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mercredi 18 juillet 2012

La Cour de Justice Européenne étrangle Kokopelli...


Semences : Kokopelli vent debout contre la décision de la CJUE
L'association Kokopelli fait éclater sa colère suite à la décision de la Cour de justice de l'UE du 12 juillet dernier. La juridiction européenne, allant à l'encontre des conclusions de l'avocat général, a en effet validé la législation européenne actuelle sur la commercialisation des semences. "Ce changement de cap absolu ne manque pas de nous surprendre et de nous interroger", s'indigne l'association.
"Toute puissance du paradigme productiviste"
L'expression "productivité agricole accrue", "utilisée 15 fois dans la décision de la Cour", consacre selon l'association "la toute puissance du paradigme productiviste". La biodiversité "peut donc être valablement sacrifiée sur l'autel de la productivité", fulmine-t-elle.
"De plus, cette biodiversité, qui a nourri les populations européennes pendant les siècles passés, est l'objet de la plus grande suspicion. La Cour va ainsi jusqu'a écrire, par deux fois, que la législation permet d'éviter "la mise en terre de semences potentiellement nuisibles" !", ajoute l'ONG qui qualifie cette remarque de "choquante" et "erronée".
Quant aux dérogations "supposément introduites" par la directive 2009/145 pour les variétés anciennes, il s'agirait d'un "véritable leurre" confirmé par l'impossibilité pour plusieurs organisations européennes d'inscrire certaines semences au catalogue officiel.
"Agriculture chimique mortifère"
"Avec cette décision, les masques tombent : la Cour de l'Union européenne est, elle aussi, au service de l'agriculture chimique mortifère et de son idéologie corruptrice", redouble Kokopelli, qui fait part de sa vive inquiétude sur la réforme générale en cours de la législation sur le commerce des semences. L'Association européenne des semences (ESA), qui se félicite de son côté de la décision de la Cour, confirme que "la décision intervient à un moment très important". Ainsi, se réjouit son secrétaire général, Garlich von Essen, "la Commission avait besoin de cette confirmation juridique de la Cour au moment où elle finalise sa proposition législative de révision de la législation européenne sur le commerce des semences".
Kokopelli demande dans un premier temps au gouvernement français de retirer son mandat à Madame Clément-Nissou, collaboratrice du GNIS, chargée par le ministère de l'Agriculture de représenter la France auprès de la Commission afin de rédiger la proposition législative. L'association réclame, sur le fond, que les semences anciennes et nouvelles appartenant au domaine public et librement reproductibles sortent du champ d'application de la législation sur le commerce des semences.
"Il n'existe pas de catalogue officiel obligatoire pour les clous et les boulons. Il n'y a pas de raison de soumettre les semences à une procédure préalable de mise sur le marché, comme les pesticides ou les médicaments, pour les cataloguer dans un registre", s'indigne l'ONG, selon laquelle "des objectifs de qualité et de loyauté dans les échanges commerciaux peuvent être aisément atteints par un règlement de base fixant des critères minimums en termes de qualité sanitaire, faculté germinative, pureté variétale et pureté spécifique".
Pour mémoire :
Semences : la CJUE rend une décision défavorable aux vendeurs de variétés anciennes
Les directives européennes sur la commercialisation des semences sont valides, estime la CJUE. Une mauvaise nouvelle pour les défenseurs de variétés anciennes non homologuées.
Par une décision rendue le 12 juillet, la Cour de justice de l'UE a jugé que les directives européennes sur la commercialisation des semences de légumes étaient valides et qu'elles prenaient en compte les intérêts économiques des vendeurs de variétés anciennes, dans la mesure où elles permettaient leur commercialisation sous certaines conditions.
