Croissez et polluez
Le sommet de Rio + 20
n'est pas seulement décevant du point écologique. Il l'est aussi du point de
vue des droits des femmes. Sous pression du Vatican, de plusieurs pays
d'Amérique latine, de la Russie, de l'Egypte et - c'est une première - du
Canada, le paragraphe qui prévoyait de reconnaître le droit de se reproduire ou
non a été retiré. Les hommes du Vatican, si concernés, s'en félicitent.
Selon Radio Vatican, le
Saint-Siège préconise pourtant "un renforcement de l'alliance entre les
hommes et leur environnement", ainsi qu'un "changement des
modèles de production et de consommation". Il insiste sur le fait que
le "droit au développement" et au "bien-étre social" soit
lié "à la dignité de l'homme"... Moins à celle des femmes.
Conformément à sa doctrine, le Vatican considère que la "famille
humaine" est en danger, tout en proposant des solutions qui la mettent
en danger : Faire toujours plus d'enfants, peupler la terre de millions de
consommateurs supplémentaires, de femmes privées du droit de maîtriser le
moment de donner naissance, de familles où l'absence de ce choix crée
des rapports de forces asymétriques donc moins épanouies. Bref, un monde
toujours plus peuplé, toujours plus pollué, toujours plus inégalitaire et
toujours plus injuste.
Trop occupés à gâter le
"printemps démocratique", les gouvernements de l'Organisation de la
conférence islamique étaient moins actifs qu'à l'accoutumée mais représentés
tout de même par l’Égypte. Depuis la conférence du Caire sur "la
population et le développement", en 1994, le pays vient prêter main-forte
au Vatican pourfaire reculer les droits des femmes et crier à l'"impérialisme contraceptif" contre
tout projet de planification familiale. Avec le succès que l'on sait en Égypte,
où aucun programme de ce nom n'a jamais été appliqué et où 1 million
d'habitants viennent s'ajouter tous les neuf mois à une population qui compte déjà 15
millions de pauvres. La surpopulation et la crise du logement sont telles que
certains Égyptiens en sont réduits à dormir dans les cimetières, à pousser les morts pour se loger dans leurs tombes.
Le nouveau président
islamiste, Mohamed Morsi , ne risque pas de changer de cap, bien au contraire. L'une de ses premières
déclarations a été d'encourager les femmes égyptiennes à faire plus d'enfants... C'est dire si l'alliance entre pays conservateurs et patriarcaux
n'est pas éteinte. Surtout si le gouvernement canadien - sous l'influence
d'ultralibéraux protestants proches de la droite religieuse américaine - se
joint au club.
La seule lueur d'espoir
semble venir du renouvellement des élites politiques, plus féministes
qu'avant, dans certains pays d'Amérique latine, malgré l'avancée des Églises
évangélistes. Dilma Rousseff, la présidente du Brésil,, s'est jointe aux inquiétudes
d'Hillary Clinton pour déplorer l'absence de ce paragraphe et réaffirmer
l'importance des "droits reproductifs". Un recul qui préoccupe
aussi le gouvernement français, qui compte pour la première fois plus de femmes
que d'hommes. Il faudra bien cette vigilance pour tenir tête à ceux qui veulent
protéger la planète sur le dos des femmes, ou plutôt sur leurs ventres.
Caroline Fourest
Essayiste et journaliste, rédactrice en chef de la
revue "ProChoix", Caroline Fourest est l'auteure notamment de
"La Dernière Utopie" (Grasset 2009) et de "Libres de le
dire" avec Taslima Nasreen (Flammarion 2010).
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