Lutter contre l'étalement urbain, priorité d'une
politique écologique
L'actuel débat sur la
transition énergétique et les réflexions en cours sur la fiscalité écologique
ont la vertu de replacer l'écologie au coeur du débat public, mais risquent de crisper
une opinion fragilisée par les incertitudes économiques du moment.
En effet, la conviction,
de plus en plus partagée, que "l'écologie
coûte cher", qu'elle pénalise l'économie et, qu'en période de
crise, les priorités sont ailleurs, a malheureusement progressé depuis le
fameux "l'écologie ça suffit !"
de Nicolas Sarkozy en 2010.
Il est vrai que nombre de
promoteurs de l'écologie, qu'il s'agisse de partis politiques ou
d'organisations non gouvernementales, ont mis l'accent sur le renforcement de
l'arsenal réglementaire et sur l'alourdissement de la fiscalité comme
principaux leviers d'action.
Cette approche a certes
réellement fait bouger les lignes et a produit des résultats tangibles qu'il
serait malhonnête de dénigrer. Toutefois, dans un monde profondément en crise,
et afin de retrouver un élan positif qui transcende les partis politiques, il
conviendrait que les réflexions et les débats en cours mettent l'accent sur des
mesures qui présenteraient le triple avantage de ne pas alourdir la fiscalité,
de diminuer les dépenses publiques et d'améliorer le pouvoir d'achat des
citoyens.
L'objectif prioritaire de
toute politique écologique responsable devrait être de limiter la consommation
de l'espace naturel ou agricole en luttant contre l'étalement urbain.
DISPARITION DE LA
BIODIVERSITÉ
En effet, la croissance
démesurée de la périphérie des villes est non seulement responsable d'une part
significative de la disparition de la biodiversité, mais surtout elle détruit,
année après année, les terres agricoles les plus riches qui manqueront pour nourrir
les générations futures. Les grandes villes n'ont pu se développer que du fait
de l'existence de ressources alimentaires et en eau abondantes à proximité. Les
meilleures terres agricoles étaient donc celles de la périphérie des grandes
villes. La majeure partie de ces terres a aujourd'hui disparu.
Construire des quartiers
éloignés des centres-villes implique de financer l'allongement des réseaux
électriques, téléphoniques, d'assainissement ou d'eau potable, ou encore de construire
des dessertes routières et des parkings.
Cet étalement, qui génère souvent des quartiers
consacrés uniquement à l'habitation, conduit les habitants à multiplier les
déplacements entre lieux de résidence, de travail ou de loisir. Ces
déplacements se font le plus souvent en véhicule individuel car les transports
en commun sont bien plus complexes à déployer dans cette situation que dans un
contexte urbain plus dense. L'imperméabilisation d'immenses surfaces de sol par
l'asphalte ou le ciment conduit à aggraver les crues, à dégrader la qualité des
eaux qui ruissellent.
Cela génère des
investissements considérables en ouvrages de protection ou en stations
d'épuration. Quant aux effets climatiques du "bétonnage", il suffit,
pour les ressentir, de s'allonger sur une route goudronnée par une chaude
après-midi d'été, puis de s'allonger dans l'herbe pour comparer !
Que faire pour inverser
cette tendance négative sans dépenser beaucoup d'argent public ou sans instaurer
une fiscalité écologique impopulaire, voire insupportable en temps de crise ?
RÈGLES
URBANISTIQUES DÉSASTREUSES
L'une des mesures les plus
efficaces consisterait à revoir en profondeur certaines règles urbanistiques
désastreuses du point de vue environnemental. Dans de bien nombreuses communes,
la surface minimale du terrain constructible est de 1 000 à 3 000 mètres
carrés. Cela a des conséquences induites considérables en termes d'étalement
urbain, d'émission de gaz à effet de serre, de dépenses pour la collectivité ou
encore de coût individuel du logement.
Il faut supprimer ces surfaces minimales ou du
moins, les réduire significativement. Nos maisons de villes et de villages, qui
sont construites sur des parcelles de 100 à 300 m², constituent un patrimoine
architectural particulièrement envié dans le monde.
Malheureusement, l'une des
premières mesures du gouvernement a été d'abroger la loi prévoyant d'augmenter
de 30 % la surface constructible sur un terrain donné. Cette mesure a été
remplacée par l'ouverture à l'urbanisation de terrains appartenant à l'Etat. Je
ne peux que souhaiter que la censure de la loi Duflot permettra au gouvernement
de corriger le tir en instaurant de nouveaux dispositifs économes d'espace.
Autre exemple, les lois de protection du patrimoine
architectural engendrent des contraintes techniques et financières
considérables qui découragent la plupart des habitants de se lancer dans la
rénovation des maisons anciennes de centre-ville ou de profiter des énergies
renouvelables : interdiction de rehausser des immeubles, d'installer des
chauffe-eau, de poser des panneaux solaires, de construire des terrasses - la
terrasse de toit est une excellente alternative au jardin pour offrir un
extérieur aux habitants à moindre coût environnemental.
Enfin, la majeure partie
des incitations fiscales en faveur du logement concerne les logements neufs,
donc les plus coûteux pour l'environnement et pour la collectivité. Une
politique écologique active favoriserait avant tout la reconquête des centres
historiques, la rénovation des logements vacants et la densification de l'habitat
à la périphérie des villes.
Frédéric Melki, Biotope
Frédéric Melki est directeur général et cofondateur de
Biotope, société d'ingénierie et de conseil en écologie et environnement, créée
en 1993
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