Femen: Que pensent les féministes françaises des
militantes ukrainiennes à seins nus?
(Photos : Arrestation
d'une manifestante du Femen, à Davos (Suisse), le 28 janvier 2012).
FÉMINISME – MCD a posé la
question à plusieurs associations luttant pour le droit des femmes...
Reçues ce dimanche pour raconter leur combat, les
Ukrainiennes du Femen ont annoncé leur intention d’ouvrir un «camp
d’entraînement» en France, à l’usage des féministes du monde entier. Que
pensent les défenseuses françaises des droits des femmes de l’engagement «seins
nus» de ces militantes?
Sur le fond: Un combat commun
Remarquées récemment pour
leur lutte contre la prostitution à l’occasion de l’Euro de football, les
militantes Femen ont plusieurs combats et un mot d’ordre: à bas le patriarcat.
«Ce qui nous intéresse chez elles avant tout, c’est le fond, souligne Magali de
Haas, porte-parole d’Osez le féminisme. Le message qu’elles veulent diffuser
est profondément féministe, dans la lignée de ce que nous défendons.» La
présidente de Ni pute ni soumise Asma Guenifi estime être «complètement
d’accord» sur le fond de leur combat, «contre la prostitution, la pauvreté…» Là
où ça coince, c’est quand les Ukrainiennes estiment que «le féminisme classique
est mort». «Je ne suis pas d’accord quand elles parlent des féministes
"traditionnelles" qui parlent entre elles en restant passives», fait
remarquer Françoise Brié, vice-présidente de la Fédération nationale solidarité
femmes. «Ce féminisme classique, c’est aussi beaucoup d’actions dans les
quartiers, sur le terrain, pour revaloriser l’image de la femme.»
Sur la forme: Extrême, mais pas choquant
Montrer ses seins pour se
faire entendre: un mode opératoire original adopté par Femen depuis quelques années.
Critiquable? «Leurs opérations coup-de-poing, ce n’est pas quelque chose qu’ on
a l’habitude de voir en France», avoue Asma Guenifi. «C’est une autre façon de
faire, mais toutes les formes d’action sont bonnes à prendre». Pour François
Brié, «c’est un moyen de manifester courageux, vu les poursuites en justice que
ça leur rapporte. En tout cas ça ne me choque pas du tout.» Chez Osez le
féminisme, on est d’accord sur le fait que «tout est bon à prendre, surtout
qu’elles ont rencontré une forme d’adhésion et ont fait beaucoup parler
d’elles: vraisemblablement c’est efficace!» Mais Magali de Haas nuance: «Comme
elles le disent elles-mêmes, c’est dommage d’en arriver au point de devoir
montrer ses seins pour se faire entendre. De plus, une chose m’a étonnée, c’est
qu’elles veulent faire de belles images, en rentrant dans les standards de la
beauté… Ce n’est pas assez subversif, ça ne retourne pas les clichés sur ce qui
est beau chez une femme.»
Sur l’efficacité du message: L’importance des
médias
N’y a-t-il pas un risque
de brouiller le message envoyé, en incitant le citoyen à s’arrêter à une paire
de seins dénudés? «Le but ce n’est pas de montrer le corps, derrière ce corps
il y a un message politique. Et pour moi, le message passe très bien», rassure
Asma Guenifi. Prudente, Françoise Brié reconnaît que le message doit être bien
traité pour mieux passer: «Il faut qu’elles puissent expliquer leur action, et
c’est le rôle des médias d’expliquer ce message.»
Sur leur présence en France: Bienvenue!
Les Femen s’invitent en
France avec comme projet de former les militantes de demain. Et l’accueil est
plutôt bon: «Des liens vont se créer avec des associations féministes
françaises, il y a d’ailleurs déjà eu des contacts, et je suis ravie qu’elles
viennent en France», indique Magali de Haas. «S’il y a bien un endroit où il ne
doit pas y avoir de concurrence, c’est le féminisme. On n’est jamais trop
nombreuses pour faire avancer la cause des femmes.» Osez le féminisme compte
d’ailleurs répondre à l’invitation de Femen France, qui organise une soirée
samedi prochain à Paris.
Nicolas Bégasse
ACTIVISME - De passage à Paris, trois des quatre
permanentes de l'organisation féministe ukrainienne ont raconté leur projet
d'implantation locale...
Les Femen sont à Paris, et
elles savent ce qu’elles veulent. Leur objectif: ouvrir un camp d’entraînement
pour activistes aux seins nus. «Nous imaginons ça comme la Légion étrangère:
des recrues du monde entier viendront se former en France», explique Alexandra
Shevchenko, l’une des quatre permanentes de l’organisation féministe
ukrainienne.
«Nous voulons occuper le
monde, avec des branches dans différents pays», poursuit Alexandra. Mais faire
venir des militantes de tous pays en Ukraine serait trop risqué. «Paris sera
donc le deuxième centre Femen, après celui de Kiev», annonce sa camarade de
lutte Inna Shevchenko.
L’ONG veut pouvoir
entraîner des recrues venues du monde entier à ses pratiques et son mode de
protestation, «pendant une ou deux semaines», avant que celles-ci retournent
dans leurs pays respectifs mener le combat labellisé Femen. «L’entraînement
physique, intellectuel et moral», prévient Alexandra. Une activiste de la
branche ukrainienne devrait d’ailleurs à terme rester en France pour superviser
le centre.
«Des
actions de plus en plus dures qui nécessitent d’être prêtes»
Car il faut être préparée
pour mener des actions d’éclat à la sauce Femen. «Il y aura aussi une sorte
d’examen de passage», indique Anna Hutsol, leader du mouvement, histoire de
contrôler des réactions des soldates face à la police ou aux opposants de tout
poil. «Nous menons des actions de plus en plus dures qui nécessitent d’être
prêtes», justifient les féministes.
Le choix de Paris ne doit
rien au hasard. Les jeunes femmes connaissent la ville pour avoir déjà
manifesté devant chez DSK. Et si Femen a des adeptes au Brésil, en Suisse, aux
Etats-Unis ou en Tunisie, Inna assure que «Femen a de nombreux soutiens en
France, et il y a une vraie demande». Quinze Françaises avaient manifesté à
leurs côtés contre l'intégrisme islamique en mars dernier.
Ouverture
«dans deux ou trois mois»
«Paris est le centre de
l’Europe», argumente Inna, «le centre de la démocratie», renchérit Alexandra.
Mais aussi «un pays où les gens savent ce qu’est le féminisme». Autre avantage,
et pas des moindres: «Ce sera aussi une sorte de protection pour nous», précise
Inna. «Si nous avons des problèmes en Ukraine, nous aurons des représentantes
françaises pour nous venir en aide», espère l’activiste.
«Nous rencontrons des
gens. De nombreuses personnes veulent nous aider mais il n’y a rien de concret
pour l’instant», reconnaît Inna, qui espère pouvoir ouvrir le centre parisien
«dans deux ou trois mois». En attendant, les trois jeunes femmes arpentent
Paris et invitent les Françaises tentées par l’expérience à les rejoindre. Mais
avant de retourner en Ukraine, les Femen pourraient faire parler d’elles,
concède Alexandra: «Nous avons toujours des idées d’actions en réserve».
Julien Ménielle
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