Vice caché du bilan énergétique français : l'uranium disparaît des documents officiels !
Depuis près d’un demi-siècle, la politique énergétique de la France est
soumise à la destruction atomique - issue directement de la filière de
la bombe atomique - et la production d’électricité d’origine nucléaire :
cinquante-huit réacteurs nucléaires
répartis un peu partout en France dans dix-neuf centrales produisent
75% de la production d’électricité du pays. Au détriment du
développement de toutes les autres sources d'énergie (géothermie,
biomasse, hydraulique, houlomotrice, hydrolienne, solaire, petit-éolien,
gaz,
co-génération,...) et en portant atteinte à la santé des populations
tout en contaminant les territoires et la chaîne alimentaire. Un
document officiel tente à présent un tour de passe-passe et une
grossière manipulation technique et idéologique : le mot "uranium"
disparaît du "Bilan énergétique de la France pour 2011" (publié en
juillet 2012) .
Un réacteur nucléaire produit
de la chaleur par la combinaison de la fission et de la réaction en
chaîne dans des éléments combustibles initialement constitués d’oxyde
d’uranium. Cette production de chaleur permet de produire de la vapeur,
puis de l’électricité grâce à un turboalternateur, par un cycle
thermodynamique.
L’électricité d’origine nucléaire est ainsi produite par une centrale « thermique » tout à fait comparable dans son principe à une centrale au gaz, au fuel, au bois, à charbon. Dans ces derniers cas, la chaleur est produite par la combustion de la source, dans le cas d’un réacteur nucléaire (que l’on appelle aussi souvent « chaudière nucléaire »), elle est produite à partir de la destruction atomique (fission) dans des éléments combustibles : la matière première de la production d’électricité d’origine nucléaire est ainsi l’uranium.
L'uranium, un minerai - la source primaire du nucléaire - qui est extrait de mines à 100% implantées à l'étranger* dans des conditions épouvantables pour les populations locales et leurs territoires soumis à la contamination radioactive permanente. Il faut, par exemple, que les travailleurs africains au Niger extraient 1 tonne de minerai pour que Areva dispose de 10 kilos d'uranium brut non-encore exploitables par les centrales nucléaires. Les blocs de minerai extraits sont alors concassés, broyés, traités chimiquement, puis séparation, lavage, filtrage, séchage afin d'obtenir un concentré appelé "yellow cake" -gâteau jaune- contenant environ 75 % d'uranium qui prendra par train et bateaux (gros consommateurs d'énergie et producteurs de CO2) la direction des usines de transformation/"enrichissement" d'uranium en France (elles-mêmes grosses consommatrices d'énergie et productrices de CO2).
Le rendement d’une « tranche nucléaire » (réacteur + turboalternateur) est de 33% c'est à dire que 33 kWh d’électricité sont produits à partir de 100 kWh de chaleur produite dans le réacteur. Auquel s'ajoute une perte en ligne de 3% du fait de la centralisation de la production et des lignes Très Haute Tension (THT). Pas terrible et pas mieux que n'importe quelle autre source d'énergie mais pour un risque plus délirant, des atteintes permanentes à la santé et des déchets toxiques radioactifs pour des centaines de milliers d'années.
S'informer ou être désinformée ?
Quoi de plus naturel pour qui veut se renseigner sur ce soit-disant fleuron de l’industrie énergétique de la France que de consulter le document de référence en la matière : le "Bilan énergétique de la France pour 2011", publié en juillet 2012 dans la collection Références du Commissariat général au développement durable.
Ce document, gros de quatre-vingt-quatorze pages, fournit des informations extrêmement détaillées sur le charbon, le pétrole, le gaz naturel, les énergies renouvelables et les déchets, sources primaires de la consommation d’énergie en France. On y trouve les quantités consommées et leur évolution, les prix, les stocks, les pays de provenance, souvent de façon très détaillée, etc... Mais, ô surprise, la source primaire « uranium » ne figure pas dans cette présentation (1).
Non seulement l’uranium n’apparaît pas, mais pas non plus (pas une fois) la dénomination « réacteur nucléaire ». Quant à la « centrale nucléaire », on ne la trouve mentionnée qu’une fois, en page 84, en annexe, pour expliquer la façon dont l’électricité produite par une centrale nucléaire est comptabilisée dans le bilan énergétique. Du coup, aucune information n’est fournie sur les quantités consommées et les stocks d’uranium, les pays d’origine (la totalité est importée), les implantations des centrales sur le territoire, les activités industrielles de transformation (appelé "enrichissement") de l’uranium, de retraitement des combustibles irradiés, les quantités de déchets radioactifs et leur stockage, etc...
Que l’on se rassure : ces disparitions ne sont pas sans raison. Puisque l’on a fait disparaître la véritable source primaire (le minerai d'uranium), cela permet sans rougir de présenter la quantité de chaleur produite dans le réacteur comme une énergie primaire (2) et de la comptabiliser comme une énergie « nationale ». Le tour est joué et on nous présente un « taux d’indépendance nationale », rapport de la production nationale primaire à la consommation primaire totale, de plus de 53,5%! Mais l’uranium est totalement importé, comme l’est la quasi-totalité des trois combustibles fossiles, soit au total environ 90% de la consommation d’énergie primaire.
Par conséquent, avec la même définition du taux d’indépendance, celui-ci n’est que de 9,1%. De fait, c’est la notion même d’un « taux d’indépendance énergétique » qui est n’a guère de sens. L’utilisation d’un indicateur unique est beaucoup trop simplificatrice et l’appréciation de la sécurité énergétique doit être plus subtile, multicritère et analysée pour chaque source d’énergie et ses usages.
N'est-ce pas la preuve que l’utilisation de l’uranium est incompatible avec l'indépendance nationale, l'auto-production énergétique non-délocalisable, les choix démocratiques, le développement maîtrisé ? Sans évoquer l'essentiel : les atteintes quotidienne à la santé et à la vie.
Bernard Laponche
(1) Pour être plus exact, on ne trouve le mot « uranium » que deux fois, dans les rubriques relatives à la consommation d’électricité, où il est mentionné que la consommation d’électricité de la branche énergie comprend la « consommation nécessaire pour enrichir l’uranium » (page 41) et dans les notes de bas de page des tableaux des bilans énergétiques et électriques (page 61 et suivantes), avec la même explication. Le lecteur qui s’apercevrait de cette mention serait bien étonné de voir apparaître cet « enrichissement de l’uranium » alors qu’on ne parle pas du tout d’uranium dans tout le rapport.
(2) Et en plus appelée « électricité primaire », ce qui est une autre supercherie.
* Tel à Arlit, la mine d'uranium exploitée par la société française Areva, au Niger (Photo : AFP)
L’électricité d’origine nucléaire est ainsi produite par une centrale « thermique » tout à fait comparable dans son principe à une centrale au gaz, au fuel, au bois, à charbon. Dans ces derniers cas, la chaleur est produite par la combustion de la source, dans le cas d’un réacteur nucléaire (que l’on appelle aussi souvent « chaudière nucléaire »), elle est produite à partir de la destruction atomique (fission) dans des éléments combustibles : la matière première de la production d’électricité d’origine nucléaire est ainsi l’uranium.
L'uranium, un minerai - la source primaire du nucléaire - qui est extrait de mines à 100% implantées à l'étranger* dans des conditions épouvantables pour les populations locales et leurs territoires soumis à la contamination radioactive permanente. Il faut, par exemple, que les travailleurs africains au Niger extraient 1 tonne de minerai pour que Areva dispose de 10 kilos d'uranium brut non-encore exploitables par les centrales nucléaires. Les blocs de minerai extraits sont alors concassés, broyés, traités chimiquement, puis séparation, lavage, filtrage, séchage afin d'obtenir un concentré appelé "yellow cake" -gâteau jaune- contenant environ 75 % d'uranium qui prendra par train et bateaux (gros consommateurs d'énergie et producteurs de CO2) la direction des usines de transformation/"enrichissement" d'uranium en France (elles-mêmes grosses consommatrices d'énergie et productrices de CO2).
Le rendement d’une « tranche nucléaire » (réacteur + turboalternateur) est de 33% c'est à dire que 33 kWh d’électricité sont produits à partir de 100 kWh de chaleur produite dans le réacteur. Auquel s'ajoute une perte en ligne de 3% du fait de la centralisation de la production et des lignes Très Haute Tension (THT). Pas terrible et pas mieux que n'importe quelle autre source d'énergie mais pour un risque plus délirant, des atteintes permanentes à la santé et des déchets toxiques radioactifs pour des centaines de milliers d'années.
S'informer ou être désinformée ?
Quoi de plus naturel pour qui veut se renseigner sur ce soit-disant fleuron de l’industrie énergétique de la France que de consulter le document de référence en la matière : le "Bilan énergétique de la France pour 2011", publié en juillet 2012 dans la collection Références du Commissariat général au développement durable.
Ce document, gros de quatre-vingt-quatorze pages, fournit des informations extrêmement détaillées sur le charbon, le pétrole, le gaz naturel, les énergies renouvelables et les déchets, sources primaires de la consommation d’énergie en France. On y trouve les quantités consommées et leur évolution, les prix, les stocks, les pays de provenance, souvent de façon très détaillée, etc... Mais, ô surprise, la source primaire « uranium » ne figure pas dans cette présentation (1).
Non seulement l’uranium n’apparaît pas, mais pas non plus (pas une fois) la dénomination « réacteur nucléaire ». Quant à la « centrale nucléaire », on ne la trouve mentionnée qu’une fois, en page 84, en annexe, pour expliquer la façon dont l’électricité produite par une centrale nucléaire est comptabilisée dans le bilan énergétique. Du coup, aucune information n’est fournie sur les quantités consommées et les stocks d’uranium, les pays d’origine (la totalité est importée), les implantations des centrales sur le territoire, les activités industrielles de transformation (appelé "enrichissement") de l’uranium, de retraitement des combustibles irradiés, les quantités de déchets radioactifs et leur stockage, etc...
Que l’on se rassure : ces disparitions ne sont pas sans raison. Puisque l’on a fait disparaître la véritable source primaire (le minerai d'uranium), cela permet sans rougir de présenter la quantité de chaleur produite dans le réacteur comme une énergie primaire (2) et de la comptabiliser comme une énergie « nationale ». Le tour est joué et on nous présente un « taux d’indépendance nationale », rapport de la production nationale primaire à la consommation primaire totale, de plus de 53,5%! Mais l’uranium est totalement importé, comme l’est la quasi-totalité des trois combustibles fossiles, soit au total environ 90% de la consommation d’énergie primaire.
Par conséquent, avec la même définition du taux d’indépendance, celui-ci n’est que de 9,1%. De fait, c’est la notion même d’un « taux d’indépendance énergétique » qui est n’a guère de sens. L’utilisation d’un indicateur unique est beaucoup trop simplificatrice et l’appréciation de la sécurité énergétique doit être plus subtile, multicritère et analysée pour chaque source d’énergie et ses usages.
N'est-ce pas la preuve que l’utilisation de l’uranium est incompatible avec l'indépendance nationale, l'auto-production énergétique non-délocalisable, les choix démocratiques, le développement maîtrisé ? Sans évoquer l'essentiel : les atteintes quotidienne à la santé et à la vie.
Bernard Laponche
(1) Pour être plus exact, on ne trouve le mot « uranium » que deux fois, dans les rubriques relatives à la consommation d’électricité, où il est mentionné que la consommation d’électricité de la branche énergie comprend la « consommation nécessaire pour enrichir l’uranium » (page 41) et dans les notes de bas de page des tableaux des bilans énergétiques et électriques (page 61 et suivantes), avec la même explication. Le lecteur qui s’apercevrait de cette mention serait bien étonné de voir apparaître cet « enrichissement de l’uranium » alors qu’on ne parle pas du tout d’uranium dans tout le rapport.
(2) Et en plus appelée « électricité primaire », ce qui est une autre supercherie.
* Tel à Arlit, la mine d'uranium exploitée par la société française Areva, au Niger (Photo : AFP)
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