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mardi 24 juillet 2012

Un nouveau féminisme en marche...

Femen: Que pensent les féministes françaises des militantes ukrainiennes à seins nus?
(Photos : Arrestation d'une manifestante du Femen, à Davos (Suisse), le 28 janvier 2012).
FÉMINISME – MCD a posé la question à plusieurs associations luttant pour le droit des femmes...
Reçues  ce dimanche pour raconter leur combat, les Ukrainiennes du Femen ont annoncé leur intention d’ouvrir un «camp d’entraînement» en France, à l’usage des féministes du monde entier. Que pensent les défenseuses françaises des droits des femmes de l’engagement «seins nus» de ces militantes? 

Sur le fond: Un combat commun
Remarquées récemment pour leur lutte contre la prostitution à l’occasion de l’Euro de football, les militantes Femen ont plusieurs combats et un mot d’ordre: à bas le patriarcat. «Ce qui nous intéresse chez elles avant tout, c’est le fond, souligne Magali de Haas, porte-parole d’Osez le féminisme. Le message qu’elles veulent diffuser est profondément féministe, dans la lignée de ce que nous défendons.» La présidente de Ni pute ni soumise Asma Guenifi estime être «complètement d’accord» sur le fond de leur combat, «contre la prostitution, la pauvreté…» Là où ça coince, c’est quand les Ukrainiennes  estiment que «le féminisme classique est mort». «Je ne suis pas d’accord quand elles parlent des féministes "traditionnelles" qui parlent entre elles en restant passives», fait remarquer Françoise Brié, vice-présidente de la Fédération nationale solidarité femmes. «Ce féminisme classique, c’est aussi beaucoup d’actions dans les quartiers, sur le terrain, pour revaloriser l’image de la femme.»
Sur la forme: Extrême, mais pas choquant
Montrer ses seins pour se faire entendre: un mode opératoire original adopté par Femen depuis quelques années. Critiquable? «Leurs opérations coup-de-poing, ce n’est pas quelque chose qu’ on a l’habitude de voir en France», avoue Asma Guenifi. «C’est une autre façon de faire, mais toutes les formes d’action sont bonnes à prendre». Pour François Brié, «c’est un moyen de manifester courageux, vu les poursuites en justice que ça leur rapporte. En tout cas ça ne me choque pas du tout.» Chez Osez le féminisme, on est d’accord sur le fait que «tout est bon à prendre, surtout qu’elles ont rencontré une forme d’adhésion et ont fait beaucoup parler d’elles: vraisemblablement c’est efficace!» Mais Magali de Haas nuance: «Comme elles le disent elles-mêmes, c’est dommage d’en arriver au point de devoir montrer ses seins pour se faire entendre. De plus, une chose m’a étonnée, c’est qu’elles veulent faire de belles images, en rentrant dans les standards de la beauté… Ce n’est pas assez subversif, ça ne retourne pas les clichés sur ce qui est beau chez une femme.»
Sur l’efficacité du message: L’importance des médias
N’y a-t-il pas un risque de brouiller le message envoyé, en incitant le citoyen à s’arrêter à une paire de seins dénudés? «Le but ce n’est pas de montrer le corps, derrière ce corps il y a un message politique. Et pour moi, le message passe très bien», rassure Asma Guenifi. Prudente, Françoise Brié reconnaît que le message doit être bien traité pour mieux passer: «Il faut qu’elles puissent expliquer leur action, et c’est le rôle des médias d’expliquer ce message.»
Sur leur présence en France: Bienvenue!
Les Femen s’invitent en France avec comme projet de former les militantes de demain. Et l’accueil est plutôt bon: «Des liens vont se créer avec des associations féministes françaises, il y a d’ailleurs déjà eu des contacts, et je suis ravie qu’elles viennent en France», indique Magali de Haas. «S’il y a bien un endroit où il ne doit pas y avoir de concurrence, c’est le féminisme. On n’est jamais trop nombreuses pour faire avancer la cause des femmes.» Osez le féminisme compte d’ailleurs répondre à l’invitation de Femen France, qui organise une soirée samedi prochain à Paris.
Nicolas Bégasse
ACTIVISME - De passage à Paris, trois des quatre permanentes de l'organisation féministe ukrainienne ont raconté leur projet d'implantation locale...
Les Femen sont à Paris, et elles savent ce qu’elles veulent. Leur objectif: ouvrir un camp d’entraînement pour activistes aux seins nus. «Nous imaginons ça comme la Légion étrangère: des recrues du monde entier viendront se former en France», explique Alexandra Shevchenko, l’une des quatre permanentes de l’organisation féministe ukrainienne.
«Nous voulons occuper le monde, avec des branches dans différents pays», poursuit Alexandra. Mais faire venir des militantes de tous pays en Ukraine serait trop risqué. «Paris sera donc le deuxième centre Femen, après celui de Kiev», annonce sa camarade de lutte Inna Shevchenko.
L’ONG veut pouvoir entraîner des recrues venues du monde entier à ses pratiques et son mode de protestation, «pendant une ou deux semaines», avant que celles-ci retournent dans leurs pays respectifs mener le combat labellisé Femen. «L’entraînement physique, intellectuel et moral», prévient Alexandra. Une activiste de la branche ukrainienne devrait d’ailleurs à terme rester en France pour superviser le centre.
«Des actions de plus en plus dures qui nécessitent d’être prêtes»
Car il faut être préparée pour mener des actions d’éclat à la sauce Femen. «Il y aura aussi une sorte d’examen de passage», indique Anna Hutsol, leader du mouvement, histoire de contrôler des réactions des soldates face à la police ou aux opposants de tout poil. «Nous menons des actions de plus en plus dures qui nécessitent d’être prêtes», justifient les féministes.
Le choix de Paris ne doit rien au hasard. Les jeunes femmes connaissent la ville pour avoir déjà manifesté devant chez DSK. Et si Femen a des adeptes au Brésil, en Suisse, aux Etats-Unis ou en Tunisie, Inna assure que «Femen a de nombreux soutiens en France, et il y a une vraie demande». Quinze Françaises avaient manifesté à leurs côtés contre l'intégrisme islamique en mars dernier.
Ouverture «dans deux ou trois mois»
«Paris est le centre de l’Europe», argumente Inna, «le centre de la démocratie», renchérit Alexandra. Mais aussi «un pays où les gens savent ce qu’est le féminisme». Autre avantage, et pas des moindres: «Ce sera aussi une sorte de protection pour nous», précise Inna. «Si nous avons des problèmes en Ukraine, nous aurons des représentantes françaises pour nous venir en aide», espère l’activiste.
«Nous rencontrons des gens. De nombreuses personnes veulent nous aider mais il n’y a rien de concret pour l’instant», reconnaît Inna, qui espère pouvoir ouvrir le centre parisien «dans deux ou trois mois». En attendant, les trois jeunes femmes arpentent Paris et invitent les Françaises tentées par l’expérience à les rejoindre. Mais avant de retourner en Ukraine, les Femen pourraient faire parler d’elles, concède Alexandra: «Nous avons toujours des idées d’actions en réserve».
Julien Ménielle

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