En
quoi la Montagne est-elle un territoire particulièrement intéressant
pour une écologiste ? Les enjeux sont immenses : pression foncière,
gestion des espages protégés, agriculture à forte valeur ajoutée ....
Les canons à neige, c'est comme avec le nucléaire : on fonce
Canons ou « enneigeurs » ? Derrière la bataille des mots, la réalité
est surtout que la plupart des pistes se sont couvertes de ces
dispositifs censés permettre de passer les mauvaises périodes et qui
deviennent par moment la principale source de neige pour nombre de
stations.
A quel coût ? Avec quels risques ? Premier point sur ce système très industrialisé, à partir des résultats 2010-2011 que publie l’Observatoire neige de culture (préfecture de la Savoie).
Je vous le disais, actuellement dans les Alpes du Nord, il y a de la neige et elle est très bonne, très douce. Pas partout avec la même épaisseur, mais quand même. Un anticyclone installé depuis une petite semaine et des températures sibériennes (- 12°C dimanche matin vers 9 heures aux Gets, Haute-Savoie), permettent à la neige de se stabiliser et aux professionnels du damage de créer des conditions de glisse exceptionnelles (j’y reviendrai un de ces jours !).
Dans les Pyrénées, à basse altitude, ce n’est pas la même chose, comme l’annonce La Dépêche, « les petites stations souffrent “. Même si, comme au Mourtis, un lourd investissement avait été réalisé sur une installation de ‘neige de culture’. A lire d’ailleurs, le suivi quotidien des conditions d’enneigement par le gardien du gîte de l’Isard…
Les mots ont un sens. On disait ‘ canons à neige ’, certains voudraient qu’on dise désormais ‘ enneigeurs ’. C’est plus noble. On pense moins à la guerre, ou à l’industrie qui est derrière. Mais l’activité est la même. A partir d’eau sous pression et d’air comprimé, et par temps froid (température inférieure à 0°C) on fabrique de la neige, dite ‘ de culture ’, ou artificielle – selon la manière dont on voit les choses.
L’an dernier, alors qu’il n’y avait pas un gramme de neige naturelle tombée du ciel, j’ai même vu deux stations de Haute-Savoie faire une pub sur l’arrivée de ‘ neige fraîche ’… Un peu gonflé, tout de même ! En tout cas une manière habile de leurrer le skieur.
Une retenue collinaire est une sorte de barrage d’altitude (les retenues sont d’ailleurs classées en barrages). Autrement dit, un petit lac creusé dans la montagne, totalement étanchéifié’ par des bâches, et destiné à accumuler de l’eau pendant toute la belle saison pour la restituer de novembre à la fin de la saison de ski (mars), si besoin.
Ce qui n’empêche pas de la remplir plusieurs fois en hiver, quand elle est vide. Pour ce faire, les exploitants doivent respecter des réglementations et notamment ne pas pomper dans un torrent en dessous d’un débit (dit réservé, qui permet à la faune et la flore de subsister). Mais le contrôle est impossible à mettre en place. L’hiver dernier en Savoie, seuls six contrôles (sur 37 retenues collinaires) ont pu être pratiqués et deux étaient non conformes !
Les départements de Savoie et Haute-Savoie comptent au total plus de 100 retenues collinaires. Le volume moyen d’une retenue se situe autour de 60 000 m³. Mais ce chiffre aussi est en constante augmentation. La plus grosse, aux Arcs (l’Adret des Tuffes), retient 404 000 m³ d’eau !
D’où vient l’eau ? Dans le cas des deux départements de la Savoie et Haute-Savoie, comme le montre l’Observatoire de la neige de culture et pour la saison dernière :
Pour les retenues collinaires, on compte entre 20 et 30 euros par m³ de capacité de stockage (2008). Soit par exemple, jusqu’à 1,8 million d’euros pour une retenue de 60 000 m³. Vu le prix de ces machines et de leur maintenance, les investissements (hors retenues collinaires, à savoir le système de canons, de tuyaux et l’usine de gestion, plus le terrassement) représentent environ 150 à 200 000 euros par hectare enneigé. Tout cela fait beaucoup. On peut compter que sur un forfait de 20 euros, plus de 2 euros correspondent au coût de la production de la neige de culture… Et à ces coûts s’ajoutent bien d’autres, comme les travaux de sécurisation, d’aménagement et d’entretien des pistes de ski.
Et encore faudrait-il ajouter les coûts externes, liés aux impacts sur l’environnement, du modèle actuel. Il y aurait beaucoup à dire sur la neige dite de culture, notamment. Je reviendrai, dans un prochain billet, sur une question essentielle et souvent passée sous silence : les impacts de ces équipements et de cette ponction sur l’environnement et les bassins versants.
