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samedi 24 août 2013

Du Conservatoire de la tomate de Montlouis sur Loire...

Des tomates plus ou moins mûres au Conservatoire de la Tomate de Montlouis-sur-Loire, près de Tours, le 19 août 2013 Au Conservatoire de la Tomate, des vertes et des bien mûres



Des tomates plus ou moins mûres au Conservatoire de la Tomate de Montlouis-sur-Loire, près de Tours, le 19 août 2013
Elles ont des noms de grand large, d'aventures et de mystère: Livingston's Magnus, Magellan Burgess Purple, Egyptian Tomb... Au Conservatoire de la Tomate, en Touraine, les 652 variétés choisies par le Prince de Broglie en voient de vertes et de bien mûres.
Rouges et rondes pour la plupart, jaunes d'or, vert anisette, noires tirant sur le mauve, zébrées, striées: le jardinier du Château de la Bourdaisière près de Montlouis, Nicolas Toutain, les a ordonnées par couleur entre les lys et les lavandes - même si les pluies abondantes du printemps ont décalé cette saison le mûrissement de ces "pommes d'or", comme les appelaient les Conquistadors qui rapportèrent ces fruits nouveaux d'Amérique.
Au Conservatoire, les tomates qui célèbrent leur "Festival" le premier week-end de septembre, proviennent d'une trentaine de pays. "Mais pour les trois quarts d'entre elles, on n'a d'autre information que le nom: il n'existe aucun répertoire ni lexique des variétés" regrette ce jeune passionné (29 ans) qui veille aux destins des fruits depuis 2007.
Pour créer cet endroit unique en France, ouvert au public, le Prince Louis-Albert de Broglie - ex-banquier qui préfère aujourd'hui cultiver ses jardins (en bio évidemment) - et son chef jardinier se sont tournés vers des réseaux de collectionneurs privés: d'une quarantaine de variétés en 1992, il dépassait déjà les 300 en 95. "L'idée n'était pas de jouer les gentlemen farmers mais de réfléchir à sauvegarder une diversité en plein champ qui favorise le vivant" explique-t-il aujourd'hui en revendiquant avec ce potager aux mille saveurs un "acte politique qui dit comment la société veut vivre".
Car "c'est le mode de culture qui fait la différence" insiste Nicolas Toutain. "Prenez n'importe quelle tomate et faites la pousser sous serre en ajoutant de l'engrais et de l'eau pour accélérer sa croissance et son murissement, ça donne un fruit gonflé qui n'a pas eu le temps de produire ses vitamines et du sucre". Tandis qu'à ses pieds, Orange Banana, Tennessee Sweet, Chocolate Cherokee et quelque 22 variétés rien qu'en "coeur de boeuf" poussent entre les basilics pourpres et la menthe chocolat, sous les seuls rayons du soleil.
Une démarche contre la perte des repères gustatifs
Face au développement de fruits gonflés, calibrés, sans goût mais à longue conservation, la tomate est devenue le marqueur d'une société en perte de repères gustatifs. Le consommateur a commencé à redécouvrir les variétés anciennes en même temps que le bio, résume-t-il. Sans renoncer cependant aux tomates partout en toutes saisons, si possible à petit prix. Surfant sur l'engouement pour les tomates anciennes, les producteurs se sont mis à quelques variétés ... Mais produites sous serre à grande vitesse, ces Noires de Crimée, Green Zebra, Cornue des Andes et même coeur de boeuf y ont perdu leur âme.
Mais pour Nicolas le Jardinier, "la plus belle arnaque de ces dernières années, c'est la tomate grappe: c'est le pédoncule qui parfume l'étal, les fruits ne sentent rien".
C'est là que ce jardin, tout enchanté qu'il soit, devient (aussi) une affaire politique.
L'écrasante majorité des variétés anciennes a disparu du catalogue officiel des semenciers, avec une érosion vertigineuse depuis la fin de la seconde Guerre mondiale et l'exigence de produire beaucoup et vite. "Restent les seules variétés récentes et enregistrées qui peuvent être commercialisées" rappelle Nicolas Toutain. L'entrée au catalogue, payante, limite la diversité et seules les grands producteurs s'y collent, comme ils l'ont fait récemment pour récupérer le marché des tomates de couleur, désormais disponibles en supermarché. Belles mais sans goût.
Le Conservatoire se garde de violer la loi puisqu'il ne vend pas ses tomates, mais frôle l'illégalité tout de même en vendant quelques graines aux curieux et gourmands. C'est d'ailleurs tout le dilemme de l'association Kokopelli, l'un de ses fournisseurs, au coeur de nombreux procès pour commercialiser des semences dont plus de la moitié sont "illégales".
Pourtant, "il suffit d'un +accroc+ quelque part pour conserver une variété", insiste Nicolas Toutain, qui rappelle que 12 à 14.000 variétés sont connues à travers le monde.
Le jeune jardinier a fait de la tomate un mètre-étalon de son art: "Sa culture est délicate, technique, elle demande du soin. Mais si vous lui en donnez, elle vous récompense" jure-t-il.
APL

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