FAM), et les galeristes femmes tissent des liens plus horizontaux que les généalogies masculines de l’époque : il ne s’agit plus de soutien solidaire mais d’une marche vers le professionnalisme – preuve en est l’exposition en 1937 à Paris, « Les femmes artistes d’Europe ».
- L’Occupation sonne le glas du cosmopolitisme parisien, mais des galeristes résistantes on retiendra Jeanne Castel et Jeanne Bucher, et dans la zone sud l’immense geste peint de Charlotte Salomon. L’avant-dernière partie jusqu’à mai 1968 met en évidence combien cette rupture de la guerre a conduit les femmes, à la Libération ; à se concevoir bien plus comme artistes femmes que femmes artistes. Si les galeries de l’après-guerre sont nombreuses à être tenues par des femmes (Jeanne Bucher, Colette Allendy, Denise René, plus tard Iris Clert), aucune femme artiste pourtant ne fait partie des expositions ou des textes fondateurs des nouveaux courants d’expression des années 1950. Vieira da Silva, Germaine Richier, Geneviève Asse, Aurélie Nemours, Geneviève Claisse sont privilégiées pour cette période avec des entretiens ; parmi les expatriées de la seconde génération de l’expressionnisme abstrait, Joan Mitchell, Shirley Jaffe, et parmi les Hongroises, Vera Molnar et Judith Reigl.
- Les parcours de Niki de Saint-Phalle et Nancy Spero annoncent le dernier volet à partir de 1968. Or il faut noter que le mouvement de libération des femmes dans les années 1970 ne s’accompagne pas d’une visibilité accrue des femmes artistes dans les galeries et les expositions. Cependant une nouvelle créativité fait place à l’intime et au quotidien : Annette Messager a ici une belle part, les groupes collectifs aussi dont la chronologie est méticuleusement retracée. L’art textile est revendiqué comme culture propre aux femmes, la vidéo et l’art corporel également, qui visent la réappropriation du langage, de l’image et du corps par les femmes. La place des femmes dans l’histoire de l’art devient alors un objet d’étude. Un chapitre consacré à la caméra (Katerina Thomadaki et Maria Klonaris autour de la nudité et du désir, Nil Yalter, Nicole Croiset et Judy Blum sur les prisonnières et les immigrées, Carole Roussopoulos et la vidéo militante, Chantal Akerman et l’espace domestique), et un autre consacré au corps en action (avec Louise Bourgeois, Nicola, Françoise Janicot, Gina Pane, Orlan, Lea Lublin, Tania Mouraud, Sophie Calle) clôturent l’impact du féminisme dans les arts. Ce sont les années 1980 qui voient les femmes artistes travailler dans le réseau institutionnel (Gloria Friedmann), de même qu’elles marquent la reconnaissance tardive de fortes individualités (Louise Bourgeois, Claude Cahun). En revanche, les années 1990 (Élisabeth Ballet, Marylène Negro, Sylvia Bossu, Dominique Gonzalez-Foerster, Sylvie Blocher, Agnès Thurnauer, Valérie Jouve, Valérie Mréjen, Tatiana Trouvé) ouvrent autant sur un âge des possibles que des désillusions, car la référence aux genres picturaux refait surface qui n’est pas à l’avantage des femmes, tandis que le féminisme vit ses premiers bonds en arrière.
- La nouveauté, c’est de voir apparaître des femmes dans les revues d’art et à titre de commissaires d’expositions. En même temps la mondialisation du monde est en marche. À ce stade, si oublier le caractère « femme » chez l’artiste est une victoire (sur l’universalisme) et une défaite (sur la spécificité) en France, les « récits d’En France » (Ghada Amer, Nan Goldin) ouvrent, aux côtés des corps incertains et pourtant familiers des Françaises (Béatrice Cussol, Rebecca Bournigault), sur un « devenir femme de l’art », autrefois duchampien, qui du point de vue masculin affiche une certaine « débandade », sur fond de féminisme. Tel est le point d’orgue qui termine le livre de Catherine Gonnard et Élisabeth Lebovici sous forme d’épilogue, car l’apport du féminisme aux mouvements des arts apporte un renouvellement qui est moins celui des formes que celui des pratiques.
Frédérique Villemur,
« Catherine GONNARD, Élisabeth LEBOVICI, Femmes/artistes, artistes femmes. Paris, de 1880 à nos jours », Clio, numéro 29-2009, 68’, révolutions dans le genre ?, http://clio.revues.org/index9345.html.
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