Aujourd’hui, avec les rustines, on a fait la chambre à air ! C’est un système qui est compris dans le business de la neige. Il faut limiter le risque de manque de neige, alors on fabrique la sous-couche de neige dès novembre sur la plus grande partie du domaine de ski. Sauf quand, comme cette année, il fait trop chaud : au-dessus de 0° C, les canons ne peuvent pas produire de neige. Alors, la panique s’empare des exploitants…
Au fond, c’est un peu comme avec le nucléaire. On est dans un système et on fonce, quels que soient les signaux extérieurs : dérèglement climatique, ressource en eau et risques économiques... Et on assure qu’il n’y a pas d’autre solution. En refusant de s’interroger sur le sens et la finalité de ce que l’on fait.
A quel coût ? Avec quels risques ? Premier point sur ce système très industrialisé, à partir des résultats 2010-2011 que publie l’Observatoire neige de culture (préfecture de la Savoie).
Je vous le disais, actuellement dans les Alpes du Nord, il y a de la neige et elle est très bonne, très douce. Pas partout avec la même épaisseur, mais quand même. Un anticyclone installé depuis une petite semaine et des températures sibériennes (- 12°C dimanche matin vers 9 heures aux Gets, Haute-Savoie), permettent à la neige de se stabiliser et aux professionnels du damage de créer des conditions de glisse exceptionnelles (j’y reviendrai un de ces jours !).
Dans les Pyrénées, à basse altitude, ce n’est pas la même chose, comme l’annonce La Dépêche, « les petites stations souffrent “. Même si, comme au Mourtis, un lourd investissement avait été réalisé sur une installation de ‘neige de culture’. A lire d’ailleurs, le suivi quotidien des conditions d’enneigement par le gardien du gîte de l’Isard…
On skie de plus en plus sur neige artificielle
Ce qui me donne l’occasion de faire un premier éclairage sur ce fameux dossier de la neige de culture… Et d’abord sur ces fameux canons que les skieurs résidant près des pistes entendent dans la nuit, entourés d’une brume légère formée de gouttelettes. C’est lorsque les températures ont baissé qu’ils crachent l’eau brumisée sur les domaines skiables. On skie de plus en plus sur de la neige artificielle. Et on dort en entendant, au loin, le son du canon, qui siffle et souffle. Pendant que les touristes dorment, les exploitants préparent le théâtre des opérations pour le lendemain : neige étincelante et lourde, pour le confort de tous.Les mots ont un sens. On disait ‘ canons à neige ’, certains voudraient qu’on dise désormais ‘ enneigeurs ’. C’est plus noble. On pense moins à la guerre, ou à l’industrie qui est derrière. Mais l’activité est la même. A partir d’eau sous pression et d’air comprimé, et par temps froid (température inférieure à 0°C) on fabrique de la neige, dite ‘ de culture ’, ou artificielle – selon la manière dont on voit les choses.
L’an dernier, alors qu’il n’y avait pas un gramme de neige naturelle tombée du ciel, j’ai même vu deux stations de Haute-Savoie faire une pub sur l’arrivée de ‘ neige fraîche ’… Un peu gonflé, tout de même ! En tout cas une manière habile de leurrer le skieur.
Plus dense, la neige de culture érode plus
Evidemment, les plus prosélytes sont les opérateurs ; et particulièrement Domaines skiables de France (le syndicat des exploitants de remontées mécaniques), qui a dédié un bout de site web – ‘la montagne en mouvement – à l’explication de ce qu’est la neige de culture. En oubliant d’évoquer les impacts du système sur l’environnement, ou d’expliquer les risques économiques liés au développement de ces machines un peu partout sur le domaine skiable national.- 3 canons à l’hectare (ha), c’est à peu près la moyenne, pour les pistes, en France. Avec des technologies différentes. En 2008, on comptait environ 15 000 enneigeurs haute pression (sur perches) et 1 100 basse pression (ventilateurs) ;
- toujours en 2008, l’enneigement artificiel couvrait 5 300 ha, soit près de 20% du domaine skiable français. Mais ce chiffre est en constante augmentation. En 2010-2011, la préfecture de Savoie évalue à quelque 2 000 ha enneigés pour la Savoie, soit près de 27% du domaine savoyard. Les opérateurs se dédouanent en avançant que l’Autriche en est à 40%, les Dolomites (Italie) à 80%, les Etats-Unis, de 85 à 100%... Mais la Suisse n’est qu’à 12% !
- côté glisse, neige naturelle, contre neige de culture, on nous dit que c’est à peu près la même chose. Eh bien non ! Il y a une différence notable de densité entre les deux. Alors que la neige naturelle est légère (entre 50 et 100 kg/m³), la neige de culture est cinq à dix fois plus dense (400 à 500 kg/m³). Sur le sol, la neige de culture reste plus longtemps et entraîne plus d’érosion.
