La Palestine est devenue jeudi un Etat observateur aux
Nations unies, lors d'un vote historique à l'Assemblée générale de l'ONU. Le vote de cette résolution, qui fait de
"l'entité" palestinienne un "Etat observateur non membre",
a été acquis à une majorité confortable de 138 voix pour, 9 contre et 41
abstentions.
Cette nouvelle stature
internationale, qui donne aux Palestiniens accès à des agences de l'ONU et des
traités internationaux, constitue une victoire diplomatique majeure.
Avant le vote, le président
palestinien Mahmoud Abbas a affirmé que l'Assemblée allait signer l'"acte
de naissance" d'un Etat de Palestine.
Il a estimé qu'il s'agissait
de la "dernière chance de sauver la solution à deux Etats" (Israël et
un Etat palestinien) et a promis de "tenter de ranimer les
négociations" de paix avec Israël, au point mort depuis plus de deux ans,
sans toutefois prendre d'engagements précis.
Acclamations à Ramallah et désir de Paix
A Ramallah (Cisjordanie), le
vote à l'ONU a été salué par des tirs en l'air et des acclamations de la foule.
Ce vote a coïncidé avec
l'anniversaire de l'adoption par l'ONU en 1947 du plan de partage de la
Palestine mandataire, qui prévoyait un Etat juif et un Etat arabe. Devant le
Comité sur les droits inaliénables du peuple palestinien qui commémorait cet
anniversaire, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a demandé
solennellement jeudi aux dirigeants palestiniens et israéliens de "ranimer
le processus de paix" en reprenant des "négociations directes". La
résolution appelle à une reprise des négociations israélo-palestiniennes pour
qu'un Etat de Palestine puisse coexister "aux côtés d'Israël en paix et en
sécurité, sur la base des frontières d'avant 1967".
De leur côté, l'Union
européenne a rappelé jeudi qu'elle était "prête à reconnaître un Etat
palestinien au moment opportun" mais que la priorité était de reprendre
les négociations.
Ce qui inquiète le plus
Israéliens et Américains, c'est la possibilité qu'auraient désormais les
Palestiniens de rejoindre la Cour pénale internationale et d'y porter plainte
contre Israël. Des responsables palestiniens ont évoqué cette hypothèse si
Israël poursuit sa politique de colonisation en Cisjordanie.
MCD
Le mythe de la «terre d’Israël» démonté
L’historien israélien
Shlomo Sand met en garde contre le concept sioniste de «terre promise» qui,
selon lui, compromet l’avenir de l’Etat d’Israël.
«Bienvenue dans l’Etat
d’Israël, la patrie du peuple juif! Nous sommes rassemblés ici parce que nous
partageons la même histoire et le même héritage. Nous faisons tous partie de la
nation juive et nous devons en être fiers. Vous êtes chez vous en Israël!» Cet
accueil chaleureux, le moniteur du camp d’été de «L’Expérience israélienne» le
réserve à un groupe d’adolescents de 15 à 17 ans, qui débarquent des Etats-Unis
et du Canada pour un séjour d’un mois à la découverte de leurs racines.
Leur tour guidé, raconté
dans le documentaire «Les nouvelles brigades d’Israël», à voir dimanche sur RTS
2, apparaît comme une sorte de pèlerinage patriotique, avec visite du cimetière
militaire du mont Herzl et du mur des Lamentations, balade prosélyte sur les
hauteurs du Golan, rencontre avec des soldats qui leur racontent les moments
héroïques de la nation, jeux de guerre et apprentissage du maniement d’arme. Le
voyage s’inscrit dans un ensemble de programmes ouvertement sionistes, auxquels
s’inscrivent chaque année plus de 30 000 Juifs non-israéliens de toute la
planète.
Les participants sont
appelés à devenir de nouveaux «ambassadeurs» de l’Etat d’Israël, et à véhiculer
une image positive et dynamique du pays partout dans le monde. Et ça marche! Au
terme de leur séjour, les jeunes se montrent enthousiastes. Même les plus
pacifistes assurent qu’il importe de «s’enrôler dans l’armée» en Israël. «Si
plus personne ne veut se battre, nous allons perdre du territoire. C’est
important de montrer à quel point nous sommes fiers et que nous ne lâcherons
pas», commente Elanah, du New Jersey, qui est retournée ensuite en terre
d’Israël pour un programme de douze mois.
