Evgenia Chirikova, l’étoile verte de Russie
Evgenia
Chirikova vient de rafler le "Nobel de l'écologie" pour sa lutte
contre le chantier autoroutier Moscou - Saint-Petersbourg. Portrait.
L’écologiste russe, Evguénia Tchirikova, à
l’honneur
Evguénia Tchirikova, héroïne de la lutte
écolo-citoyenne pour la défense de la forêt de Khimki (lutte que nous avons
soutenue), qui était venue rendre
visite aux Verts lors de leurs journées d’été 2010 et
dont nous avons relaté l’arrestation lors d’une manifestation pour la
démocratie à Moscou est à nouveau en lumière.
Elle vient en effet de recevoir le « Goldman
Prize » (une sorte de prix Nobel de l’Écologie), pour son combat contre le
chantier autoroutier Moscou-Saint Petersbourg à travers la forêt de Khimki.
« (…) Le vert n'avait pourtant rien d'une
vocation pour cette trentenaire apolitique. Au début des années 2000,
cette ingénieure quitte Moscou pour Khimki. Une banlieue noyée dans la forêt, où
elle espère couler une vie paisible au milieu de la chlorophylle avec
ses deux enfants.
Raté.
Elle apprend bientôt que les quatre voies de l'autoroute
Moscou-Saint-Petersbourg vont tronçonner son petit paradis. Elle s'indigne.
Interroge les organismes gouvernementaux. Réponse sans appel: "Poutine a
conçu le projet, il est donc légal".
Pas
tout à fait convaincue, Evgenia Chirikova se plonge dans le dossier.
Qu'elle découvre "opaque" et "complexe". Certains aspects
la gênent, comme ce maître d'œuvre français, le constructeur Vinci, qui apporte
une grande part de l'investissement en échange d'un droit d'exploitation de 30
ans.
D'autres
la choquent franchement. Notamment la présence, parmi les actionnaires, de
personnalités proches du pouvoir comme cet ancien entraîneur de judo de
Vladimir Poutine. Ou ceux dont on ignore les noms mais dont on sait les comptes
basés aux îles Caïmans.
Chaque
découverte l'entraîne un peu plus en avant. Et rassemble un peu plus autour
d'elle. Seule au départ face au "système Poutine", Evgenia Chirikova
devient peu à peu chef de bande. Autour d'elle se fédère une troupe hétéroclite
de révoltés et indignés de tous bords. Ecologistes bien sûr, mais aussi
libéraux, anarchistes et même nationalistes ! Ils plantent des tentes dans la forêt
de Khimki. Et sont derrière Evgenia lorsqu'elle se dresse -littéralement-
devant les bulldozers. L'ingénieur se découvre une âme de militante.
(Photo :
Alexis Prokpiev et Evguénia Tchirikova
le 2 mai 2011 à Paris pour protester contre Vinci).
Evgenia
Chirikova est « passionnée, combative, stakhanoviste, décrit son ami
Alexis Prokopiev. Mais l'entêtement sera toujours de l'autre côté ». A
l'été 2010, des hooligans masqués, des croix gammées tatoués sur les bras
déferlent sur le camp. Rouant de coups les militants. L'un des sous-traitants
de Vinci, las des retards causés par les trublions verts avouera dans la presse
les avoir envoyés. Il ne sera jamais inquiété.
A
l'occasion d'une conférence de presse organisée quelques jours plus tard pour
dénoncer ces violences, Evgenia est, une fois de plus, arrêtée. Mais ne baisse
pas les bras. Réclame le dialogue. Réalise, avec Greenpeace, une "étude
d'impact" du projet autoroutier. Et suggère finalement onze itinéraires
alternatifs, tous plus respectueux de l'environnement et moins chers.
Le
Kremlin n'en a cure. Et préfère lui envoyer par précaution les services sociaux.
"Ils m’ont menacé de me retirer mes enfants, se souvient-elle, et j’ai
alors pensé à quitter la Russie". Elle n'en fera rien. Même si le prix
qu’elle vient d’obtenir n’a pas fait dévier la trajectoire de l’autoroute d’un
pouce. Et que les grumes des bouleaux jonchent désormais le tracé dessiné en
haut lieu. (…) »
Nul
doute que ce prix va permettre à Evguénia Tchirikova d’accentuer son engagement
pour l’écologie et la démocratie en Russie.
Pierre Mathon
(Photo2 : Evgenia
Chirikova vient de rafler le "Nobel de l'écologie" pour sa lutte
contre le chantier autoroutier Moscou - Saint-Petersbourg).
Evgenia Chirikova vient
d'être couronnée du "Goldman Prize", surnommé Prix Nobel de
l’écologie. Le vert n'avait pourtant rien d'une vocation pour cette trentenaire
apolitique. Au début des années 2000, cette ingénieure quitte Moscou pour
Khimki. Une banlieue noyée dans la forêt, où elle espère couler une vie
paisible au milieu de la chlorophylle avec ses deux enfants.
Raté. Elle apprend bientôt
que les quatre voies de l'autoroute Moscou-Saint-Petersbourg vont tronçonner
son petit paradis. Elle s'indigne. Interroge les organismes gouvernementaux.
Réponse sans appel: "Poutine a conçu le projet, il est donc légal".
Enquêtrice autodidacte
Pas tout à fait convaincue,
Evgenia Chirikova se plonge dans le dossier. Qu'elle découvre
"opaque" et "complexe". Certains aspects la gènent, comme
ce maître d'œuvre français, le constructeur Vinci, qui apporte une grande part
de l'investissement en échange d'un droit d'exploitation de 30 ans.
D'autres la choquent
franchement. Notamment la présence, parmi les actionnaires, de
personnalités proches du pouvoir comme cet ancien entraîneur de judo de
Vladimir Poutine. Ou ceux dont on ignore les noms mais dont on sait les comptes
basés aux îles Caïmans.
Chaque découverte
l'entraîne un peu plus en avant. Et rassemble un peu plus autour d'elle. Seule
au départ face au "système Poutine", Evgenia Chirikova devient peu à
peu chef de bande. Autour d'elle se fédère une troupe hétéroclite de révoltés
et indignés de tous bords. Ecologistes bien sûr, mais aussi libéraux,
anarchistes, communistes et même nationalistes ! Ils plantent des tentes dans
la forêt de Khimki. Et sont derrière Evgenia lorsqu'elle se dresse
-littéralement- devant les bulldozers. L'ingénieur se découvre un âme de
militante.
"Nasha Niva" le
premier parti d'écologie politique de Russie
Evgenia Chirikova est
"passionnée, combative, stakhanoviste, décrit son ami Alexis Prokopiev.
Mais l'entêtement sera toujours de l'autre côté". A l'été 2010, des
hooligans masqués, des croix gammés tatoués sur les bras déferlent sur le camp.
Rouant de coups les militants. L'un des sous-traitants de Vinci, las des
retards causés par les trublions verts avouera dans la presse les avoirs
envoyé. Il ne sera jamais inquiété.
A l'occasion d'une
conférence de presse organisée quelques jours plus tard pour dénoncer ces
violences, Evgenia est, une fois de plus, arrêtée. Mais ne baisse pas les bras.
Réclame le dialogue. Réalise, avec Greenpeace, une "étude d'impact"
du projet autoroutier. Et suggère finalement onze itinéraires alternatifs, tous
plus respectueux de l'environnement et moins chers.
Le Kremlin n'en a cure. Et
préfère lui envoyer par précaution les services sociaux. "Ils m’ont menacé
de me retirer mes enfants, se souvient-elle, et j’ai alors pensé à quitter la
Russie". Elle n'en fera rien. Même si le prix qu’elle vient d’obtenir n’a
pas fait dévier la trajectoire de l’autoroute d’un pouce. Et que les grumes des
bouleaux jonchent désormais le tracé dessiné en haut lieu.
Mais tout n'est pas perdu.
Ce combat lui a permis de faire entrer l’écologie politique dans le débat
politique russe. En février, dernier Evgenia Chirikova était même à la tête des
grandes manifestations fleuves anti-Poutine. Prochaine étape ? La création de
la première formation politique écologique de Russie. Elle a déjà un nom :
Nasha Niva. "Notre terre".
Mathieu Molard
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