Des retenues alimentées par de l’eau potable
Il faut 1 m³ d’eau pour fabriquer 2 m³ de neige, ce qui, pour un hectare de neige fabriquée sur une épaisseur moyenne de 60 cm, nécessite 4 000 m³ d’eau, soit un peu moins de deux piscines olympiques à l’hectare ! Et cette demande augmente avec le nombre d’installations qui se déploient et le manteau de neige fabriqué qui lui aussi s’épaissit (en moyenne 70 cm l’hiver dernier).Une retenue collinaire est une sorte de barrage d’altitude (les retenues sont d’ailleurs classées en barrages). Autrement dit, un petit lac creusé dans la montagne, totalement étanchéifié’ par des bâches, et destiné à accumuler de l’eau pendant toute la belle saison pour la restituer de novembre à la fin de la saison de ski (mars), si besoin.
Ce qui n’empêche pas de la remplir plusieurs fois en hiver, quand elle est vide. Pour ce faire, les exploitants doivent respecter des réglementations et notamment ne pas pomper dans un torrent en dessous d’un débit (dit réservé, qui permet à la faune et la flore de subsister). Mais le contrôle est impossible à mettre en place. L’hiver dernier en Savoie, seuls six contrôles (sur 37 retenues collinaires) ont pu être pratiqués et deux étaient non conformes !
Les départements de Savoie et Haute-Savoie comptent au total plus de 100 retenues collinaires. Le volume moyen d’une retenue se situe autour de 60 000 m³. Mais ce chiffre aussi est en constante augmentation. La plus grosse, aux Arcs (l’Adret des Tuffes), retient 404 000 m³ d’eau !
D’où vient l’eau ? Dans le cas des deux départements de la Savoie et Haute-Savoie, comme le montre l’Observatoire de la neige de culture et pour la saison dernière :
- directement des cours d’eau pour 23% ;
- des cours d’eau, via une retenue collinaire, pour 28% ;
- du réseau d’eau potable directement, pour 3% ;
- du réseau d’eau potable via une retenue pour 24% !
- d’autres sources comme le ruissellement via retenue, marginale, ou l’hydro-électricité, directement ou via une retenue pour 21%...
Deux euros au moins, sur le forfait à 20 euros
La part du prix lié à l’activité d’enneigement artificiel progresse dans le bilan des stations. Logique, puisqu’il y a plus de canons et plus d’utilisation. Le coût moyen de production de neige de culture est estimé de l’ordre de 0,80 euro/m³, soit environ 5 600 euros l’hectare pour 70 cm d’épaisseur de neige (énergie, frais de personnel, entretien compris – 2008).Pour les retenues collinaires, on compte entre 20 et 30 euros par m³ de capacité de stockage (2008). Soit par exemple, jusqu’à 1,8 million d’euros pour une retenue de 60 000 m³. Vu le prix de ces machines et de leur maintenance, les investissements (hors retenues collinaires, à savoir le système de canons, de tuyaux et l’usine de gestion, plus le terrassement) représentent environ 150 à 200 000 euros par hectare enneigé. Tout cela fait beaucoup. On peut compter que sur un forfait de 20 euros, plus de 2 euros correspondent au coût de la production de la neige de culture… Et à ces coûts s’ajoutent bien d’autres, comme les travaux de sécurisation, d’aménagement et d’entretien des pistes de ski.
Et encore faudrait-il ajouter les coûts externes, liés aux impacts sur l’environnement, du modèle actuel. Il y aurait beaucoup à dire sur la neige dite de culture, notamment. Je reviendrai, dans un prochain billet, sur une question essentielle et souvent passée sous silence : les impacts de ces équipements et de cette ponction sur l’environnement et les bassins versants.
Avec les rustines, on a fait la chambre à air !
Juste pour finir deux remarques. Au début, dans les années 80 en France, les exploitants assuraient que les canons allaient surtout permettre de mettre quelques ‘ rustines ’, à arranger ici une piste trop exposée au Sud, et là permettre un retour vers la station.Aujourd’hui, avec les rustines, on a fait la chambre à air ! C’est un système qui est compris dans le business de la neige. Il faut limiter le risque de manque de neige, alors on fabrique la sous-couche de neige dès novembre sur la plus grande partie du domaine de ski. Sauf quand, comme cette année, il fait trop chaud : au-dessus de 0° C, les canons ne peuvent pas produire de neige. Alors, la panique s’empare des exploitants…
Au fond, c’est un peu comme avec le nucléaire. On est dans un système et on fonce, quels que soient les signaux extérieurs : dérèglement climatique, ressource en eau et risques économiques... Et on assure qu’il n’y a pas d’autre solution. En refusant de s’interroger sur le sens et la finalité de ce que l’on fait.
ClaudeComet
Aller plus loin
- Sur ladocumentationfrancaise.fr"Neige de culture, état des lieux", rapport du CGEDD, juin 2009
- Sur gouv.fr"Gestion durable des territoires de montagne - la neige de culture en Savoie, Haute-Savoie", préfecture de Savoie, 2009
- Sur mountainwilderness.frLes canons à l’assaut des cimes, novembre 2010
- Sur archives-ouvertes.fr"Gestion durable de l'eau en montagne : le cas de la production de neige en stations de sports d'hiver", thèse de Pierre Paccard, novembre 2010
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