Prophétie maya et fin d’un monde
Lectrices, lecteurs,
profitez goulûment de chaque rayon de soleil de cet été pluvieux puisque la fin
du monde nous attend le 21 décembre
prochain, si l’on en croit les adeptes de la prophétie maya. Qui fait des
ravages sur Internet, chez les jeunes et les moins jeunes, qui sont fort
nombreux à se laisser tenter par les vertiges de l’apocalypse.
Quel crédit faut-il
accorder à cet oracle? Aucun, évidemment, si l’on est rationnel et raisonnable.
Beaucoup, si l’on privilégie au contraire l’approche intuitive, symbolique,
allégorique, sensible des choses.
Tout dépend en effet de la
façon d’interpréter ce genre de prédiction. La fin du monde n’aura évidemment
pas lieu le 21.12.2012 et nous serons encore tous là le 22 décembre pour affronter les frimas de l’hiver. De
la même manière que la civilisation romaine ne s’est pas effondrée subitement
un beau jour de 476 avec la déposition du dernier empereur, Romulus Augustule,
par le wisigoth Odoacre: elle s’était déjà affaiblie bien avant et s’est
prolongée longtemps après, à travers la survivance du latin, du droit romain et
de l’empire d’Orient.
Littéralement donc, cette
prophétie est absurde. Mais au sens figuré, elle est au contraire très
signifiante. Elle nous parle d’une angoisse, qui étreint plus ou moins les gens
confrontés aux changements brutaux imposés par l’époque. Elle renseigne sur
l’état d’esprit d’une population menacée par la crise économique, l’insécurité
de l’emploi et l’instabilité de sa position dans la machine sociale. Elle
exprime le vide spirituel et émotionnel d’êtres humains connectés en permanence
sur face book mais privés de relations à l’autre.
Et elle objective une
intuition que nous ressentons tous confusément sans oser le dire, par peur
d’être moqué, à savoir que nous assistons à la fin d’un monde, celui qui nous
est familier et auquel nous sommes attachés par habitude, bien qu’il nous en
fasse voir de toutes les couleurs, et que nous chérissons donc plus que tout,
faute de pouvoir imaginer celui qui pourrait le remplacer.
Vue sous cet angle, la
prophétie maya doit donc être prise avec le plus grand sérieux. De même que
toutes celles et tous ceux qui s’en font les analystes et les interprètes, soit
les économistes critiques qui pronostiquent la fin du libéralisme, et les
environnementalistes, qui, du Club de Rome à Nicolas Hulot et Al Gore,
prédisent l’extinction du capitalisme par épuisement progressif des ressources
végétales, énergétiques et minières de la planète. Et dans ce registre-là, ce
sont des milliers d’auteurs sérieux, d’universitaires très rationnels,
d’académiciens prestigieux, même s’ils sont taxés d’idéalisme par leurs
collègues prétendus réalistes, qui abondent dans le sens de la prophétie maya:
la fin du monde peut être exclue, mais pas la fin d’un monde, celui que nous
connaissons.
L’empire romain, comme
l’empire maya du reste, ont commencé à décliner au faîte de leur gloire, au
sommet de leur expansion territoriale, quand ils n’ont plus été nourris par
l’apport de main d’œuvre extérieure à bas prix (les esclaves) et la conquête de
nouveaux marchés pour assurer des débouchés à leurs industries, et par le
tarissement de leurs ressources. Il en ira de même de la civilisation actuelle,
qui a conquis toute la planète et qui déclinera quand elle aura exploité ses
ultimes ressources et ses derniers marchés.
Pour nourrir cette
réflexion stimulante et nullement catastrophiste, je vous renvoie donc au
dernier livre de Patrick Viveret (La cause humaine. Du bon usage de la fin d’un
monde, Les liens qui libèrent, 2012), préfacé par Edgar Morin. Et je vous invite à
participer aux conférences du prochain festival francophone de philosophie qui
se déroulera à Saint-Maurice les 7 et 8septembre prochain sur le thème «La
catastrophe, une chance?» Bon été!
Guy Mettan
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