Pourquoi les cancers se développent-ils ?
Mina Bissell est venue partager ses 35 ans recherche sur le cancer, 35 années de travail autour d'une même question : qu’est-ce qui fait que les cancers se développent ? Sa réponse : leurs interactions avec leur micro-environnement. Elle n'a pas été la première à en avoir l'intuition mais la première à le prouver. A la conférence TEDGlobal, elle a raconté son expérimentation.
D’une cellule unique, nous nous développons pour en former entre 10 et 70 milliards, « chacune avec la même information génétique ». La théorie dominante en cancérologie veut qu’ « il suffit d’un oncogène (gène mutant, cancérigène) dans une seule cellule pour déclencher un cancer ». Selon Mina Bissel, cette explication n’a jamais tenu debout. Si c’était exact, chaque cellule maligne de notre corps se transformerait en tumeur et « nous serions tous de gros amas cancéreux ».
Pour sa démonstration, Mina Bissel est partie d'une tumeur maligne affectant les poulets. Les chercheurs tracent son origine à un seul gène, transmis par le premier virus à avoir été identifié comme oncogène, en 1911. Les scientifiques de son laboratoire ont marqué ce gène et constaté que lorsqu’il était injecté dans des poulets sains, ceux-ci développaient un cancer, mais s’il était injecté dans des embryons, le cancer ne se développait pas. Pourquoi cette différence ? Pour Mina Bissell, cette découverte prouve que « le micro-environnement dans lequel se développe le cancer domine le gène cancérigène lui-même ».
Pour aller plus loin, Mona Bissell et son équipe ont étudié l’acinus, l’unité de base d’une glande mammaire. Ils en ont extrait les cellules épithéliales (celles qui produisent le lait) pour les disposer dans une boîte de Pétri. En moins de trois jours, ces cellules s’étaient complètement transformées. Elles n’étaient plus fonctionnelles, s’étaient distordues et avaient arrêté de produire du lait. Autre chose autour d’elles, une chose qui faisait partie de leur micro-environnement, était également nécessaire à la production de lait.
Ils procédèrent alors à une section de la glande mammaire pour étudier les parties autour de l’acinus, qui jusque-là n’avaient été considérées que comme de simples éléments d’échafaudage, de simples supports pour ces cellules « importantes ». Peut-être que cet échafaudage émettait aussi des signaux. Ils firent donc pousser des cellules épithéliales à proximité de l’échafaudage et celles-ci se mirent de nouveau à produire du lait, démontrant ainsi l’importance du contexte.
Elle s’est ensuite attaquée à l’envers sa théorie : “Si les tissus architecturaux et le contexte font partie du message, alors des cellules tumorales avec un génome anormal devraient pouvoir redevenir normales lorsqu’on les cultive dans un micro-environnement sain ». Avec ses étudiants, elle a mis cette hypothèse à l’épreuve en utilisant des cellules malignes qu’ils ont fait pousser sur un échafaudage sain. Ils ont ainsi montré qu’ils pouvaient rendre normales des cellules qui ne l’étaient pas. Ils pouvaient même injecter ces cellules dans des souris sans qu’elles ne développent de tumeurs, contrairement aux cellules malignes qui, elles, déclenchaient des cancers. Ce qui montre, selon Bissell, qu’il existe une autre façon de considérer le cancer, dans laquelle les gènes des cellules cancéreuses sont régulées par leur environnement.
Ses découvertes ont été accueillies froidement. Missel s'est souvenue d'Einstein : « une idée qui n’apparaît pas folle de prime abord n’a aucun avenir ». Après avoir rendu hommage à son équipe, elle a conclu sur un conseil pour les chercheurs : “ne soyez pas arrogants, car l’arrogance tue la curiosité ».
Auteur: Ben Lillie
Traductrice: Carla Lavaste
Photos: James Duncan Davidson
lbl.gov/LBL-Programes/lifesciences/BissellLab/main.html
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