«Peuple élu»
Ce sentiment d’appartenance au «peuple élu», gagné en un seul mois de –, est il est vrai bien encadrés – camp d’été par de jeunes Américains en fait partagé sincèrement par 70% des Juifs d’Israël, selon un sondage publié au début de l’année par le quotidien «Haaretz». C’est ce qui inquiète Shlomo Sand, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Tel-Aviv. «La morale intracommunautaire sioniste demeure totalement hégémonique», écrit-il dans son dernier ouvrage, intitulé «Comment la terre d’Israël fut inventée»1. «Bien que la sensibilité d’Israël à la perte de la vie de ses soldats se fasse plus aiguë lors de chaque affrontement, nul mouvement de la paix influent et massif n’a encore émergé.»
Ce sentiment d’appartenance au «peuple élu», gagné en un seul mois de –, est il est vrai bien encadrés – camp d’été par de jeunes Américains en fait partagé sincèrement par 70% des Juifs d’Israël, selon un sondage publié au début de l’année par le quotidien «Haaretz». C’est ce qui inquiète Shlomo Sand, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Tel-Aviv. «La morale intracommunautaire sioniste demeure totalement hégémonique», écrit-il dans son dernier ouvrage, intitulé «Comment la terre d’Israël fut inventée»1. «Bien que la sensibilité d’Israël à la perte de la vie de ses soldats se fasse plus aiguë lors de chaque affrontement, nul mouvement de la paix influent et massif n’a encore émergé.»
Observant qu’aucun
changement d’orientation ne se manifeste dans l’équilibre des forces politiques
en Israël, et qu’on assiste au contraire au «renforcement des courants
ethno-religieux et racistes laïcs», l’historien propose une déconstruction des
«légendes qui étouffent l’Etat d’Israël. En 2008, il avait déjà dénoncé à grand
bruit le mythe de l’existence éternelle du «peuple juif»2.
Le professeur israélien,
né dans un camp de réfugiés en 1946 en Autriche, ne renie pas les mythes
fondateurs d’Israël, qui, comme dans tous les Etats, contribuent à l’identité
collective. Mais encore faut-il les prendre comme tels.
Le problème, c’est leur
exploitation abusive à des fins politiques. Et d’expliquer: «L’instruction que
j’avais reçue, dans ma jeunesse et même au-delà, de la part du système
israélien d’éducation nationale, m’avait porté à croire, sans l’ombre d’un
doute, en l’existence d’un peuple juif quasiment éternel, tout comme je
considérais, à tort, la Bible comme étant pour partie un livre d’histoire, et
la sortie d’Egypte comme un événement réel. J’étais donc persuadé, dans mon
ignorance, que le «peuple juif» avait bien été expulsé de sa patrie après la
destruction du Temple, ainsi qu’il est gravé solennellement dans la Déclaration
d’indépendance de l’Etat d’Israël.» En réalité, souligne l’historien, «les
Juifs n’ont pas connu d’exil forcé de Judée au Ier siècle».
Pour Shlomo Sand, le
«retour sioniste» a été essentiellement une «invention utile, destinée à
susciter la sympathie du monde occidental, et plus particulièrement chrétien
protestant – lui-même précurseur de la formulation de l’idée – lorsqu’il s’est
agi de justifier la nouvelle entreprise coloniale». Cette entreprise à
caractère national impliquait obligatoirement qu’une partie notable de la
population autochtone soit repoussée hors de l’espace revendiqué, déplore le
professeur de l’Université de Tel-Aviv.
«Régime d’apartheid»
Aujourd’hui, la désillusion de l’historien est grande: «Je ne savais pas que je vivrais la majeure partie de mon existence à l’ombre d’un régime d’apartheid, alors que le monde «civilisé», du fait notamment de sa mauvaise conscience, se sentirait obligé de transiger avec lui, et même de lui apporter son soutien.»
