Le "tous bien logés" doit être la priorité du prochain président
Plus de 80% des Français vivent aujourd'hui dans le parc immobilier privé (propriétaires ou locataires). Pourtant, au regard des médias ou des politiques de tous bords, le parc social semble, seul, mériter une attention particulière. Comment expliquer cette absence d'intérêt pour un sujet qui touche le quotidien du plus grand nombre des Français, et dont les enjeux ont des conséquences sociales capitales ?
Si le niveau de confort des logements n'a cessé de progresser depuis plusieurs décennies, il subsiste encore des logements insalubres, ou très dégradés, dans une proportion de 2 à 3% du parc de logement. Par ailleurs, près de 4 millions de Français ont du mal à se chauffer dans leurs logements et plus de 2 millions de ménages, composés de personnes âgées, vont avoir un besoin urgent d'adapter leur logement s'ils souhaitent pouvoir rester chez eux dans les années à venir. Enfin, plus des 2/3 du parc de copropriétés entre dans un cycle de vie qui va imposer des travaux d'une grande envergure, que les 6 millions de français qui y vivent ne pourront pas toujours prendre en charge.
Tous ces sujets, et bien d'autres encore, appellent des réponses de la part des élus locaux mais surtout nationaux. Une grande politique nationale du logement s'impose. Depuis 30 ans, les gouvernements n'ont pas pris toute la mesure des conséquences sociales de leurs politiques. Pas plus que les différents partis qui consacrent une énergie trop faible au logement et ne préconisent pas de solutions assez fortes et innovantes.
Les conséquences sociales de mauvaises conditions de logement sont dramatiques et ont un coût très important pour la société : elles touchent à la santé des occupants de logements insalubres ou mal chauffés, à l'éducation des enfants mal logés, à l'emploi de jeunes ou moins jeunes trop éloignés des centres économiques, à la santé physique et mentale des personnes âgées qui vivent dans des logements non adaptés à leur perte d'autonomie…
Les solutions nécessitent de l'argent… Mais c'est de l'argent bien dépensé car il permettra des économies biens supérieures dans d'autres domaines. Une personne âgée restant à domicile coûte en moyenne quatre fois moins cher à la société qu'une personne placée dans un établissement spécialisé, sans compter que c'est le souhait de 67 % des personnes interrogées. En vivant décemment, les français vivent tout simplement mieux : ils sont moins malades, moins seuls, moins dépendants. En aidant les plus démunis, les élus ne remplissent pas seulement le rôle social qui leur incombe mais aussi un rôle économique car ils permettent à l'Etat d'éviter des dépenses importantes liées aux mauvaises conditions de logement des français. La politique du logement est ainsi avec l'éducation et l'emploi l'un des piliers d'une politique de cohésion sociale, et l'un des volets d'une approche préventive des problèmes de santé et de dépendance.
C'est cet objectif de solidarité mais aussi d'économie sociale qui justifie l'intervention publique dans un domaine largement régi par les lois du marché.
Mais il faut considérer l'habitat au sens large et ne pas se focaliser uniquement sur le logement mais aussi sur son environnement. Un logement confortable n'offre un réel équilibre à ses occupants que s'il est situé dans un environnement épanouissant : proche ou facilement accessible à l'école et aux commerces, aux services indispensables mais aussi au lieu de travail. L'intervention sur le logement est ainsi indissociable des politiques de développement territorial et d'aménagement. Certaines régions manquent de logements, notamment locatifs, de façon structurelle.
Pourtant, les enjeux ne se situent pas uniquement sur ces territoires mais bel et bien sur l'ensemble de la France. Ils sont cependant différents d'une région à l'autre et passent, sur un certain nombre de territoires peu "tendus" par le réinvestissement du parc existant, plutôt que par la construction neuve. L'offre de logements doit en effet s'adapter quantitativement, mais aussi qualitativement, aux besoins de nos compatriotes, besoins qui, nous le savons, évoluent sans cesse. Cette dimension est aujourd'hui insuffisamment prise en compte et je me dois d’alerter pour lutter contre cette désertification des territoires où il n'existe plus de politiques de l'habitat.
J'appelle donc l'ensemble des candidats à l'élection présidentielle à prendre réellement en considération ces problématiques de l'habitat. Une meilleure information des droits et des devoirs de chacun (propriétaires comme locataires) et des aides auxquelles ils peuvent prétendre ; une meilleure prévision des besoins à venir des Français en matière d'habitat (quels types de logements ? Où ? A quels prix ?), une meilleure anticipation des évolutions des marchés locaux du logement.
Une politique réellement efficace en ce domaine ne peut voir le jour que grâce à un accompagnement de l'Etat et des collectivités mais nécessite aussi une remise à plat des interventions existantes pour mettre au premier rang l'objectif de "tous bien logés".
Dominique Braye, président de l'Agence nationale de l'habitat
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire