Nicolas Sarkozy tient un de ses thèmes de campagne : la défense de la filière nucléaire. Pour la troisième fois en huit jours, il devait s'exprimer, vendredi 25 novembre, sur ce thème lors d'un déplacement dans le Vaucluse et dans la Drôme consacré à la politique énergétique de la France.
Le président de la République a la ferme intention d'exploiter politiquement l'accord entre le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts, qui prévoit notamment la fermeture de 24 réacteurs nucléaires sur 58 en cas de victoire de la gauche en 2012.M. Sarkozy a ainsi déjà évoqué le nucléaire, le 17 novembre, à l'occasion des trois ans du Fonds stratégique d'investissement, puis, mardi 22 novembre à Toulouse, où il venait célébrer les 50 ans du Centre national d'études spatiales (CNES).
CREUSER LE FILON
"J'ai la tristesse d'entendre de plus en plus de discours remettant en cause l'idée même du progrès, avait-il alors déclaré en visant la gauche. C'est un sujet grave, car il implique un secteur industriel tout entier, des centaines de milliers d'emplois. Il doit y avoir un consensus lorsque l'intérêt de la nation est en cause."
Le candidat non déclaré à l'élection présidentielle entend continuer à creuser ce filon, convaincu que les Français sont majoritairement favorables au nucléaire, même si ce sujet ne fait pas partie de leurs principales préoccupations. Il a décidé, lundi, de modifier son programme de la semaine et de rajouter un déplacement sur ce thème vendredi.
Le chef de l'Etat devait visiter tout d'abord l'entreprise Isover Saint-Gobain à Orange (Vaucluse), où la production de laine de verre, une activité électro-intensive, est fortement dépendante de la disponibilité et du prix de l'électricité. Après une rencontre avec les salariés de l'usine, il devait ensuite se rendre à la centrale de Tricastin (Drôme) pour y rencontrer les personnels d'EDF et d'Areva et y prononcer un discours.
Toute une série d'arguments a été mise au point par l'Elysée et l'UMP pour démonter le programme de réduction progressive du nucléaire défendu par François Hollande. La majorité met d'abord en avant la destruction d'emplois qu'entraînerait, selon elle, une telle politique en pleine période de crise.
"LA CASSE D'UNE FILIÈRE"
"Plus de 200 000 emplois seraient menacés", assure Christian Jacob, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale. "Ce serait une bonne nouvelle pour Gazprom !", le géant de l'énergie russe. Et de marteler : "Les propositions de la gauche, c'est la casse d'une filière."
Pour l'entourage de M. Sarkozy, il s'agit donc de "redire l'attachement à la filière nucléaire qui est fragilisée" et aussi de rassurer les jeunes ingénieurs et le secteur de la recherche lié au nucléaire.Franck Reynier, député radical de la Drôme, estime ainsi que la fermeture de Tricastin signifierait une menace sur 8 000 à 10 000 emplois: "Toutes les familles seraient touchées, cela dépasse le clivage droite-gauche."
Pertes d'emplois mais aussi perte de marchés à l'exportation, affirme un conseiller de l'Elysée qui explique que le nucléaire est un secteur où la France est"compétitive". Autre angle d'attaque: le pouvoir d'achat. "Si l'on applique le programme PS/EE-LV, la facture d'électricité des Français augmentera de 50 %", assure-t-on à l'Elysée. "Ce serait complètement irresponsable", renchérit M.Jacob.
Troisième raison plus inattendue pour s'opposer à l'accord entre les socialistes et les écologistes : l'environnement. "On ne peut pas aller au-delà de 20 % d'énergies renouvelables, car ce serait trop coûteux, indique l'entourage du chef de l'Etat. Il faudrait avoir recours massivement à des centrales thermiques qui rejettent du CO2 dans l'atmosphère et qui sont donc dangereuses pour l'environnement."
"MARCHANDAGE"
Conscient de l'inquiétude des Français après le drame de la centrale de Fukushima en mars au Japon, la majorité répond que les efforts nécessaires seront faits pour améliorer la sécurité des centrales.
Autant d'arguments que l'UMP va relayer, notamment dans les départements accueillant des réacteurs. Le parti majoritaire a ainsi annoncé, mercredi, la préparation de tracts et d'affiches avec des slogans sans appel : "Marchandage PS-Verts sur le nucléaire : + 50 % sur votre facture d'électricité" ou "Marchandage PS-Verts sur le nucléaire : le gigantesque plan social du PS, 400 000 emplois menacés".