«Le grand compromis prometteur, reposant sur le retour d’Israël aux frontières de 1967, sur la création d’un Etat palestinien voisin (avec Jérusalem comme capitale commune), et sur la fondation d’une confédération entre deux républiques souveraines et démocratiques appartenant à tous, apparaît comme un rêve qui s’éloigne et s’évanouit dans l’obscurité du temps», analyse-t-il, n’imaginant aucune avancée significative tant que les Etats-Unis, sous les pressions du «lobby pro-sioniste», continueront de soutenir le statu quo actuel.
Aujourd’hui, la désillusion de l’historien est grande: «Je ne savais pas que je vivrais la majeure partie de mon existence à l’ombre d’un régime d’apartheid, alors que le monde «civilisé», du fait notamment de sa mauvaise conscience, se sentirait obligé de transiger avec lui, et même de lui apporter son soutien.»
«Le grand compromis prometteur, reposant sur le retour d’Israël aux frontières de 1967, sur la création d’un Etat palestinien voisin (avec Jérusalem comme capitale commune), et sur la fondation d’une confédération entre deux républiques souveraines et démocratiques appartenant à tous, apparaît comme un rêve qui s’éloigne et s’évanouit dans l’obscurité du temps», analyse-t-il, n’imaginant aucune avancée significative tant que les Etats-Unis, sous les pressions du «lobby pro-sioniste», continueront de soutenir le statu quo actuel.
De son université édifiée
sur les ruines d’un village arabe, «dont la vie s’est éteinte le 30 mars 1948»,
Shlomo Sand se veut finalement pragmatique: s’il est impossible de faire marche
arrière, il n’est pas trop tard pour reconnaître les dommages causés par la
colonisation sioniste ni pour verser des dédommagements. En 1948, plus de 400
villages avaient été complètement détruits et près de 700 000 habitants
condamnés à devenir des réfugiés...
Pascal Fleury
1.
«Comment la terre d’Israël fut inventée – de la Terre sainte à la mère patrie»,
Shlomo Sand, Editions Flammarion, 2012.
2.
«Comment le peuple juif fut inventé», Shlomo Sand, Editions Fayard, 2008.
Les sionistes voulaient un Etat Juif, mais pas y
vivre!
«Qu’est-ce qu’un sioniste?
C’est un Juif qui collecte de l’argent auprès d’un deuxième Juif afin de
pouvoir faire émigrer un troisième Juif en terre d’Israël.» La bonne vieille
plaisanterie yiddish, racontée par l’historien Shlomo Sand, résume bien l’état
d’esprit des Juifs américains au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Le
pourcentage de sionistes avait atteint plus de 70% de la population juive aux
Etats-Unis pendant la guerre. Leur priorité absolue était bien la création d’un
Etat juif en Palestine. Mais pas pour y vivre! «Ils étaient très heureux chez
eux», observe le spécialiste de l’Holocauste Marc-André Charguéraud, auteur de
«Cinquante idées reçues sur la Shoah»1.
Ainsi, durant les trois
premières années qui ont suivi la création de l’Etat d’Israël, seul un millier
de Juifs américains ont émigré en Terre sainte, alors que 5,6 millions de Juifs
vivaient aux Etats-Unis, constituant la plus grande diaspora juive de la
planète. Malgré la propagande et les appels répétés du président Ben Gourion,
la plupart ont refusé de rejoindre les 700 000 Juifs déjà débarqués en Israël,
dont une moitié de survivants du génocide en Europe. «Les Juifs d’Amérique sont
partie intégrante de la communauté américaine. Pour eux, la création d’Israël,
c’est la réalisation historique des aspirations du peuple juif», a défendu en
1949 Daniel Frisch, président de la Zionist Organization of America.
L’insistance de Ben Gourion et de l’Agence juive fut finalement considérée
comme «insultante» pour nombre de sionistes philanthropes.
A noter que les Juifs de France ont adopté le plus souvent la même attitude. «La Palestine? Je savais à peine où ça se trouvait, reconnaît Simone Veil. C’était peut-être un foyer pour les autres Juifs. Pas pour nous.»
A noter que les Juifs de France ont adopté le plus souvent la même attitude. «La Palestine? Je savais à peine où ça se trouvait, reconnaît Simone Veil. C’était peut-être un foyer pour les autres Juifs. Pas pour nous.»
1.
«Cinquante idées reçues sur la Shoah», Marc-André Charguéraud, Editions Labor
et Fides, 2012.
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