L'association Kokopelli
fait éclater sa colère suite à la décision de la Cour de justice de l'UE du 12
juillet dernier. La juridiction européenne, allant à l'encontre des conclusions
de l'avocat général, a en effet validé la législation européenne actuelle sur
la commercialisation des semences. "Ce changement de cap absolu ne
manque pas de nous surprendre et de nous interroger", s'indigne
l'association.
"Toute
puissance du paradigme productiviste"
L'expression
"productivité agricole accrue", "utilisée 15 fois dans la
décision de la Cour", consacre selon l'association "la toute
puissance du paradigme productiviste". La biodiversité "peut
donc être valablement sacrifiée sur l'autel de la productivité",
fulmine-t-elle.
"De plus, cette
biodiversité, qui a nourri les populations européennes pendant les siècles
passés, est l'objet de la plus grande suspicion. La Cour va ainsi jusqu'a
écrire, par deux fois, que la législation permet d'éviter "la mise en terre
de semences potentiellement nuisibles" !", ajoute l'ONG qui
qualifie cette remarque de "choquante" et "erronée".
Quant aux dérogations
"supposément introduites" par la directive 2009/145 pour les
variétés anciennes, il s'agirait d'un "véritable leurre"
confirmé par l'impossibilité pour plusieurs organisations européennes
d'inscrire certaines semences au catalogue officiel.
"Agriculture
chimique mortifère"
"Avec cette
décision, les masques tombent : la Cour de l'Union européenne est, elle aussi,
au service de l'agriculture chimique mortifère et de son idéologie corruptrice",
redouble Kokopelli, qui fait part de sa vive inquiétude sur la réforme générale
en cours de la législation sur le commerce des semences. L'Association
européenne des semences (ESA), qui se félicite de son côté de la décision de la
Cour, confirme que "la décision intervient à un moment très important".
Ainsi, se réjouit son secrétaire général, Garlich von Essen, "la
Commission avait besoin de cette confirmation juridique de la Cour au moment où
elle finalise sa proposition législative de révision de la législation
européenne sur le commerce des semences".
Kokopelli demande dans un
premier temps au gouvernement français de retirer son mandat à Madame
Clément-Nissou, collaboratrice du GNIS,
chargée par le ministère de l'Agriculture de représenter la France auprès de la
Commission afin de rédiger la proposition législative. L'association réclame,
sur le fond, que les semences anciennes et nouvelles appartenant au domaine
public et librement reproductibles sortent du champ d'application de la
législation sur le commerce des semences.
"Il n'existe pas
de catalogue officiel obligatoire pour les clous et les boulons. Il n'y a pas
de raison de soumettre les semences à une procédure préalable de mise sur le
marché, comme les pesticides ou les médicaments, pour les cataloguer dans un
registre", s'indigne l'ONG, selon laquelle "des objectifs de
qualité et de loyauté dans les échanges commerciaux peuvent être aisément
atteints par un règlement de base fixant des critères minimums en termes de
qualité sanitaire, faculté germinative, pureté variétale et pureté spécifique".
Pour mémoire :
Semences : la CJUE rend une décision défavorable
aux vendeurs de variétés anciennes
Les directives européennes
sur la commercialisation des semences sont valides, estime la CJUE. Une
mauvaise nouvelle pour les défenseurs de variétés anciennes non homologuées.
Par une décision rendue le
12 juillet, la Cour de justice de l'UE a jugé que les directives européennes
sur la commercialisation des semences de légumes étaient valides et qu'elles
prenaient en compte les intérêts économiques des vendeurs de variétés
anciennes, dans la mesure où elles permettaient leur commercialisation sous
certaines conditions.
Pourtant, comme le rappelait
l'avocat général dans les conclusions qu'il avait rendues sur cette affaire le
19 janvier dernier, "les semences de la plupart des espèces de plantes
agricoles ne peuvent être commercialisées que si la variété en question est
officiellement admise. Cette admission suppose que la variété soit distincte,
stable ou suffisamment homogène (...) il faut que soit en outre établie la
capacité de rendement – une « valeur culturale ou d'utilisation satisfaisante »
– de la variété. Or, pour bon nombre de « variétés anciennes », ces preuves ne
peuvent pas être apportées. La question se pose dès lors de savoir si cette
restriction aux échanges de semences est justifiée".