L'UMP estime que ce thème du nucléaire peut faire gagner à son candidat quelques points lors de l'élection présidentielle et surtout qu'il confortera les candidats aux législatives dans les circonscriptions où sont implantées des centrales. "Même ceux qui ont été élus ric-rac peuvent dormir tranquille", s'amuse un cadre du parti.
Pour Nicolas Sarkozy, le nucléaire est "l'intérêt supérieur de la France". Le "progrès" face au "retour au Moyen-Age". C'est en ces termes que Nicolas Sarkozy a posé le débat qui l'oppose à son futur adversaire socialiste à la présidentielle François Hollande sur le nucléaire. En visite à la centrale de Tricastin (Drôme), le président de la République a prononcé un long discours vendredi 25 novembre sur la politique énergétique de la France en s'en prenant très vivement, bien que sans le citer, à l'accord signé entre les socialistes et Europe écologie-Les Verts (EELV) qui porte notamment sur la fermeture de 24 réacteurs nuclaires en cas de victoire de la gauche en 2012.
"On ne va pas retourner à la bougie ?", a-t-il fait mine de s'interroger en martelant :"Devons nous être le seul pays qui tourne le dos au progrès ? Si nous tournons le dos au nucléaire, on fera le procès du spatial, de la robotique, de l'automobile. (…)Mon intention est de laisser à mes successeurs une société plus moderne." M. Sarkozy, en présence des ministres Nathalie Kosciusko-Morizet (écologie), Eric Besson (industrie) et Thierry Mariani (transports) ainsi que d'Henri Proglio, PDG d'EDF et de Luc Oursel, le nouveau patron d'Areva, s'est inscrit dans soixante-cinq ans d'histoire du nucléaire français.
"Ce choix, ce n'est pas moi qui l'ait fait, a-t-il rappelé. (…) il fait l'objet d'un consensus qui réunissait la gauche et la droite quelle que soit la famille politique qui était au pouvoir." "Ce consensus est aujourd'hui remis en cause", a-t-il constaté. Et d'ajouter : "le nucléaire n'est ni de droite ni de gauche, il est l'intérêt supérieur de la France."
Il a ainsi rendu un hommage très appuyé à l'ancien président de la République François Mitterrand comme pour mieux souligner ses divergences avec celui qui s'en réclame, M. Hollande. "Il ne faut pas oublier que 40 réacteurs sur les 58 de notre parc ont été raccordés au réseau sous les deux septennats de François Mitterrand et qu'il a lui-même engagé la construction de 13 réacteurs nucléaires. On reconnaît un homme d'Etat à sa capacité à se hisser au dessus des intérêts partisans pour l'intérêt de la France."
A plusieurs reprises, il a répété le mot "idéologie" pour qualifier les positions de la gauche. Pour M. Sarkozy, "notre parc nucléaire constitue une force économique et stratégique considérable pour la France. Le détruire aurait des conséquences dramatiques." Et d'évoquer le chiffre de 240 000 emplois supprimés : "Avons nous les moyens de détruire des centaines de milliers d'emplois en pleine crise ?"
"RISQUE D'UN MOUVEMENT MASSIF DE DÉLOCALISATIONS"
Plus tôt dans la journée, lors de la visite lors de l'entreprise Isover-Saint-Gobain à Orange (Vaucluse), il avait lancé aux ouvriers rassemblés autour de lui : "Pourquoi la France devrait renoncer à l'avantage compétitif d'une énergie moins chère ? Nous ne pouvons pas prendre le risque d'un mouvement massif de délocalisations."
Outre l'emploi, le chef de l'Etat s'est fait le défenseur du pouvoir d'achat avec une électricité deux fois moins chère selon lui qu'en Allemagne et ce, grâce au nucléaire. M. Sarkozy a également affirmé que "la filière des énergies renouvelables n'a pas vocation à venir se substituer à la filière nucléaire". Tout en rappelant les efforts effectués dans ses domaines depuis le Grenelle de l'environnement, il a souligné les limites de l'éolien et notamment de son coût (115 milliards d'euros d'investissement selon lui pour 30 000 éoliennes) ainsi que du photovoltaique "qui représente 5 à 10 fois le coût de production de l'énergie nucléaire".
Le président de la République a ensuite insisté sur la facture écologique de l'abandon du nucléaire à cause du recours nécessaire aux centrales thermiques polluantes "les énergies renouvelables étant par nature, intermittentes". Et de s'amuser : "Et oui, la nuit, il n'y a pas de soleil." Pas sûr que cela fasse rire les écologistes.
Vanessa Schneider
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