Birmanie: Aung San Suu Kyi réclame des excuses
après une manifestation réprimée
(Photo : Aung San Suu
Kyi, en médiatrice du conflit autour d'une mine de cuivre exploitée par un
groupe chinois, le 29 novembre 2012 à Monywa, en Birmanie, Ye Aung Thu)
La chef de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi a réclamé vendredi des
excuses aux autorités, après la répression violente d'une manifestation
d'opposants à une mine de cuivre chinoise, un dossier dans lequel elle a entamé
des efforts de médiation.
Les images de moines
bouddhistes brûlés grièvement et gisant sur leur lit d'hôpital ont rappelé aux
Birmans les violences commises par la junte dissoute il y a un an et demi, et
soulevé des questions sur la capacité du nouveau régime à répondre aux attentes
croissantes de la population.
"Nous savons que les
chefs de la police sont responsables de ce qui s'est passé, mais nous devons
savoir pourquoi ils l'ont fait. Personne n'est satisfait de ça", a déclaré
Suu Kyi à la presse à Monywa, ville proche de la mine.
"Je pense que les
moines bouddhistes méritent des excuses".
Dans la nuit de mercredi à
jeudi, la police avait mis fin par la force au rassemblement sur le site de
quelque 300 moines, villageois et étudiants qui exigeaient l'abandon du projet,
dénonçant notamment l'insuffisance des compensations financières pour les
saisies de terres.
Selon Myo Thant, un cadre
de l'organisation pro-démocratie Génération 88, environ 100 personnes ont été
blessées. Une trentaine a été hospitalisée et "huit sont dans un état
critique", a-t-il ajouté.
Les forces de l'ordre ont
utilisé des canons à eau et gaz de nature indéterminée. Mais le gouvernement a
rejeté les accusations de médias locaux et de militants assurant que la police
avait utilisé des armes chimiques.
Quelque 200 moines, dont
beaucoup blessés la veille, ont organisé un sit-in vendredi à Mandalay (centre)
pour dénoncer la répression. Une cinquantaine ont aussi défilé à Rangoun, a
constaté l'AFP.
"Nous demandons au
gouvernement de s'excuser auprès des moines blessés d'ici cinq jours", a
déclaré à l'AFP Thawbita, un organisateur, promettant des manifestations
similaires dans tout le pays dans le cas contraire.
Villageois, étudiants et moines veulent l'abandon
de ce projet situé à Monywa, dans la Division de Sagaing (nord). Lors de
premiers rassemblements en septembre, ils avaient affirmé que 3.200 hectares
leurs avaient été confisqués sans consultation et sans compensation. La mine de
cuivre, située près de Monywa dans la Division de Sagaing (nord), est gérée par
une société mixte formée par le groupe chinois Wanbao et la société appartenant
à l'armée Myanmar Economic Holdings visée ces derniers mois par des accusations
de corruption de la presse locale.
Suu Kyi a entamé ses
efforts de médiation jeudi, lors d'une visite prévue avant l'intervention de la
police pendant laquelle elle a rencontré tous les protagonistes.
"Je veux que le
problème (...) soit résolu de façon pacifique (...) Je crois que je réussirai
si les gens m'accompagnent pour trouver une solution".
L'opposante a pu constater
combien sa popularité restait forte, en traversant en voiture des foules
compactes saluant son convoi. "Elle nous a dit de demander ce qui était
possible (...), plutôt que de réclamer l'impossible", a indiqué Khin Mar
Thin, une villageoise de 35 ans.
Suu Kyi n'a en tout cas
pas exigé l'arrêt pur et simple du projet. "Nous pouvons évaluer la
situation seulement si le projet n'est pas arrêté", a-t-elle estimé
vendredi, en référence à une commission d'enquête du parlement.
Une position qui pourrait
en partie satisfaire Pékin, qui a plaidé pour la poursuite des opérations.
"Les questions de relogement, de compensation, de protection de
l'environnement et de partage des profits concernant le projet ont été réglées
par les négociations" en amont du projet, a assuré l'ambassade de Chine à
Rangoun.
Pékin a profité des décennies de dictature pour
étendre son influence sur la Birmanie, en particulier sur son appareil
économique. Mais le changement de
régime modifie la carte géopolitique et l'opposition de la population à
certains des grands projets chinois se fait de plus en plus vive.
Suu Kyi a fait preuve de
la plus grande prudence sur ce dossier. La Birmanie doit être "amie"
avec son voisin, a-t-elle estimé, tout en relevant n'avoir "jamais
considéré la Chine comme notre bienfaiteur".
MCD-APL
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