Condamnation pour
concurrence déloyale
Par un jugement du 14
janvier 2008, le tribunal de grande instance de Nancy a condamné l'association
à but non lucratif Kokopelli au paiement de dommages et intérêts à l'entreprise
semencière Graines Baumaux pour concurrence déloyale. Cette juridiction a
constaté que Kokopelli et Baumaux intervenaient dans le secteur des graines
anciennes ou de collection, qu'elles commercialisaient des produits identiques
ou similaires pour 233 d'entre eux et qu'elles s'adressaient à la même
clientèle de jardiniers amateurs et étaient donc en situation de concurrence.
Le tribunal a considéré que Kokopelli se livrait à des actes de concurrence
déloyale en vendant des graines de semences potagères ne figurant ni sur le
catalogue français ni sur le catalogue commun des variétés des espèces de
légumes.
Kokopelli a fait appel de ce
jugement devant la cour d'appel de Nancy, qui, dans le cadre d'une question
préjudicielle, a demandé à la CJUE de se prononcer sur la validité de la
directive 2002/55 relative à la commercialisation des semences de légumes et de
la directive 2009/145 qui autorise certaines dérogations pour les
"variétés de conservation" et les "variétés créées pour répondre
à des conditions de culture particulières".
Les directives sur la
commercialisation des semences sont valides
Pour la Cour de justice,
les deux directives sont valides au regard tant des principes du droit de l'UE
que des engagements pris aux termes du Traité international sur les ressources
phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (TIRPAA).
En premier lieu, la CJUE
considère que le principe de proportionnalité n'est pas violé. "L'établissement
d'un catalogue commun des variétés des espèces de légumes sur la base de
catalogues nationaux apparaît de nature à garantir" la productivité
des cultures de légumes dans l'UE, premier objectif des règles relatives à
l'admission des semences de légumes. Ce régime d'admission permet également
"d'établir le marché intérieur des semences de légumes en assurant leur
libre circulation dans l'Union". Enfin, le régime d'admission
dérogatoire mis en œuvre pour les variétés anciennes est "de nature à
assurer la conservation des ressources génétiques des plantes", qui
constitue le troisième objectif visé par le droit communautaire.
La Cour considère
également que les directives contestées prennent en compte les intérêts
économiques des vendeurs de variétés anciennes, tels que Kokopelli, dans la
mesure "où elles n'excluent pas la commercialisation de ces variétés".
Si des restrictions géographiques, quantitatives et de conditionnement sont
prévues, ces restrictions s'inscrivent néanmoins dans le contexte de la
conservation des ressources phytogénétiques, estime la CJUE.
La juridiction européenne
constate enfin que les directives litigieuses ne violent ni les principes
d'égalité de traitement, ni celui de libre exercice d'une activité économique,
ni enfin celui de libre circulation des marchandises.
La Cour n'a pas suivi
les conclusions de l'avocat général
Cette décision de la Cour
n'allait pas de soi car l'avocat général, dans ses conclusions présentées le 19
janvier, avait proposé aux juges de déclarer invalide une disposition de la
directive 2002/55, dont il estimait qu'elle violait les principes du droit
communautaire. Cette disposition était "l'interdiction (…) de
commercialiser des semences d'une variété dont il n'est pas établi qu'elle est
distincte, stable et suffisamment homogène ni, le cas échéant, qu'elle possède
une valeur culturale ou d'utilisation suffisante".
La Cour ne l'a pas suivi,
au grand dam des défenseurs des variétés de semences anciennes non homologuées.
Il revient maintenant à la cour d'appel de Nancy de juger l'affaire, après
avoir pris en compte cette position de la juridiction européenne.
Ecologie au Quotidien
DIE, Rhône-Alpes,
France
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