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jeudi 1 août 2013

Comment les idées deviennent contagieuses ?



Comment les idées deviennent-elles contagieuses ?
Comment les idées deviennent-elles contagieuses ? La thèse comparant certaines idées à des "virus du cerveau" ne date pas d'hier. Dans son livre Le Gène égoïste, paru en 1976, Richard Dawkins avait créé la notion de mêmes, analogues "mentaux" des gènes, qui étaient capables de s'autorépliquer d'un cerveau à l'autre, et qui, à l'instar des créatures vivantes, cherchaient avant tout à maximiser leur capacité de reproduction. Par la suite, certains avaient essayé de donner corps à une nouvelle science, la mémétique, se basant sur cette notion. L'idée n'a jamais vraiment pris, et peu de chercheurs (à l'exception peut être du philosophe Daniel Dennett et de l'anthropologue des religions Pascal Boyer) ont vraiment continué à travailler sur ces bases. En 2005, le Journal of Memetics fermait définitivement ses portes après huit années d'existence.
En revanche, les mêmes sont devenus un élément constitutif de la pop culture internet. Restait cependant à savoir si cette contagion des idées possède de véritables bases neurales ou si elle n'est rien d'autre... qu'un mème.
Des recherches effectuées à l'UCLA, sous direction du psychologue Matthew Lieberman, donnent aujourd'hui à penser qu'il y aurait une réalité biologique à l'oeuvre dans ce processus de "contamination" intellectuelle. Des chercheurs ont en effet étudié les mécanismes cérébraux impliqués dans le "buzz".
Ils ont pour cela élaboré une expérience psychologique pour laquelle ils ont recruté une vingtaine d’étudiants. Ces derniers devaient jouer le rôle de membres d'un studio de production, les "internes", chargés d'évaluer différents thèmes pour une future émission télévisée. Un second groupe de 79 étudiants était composé de "producteurs".
Les premiers devaient donc examiner 24 propositions d'émissions : parmi elles, l'histoire d'une ancienne reine de beauté cherchant à faire emprunter la même voie à ses filles, une espèce de Koh Lanta ou Pékin express (un reality show où les joueurs traversent des environnements difficiles), et, bien sûr, l’inévitable histoire d'adolescents et de vampires. Pendant ce temps, leur cerveau était soumis à un examen à l'IRM fonctionnelle. Ensuite, ils devaient convaincre les "producteurs" de la valeur des "pitchs" qu'ils avaient préférés, et cet entretien était enregistré en vidéo. Par la suite, les chercheurs ont interrogé les producteurs pour déterminer quels internes ils avaient trouvé les plus convaincants.
Le but de la recherche en question n’était donc pas de mesurer l'activité cérébrale des "internes" lorsqu'ils essayaient de convaincre un producteur, mais au contraire de savoir ce qui se passait dans la tête desdits internes juste avant, au moment où ils recevaient l'information. Autrement dit, il s'agissait de comprendre l'activité cérébrale du premier récepteur du buzz ; celui qui, par la suite, partagera la nouvelle avec les autres, et avec succès.
"Nous sommes constamment confrontés à l'information via Facebook, Twitter ou autres, a expliqué Lieberman. Nous en partageons certaines, et nous ne le faisons pas avec beaucoup d'autres. Est-ce qu'il se passe quelque chose au moment où nous voyons une information pour la première fois - peut être avant même que nous réalisions que nous allons contribuer à la répandre - qui s'avère différent pour les éléments que nous partageons avec succès, contrairement aux autres cas ?"
Une aubaine pour les publicitaires ?
Les psychologues ont découvert que les internes qui se montraient les plus persuasifs lorsqu'ils essayaient de convaincre les producteurs de la valeur des thèmes qu'ils avaient sélectionnés montraient une activité forte d'une région du cerveau nommée le carrefour temporo-pariétal. Cette zone était moins active chez les internes moins doués, ou lorsque l'idée présentait moins d'intérêt. Selon les chercheurs, ce fut la seule zone montrant cette caractéristique. On n'a rien trouvé de particulier par exemple dans les sections liées à la mémoire alors qu'on aurait pu s'y attendre, expliquent-ils.
Le carrefour tempo-pariétal est lié à la capacité de "mentalisation" autrement dit à la compréhension de ce que les autres pensent, bref à la fameuse "théorie de l'esprit" très à la mode en ce moment. Par exemple si on inhibe cette zone à l'aide de la stimulation magnétique transcrânienne, il est possible d'affecter notre jugement moral…
"Le carrefour temporo-parietal a été la seule zone dont l'activité différenciait les internes qui réussissaient plus à propager leurs idées préférées de ceux qui étaient moins chanceux (...). Il est possible que les meilleurs communicateurs pensaient déjà aux moyens de rendre l'information utile et intéressante pour les autres, plutôt que simplement apprécier l'information pour elle-même", expliquent les chercheurs dans leur papier (.pdf).
Evidemment, ce n'est qu'un premier pas, et il faut toujours mettre au conditionnel ces découvertes, voir si elles seront confirmées par des recherches ultérieures. Dans l'attente, le communiqué de presse de l'UCLA imagine déjà les applications qui pourraient sortir d'une telle recherche : elle permettrait de savoir quelles sont les idées susceptibles de fonctionner auprès du grand public, et donc, entre autres, de réaliser de meilleures campagnes de pubs. Une perspective inquiétante que le communiqué tempère en disant que cela aiderait également à l'élaboration de campagnes d'information liées à la santé publique pour lutter contre le tabac ou l'obésité...
Matthew Lieberman nous en dira peut-être plus sur ses théories dans son livre à paraître Social : Why Our Brains Are Wired to Connect (Social : pourquoi nos cerveaux sont câblés pour se connecter).
Rémi Sussan

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