Pourtant, comme le rappelait l'avocat général dans les conclusions qu'il avait rendues sur cette affaire le 19 janvier dernier, "les semences de la plupart des espèces de plantes agricoles ne peuvent être commercialisées que si la variété en question est officiellement admise. Cette admission suppose que la variété soit distincte, stable ou suffisamment homogène (...) il faut que soit en outre établie la capacité de rendement – une « valeur culturale ou d'utilisation satisfaisante » – de la variété. Or, pour bon nombre de « variétés anciennes », ces preuves ne peuvent pas être apportées. La question se pose dès lors de savoir si cette restriction aux échanges de semences est justifiée".
Condamnation pour concurrence déloyale
Par un jugement du 14 janvier 2008, le tribunal de grande instance de Nancy a condamné l'association à but non lucratif Kokopelli au paiement de dommages et intérêts à l'entreprise semencière Graines Baumaux pour concurrence déloyale. Cette juridiction a constaté que Kokopelli et Baumaux intervenaient dans le secteur des graines anciennes ou de collection, qu'elles commercialisaient des produits identiques ou similaires pour 233 d'entre eux et qu'elles s'adressaient à la même clientèle de jardiniers amateurs et étaient donc en situation de concurrence. Le tribunal a considéré que Kokopelli se livrait à des actes de concurrence déloyale en vendant des graines de semences potagères ne figurant ni sur le catalogue français ni sur le catalogue commun des variétés des espèces de légumes.
Kokopelli a fait appel de ce jugement devant la cour d'appel de Nancy, qui, dans le cadre d'une question préjudicielle, a demandé à la CJUE de se prononcer sur la validité de la directive 2002/55 relative à la commercialisation des semences de légumes et de la directive 2009/145 qui autorise certaines dérogations pour les "variétés de conservation" et les "variétés créées pour répondre à des conditions de culture particulières".
Les directives sur la commercialisation des semences sont valides
Pour la Cour de justice, les deux directives sont valides au regard tant des principes du droit de l'UE que des engagements pris aux termes du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (TIRPAA).
En premier lieu, la CJUE considère que le principe de proportionnalité n'est pas violé. "L'établissement d'un catalogue commun des variétés des espèces de légumes sur la base de catalogues nationaux apparaît de nature à garantir" la productivité des cultures de légumes dans l'UE, premier objectif des règles relatives à l'admission des semences de légumes. Ce régime d'admission permet également "d'établir le marché intérieur des semences de légumes en assurant leur libre circulation dans l'Union". Enfin, le régime d'admission dérogatoire mis en œuvre pour les variétés anciennes est "de nature à assurer la conservation des ressources génétiques des plantes", qui constitue le troisième objectif visé par le droit communautaire.
La Cour considère également que les directives contestées prennent en compte les intérêts économiques des vendeurs de variétés anciennes, tels que Kokopelli, dans la mesure "où elles n'excluent pas la commercialisation de ces variétés". Si des restrictions géographiques, quantitatives et de conditionnement sont prévues, ces restrictions s'inscrivent néanmoins dans le contexte de la conservation des ressources phytogénétiques, estime la CJUE.
La juridiction européenne constate enfin que les directives litigieuses ne violent ni les principes d'égalité de traitement, ni celui de libre exercice d'une activité économique, ni enfin celui de libre circulation des marchandises.
La Cour n'a pas suivi les conclusions de l'avocat général
Cette décision de la Cour n'allait pas de soi car l'avocat général, dans ses conclusions présentées le 19 janvier, avait proposé aux juges de déclarer invalide une disposition de la directive 2002/55, dont il estimait qu'elle violait les principes du droit communautaire. Cette disposition était "l'interdiction (…) de commercialiser des semences d'une variété dont il n'est pas établi qu'elle est distincte, stable et suffisamment homogène ni, le cas échéant, qu'elle possède une valeur culturale ou d'utilisation suffisante".
La Cour ne l'a pas suivi, au grand dam des défenseurs des variétés de semences anciennes non homologuées. Il revient maintenant à la cour d'appel de Nancy de juger l'affaire, après avoir pris en compte cette position de la juridiction européenne.
Ecologie au Quotidien
DIE, Rhône-Alpes, France
Le Chastel 26150 DIE
Tel : 04 75 21 00 56       


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