WAR – L’armée américaine, un camp d’entraînement
pour nazis et criminels
Wade Michael Page, le
tueur qui a assassiné sept Sikhs dans le Wisconsin, a servi dans l'armée.
"Une armée levée
sans un examen minutieux du choix de ses recrues n'a jamais été viable sur la
durée. Et nous sommes désormais convaincus que c'est là la cause de tous nos
malheurs" (Végèce,
écrivain romain du début du Ve siècle).
Wade Michael Page, le
tueur qui a assassiné sept personnes dans un temple sikh du Wisconsin le 4
août, était sans doute un déséquilibré. Mais il était également un ancien
soldat, exclu de l'armée en 1998, ainsi qu'un "suprémaciste
blanc". Page est-il un cas isolé, une "pomme pourrie", selon
la théorie généralement servie par les canaux officiels après de tels drames,
ou le symptôme d'un phénomène bien plus large dans les rangs de l'armée
américaine ?
Dans une
tribune intitulée "Des néo-nazis, des gangs et des criminels dans
l'armée américaine", publiée sur le site d'Al-Jazira, la journaliste et
écrivain Belén Fernández réfute la thèse de la "pomme pourrie".
L'auteur s'appuie notamment sur un
article du Christian Science Monitor,
qui explique comment certains mouvements néo-nazis et suprémacistes se font
enrôler pour se former à l'art de la guerre afin de mettre ensuite à profit
leur savoir-faire militaire. A en croire un responsable du ministère de la
défense, la présence d'extrémistes dans l'armée "n'est pas épidémique, mais de toute évidence nous parlons de
plusieurs milliers de personnes".
"Tu vas
pouvoir t'entraîner"
Le Christian Science Monitor livre le
témoignage d'un ancien suprémaciste blanc, qui forme aujourd'hui les militaires
américains à détecter les extrémistes dans leurs rangs. T.J. Leyden
raconte qu'il a été encouragé à rejoindre les marines à l'époque où il
était skinhead. "Les anciens de
la mouvance suprémaciste en parlaient tout le temps. Ils disaient : 'c'est un
excellent choix, tu vas pouvoir t'entraîner"', raconte-t-il.
Ces groupes recrutent également dans les rangs de l'armée : "Les principaux groupes suprémacistes
possèdent des antennes juste en face d'installations militaires. Ils
recherchent des individus ayant reçu une formation militaire".
Selon un rapport commandé
par le Pentagone lui-même en 2005, "l'armée
pratique le 'don't ask, don't tell' (ne rien demander, ne rien dire)
concernant les opinions extrémistes". Une politique de l'autruche
qui irait en réalité jusqu'au consentement tacite, explique Matt Kennard
dans son ouvrage Irregular Army : How the US Military Recruited
Neo-Nazis, Gang Members, and Criminals to Fight the War on Terror.
Admirateur
d'Hitler
Au cours de son enquête,
Kennard s'est amusé à appeler cinq centres de recrutement de l'armée. Se
faisant passer pour un aspirant soldat, il a proposé ses services en demandant
si ses tatouages nazis n'allaient pas le freiner dans sa nouvelle carrière.
Résultat : aucun des recruteurs n'a laissé entendre que cela pouvait constituer
un obstacle insurmontable.
Kennard raconte ensuite sa
rencontre avec Forrest Fogarty, vétéran de la guerre en Irak, suprémaciste
blanc et admirateur d'Hitler. Avant de partir en Irak, Fogarty avait rejoint la
"Hammerskin Nation", la mieux organisée et la plus violente des
organisations de skinheads aux Etats-Unis. Sa petite amie tenta alors
d'empêcher son enrôlement en envoyant des photos de lui dans des réunions
néo-nazies et de ses performances dans un groupe de rock nazi à trois de ses
supérieurs hiérarchiques. Convoqué devant un comité militaire chargé de tirer
l'affaire au clair, il se contenta de réfuter l'évidence : "J'ai nié et expliqué que ma petite amie était
une méchante garce, ce qui est vrai". Et il partit sans autres
formalités servir son pays dans les rues de Bagdad.
Crimes, drogues et
agressions sexuelles
Mais la guerre raciale
n'est pas le seul conflit interne auquel le délabrement des critères de
recrutement de l'armée contribue. Selon un
rapport du FBI de 2007, "des
membres de presque tous les principaux gangs de rue ont été identifiés dans des
installation militaires sur le sol américain ou à l'étranger".
L'auteur du rapport met en garde : "D'anciens
et actuels soldats appartenant à des gangs transfèrent leur savoir-faire
militaire dans leur communauté et l'utilisent contre les forces de l'ordre, qui
ne sont généralement pas formées à affronter des bandits possédant une
expertise militaire".
Dans son livre, cité par
Al-Jazira, Matt Kennard cite des
statistiques du Palm Centre, une unité de recherches de l'université
de Californie, qui soulignent la prolifération de criminels dans les rangs
de l'armée. Les chiffres montrent qu'entre 2003 et 2006, l'armée a enrôlé
4 230 criminels sous le programme "Moral waivers", ce
qui correspond à un doublement en trois ans.
Le programme "Moral
waivers" ("Dérogations morale") permet le recrutement
d'individus qui ne répondent pas aux standards théoriques, tels que les
agresseurs sexuels, les auteurs de menaces terroristes ou encore les
pédophiles. Selon Kennard, deux soldats embauchés entre 2003 et 2006
avaient proféré des menaces d'attentats à la bombe sur le sol américain. Le Guardian évoque quant à
lui 87 soldats condamnés pour agression, neuf pyromanes et sept agresseurs
sexuels. Le total de soldats enrôlés sous ce programme s'établissait à 34
476 en 2006.
MCD-APL
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