"Tous cobayes?", plaidoyer anti-OGM et
plongée en images dans une étude, bientôt aux Rencontres de l’ Ecologie au
Quotidien de Die 2013. (25 Janvier-04 février 2013)
Le réalisateur Jean-Paul
Jaud, grand défenseur d'une agriculture moins dépendante de l'industrie
chimique, signe avec "Tous cobayes?", en salles ce mercredi, un
plaidoyer anti-OGM s'appuyant sur l'étude choc du Pr Séralini qui vient de
relancer le débat sur l'innocuité d'un maïs transgénique.
L'auteur de "Nos
enfants nous accuseront" (2008), qui s'attaquait alors à l'usage de
pesticides, a suivi mois après mois l'équipe du Pr Gilles-Eric Séralini. Ce
chercheur basé à Caen, ouvertement anti-OGM, a publié mercredi dernier une
étude qui a conduit Paris et Bruxelles à saisir leurs agences sanitaires pour
un avis.
Ces travaux d'une longueur
inédite (deux ans) affirment que les rats nourris avec du maïs NK 603 de
Monsanto - et pour certains avec de l'eau comprenant de l'herbicide Roundup
auquel ce maïs transgénique résiste - développent beaucoup plus de tumeurs
cancéreuses.
Le film montre de
nombreuses scènes de laboratoire où des scientifiques emmaillotés comme des
chirurgiens examinent les rats.
Certains rongeurs vont
développer d'énormes tumeurs, allant jusqu'à 20% de leur poids. Notamment après
le 3e mois, la durée des études classiques de toxicologie, selon les chercheurs.
Jean-Paul Jaud a travaillé
tout en gardant le secret sur l'étude engagée par le Pr Séralini, celui-ci
expliquant avoir récupéré clandestinement des semences de ce maïs NK 603 via un
lycée canadien ayant requis l'anonymat.
Le NK 603 n'est pas
cultivé en Europe mais est importé pour l'alimentation animale.
"Les semenciers
refusent de donner des semences aux chercheurs", affirme le scientifique.
Le choc de Fukushima
Corinne Lepage, députée
européenne qui se bat depuis des années à Bruxelles contre les OGM, est très
présente dans le documentaire.
"Les premiers qui ne
veulent pas de la recherche, ce sont eux, les semenciers", accuse-t-elle.
"Il n'y a pas de problème, car il n'y a pas d'étude" de long terme,
ajoute la députée.
A l'écran, la progression
de l'étude est entrecoupée de scènes de fauchages de champs d'expérimentation
d'OGM en France (désormais suspendue), de procès de faucheurs qui s'ensuivent
et de manifestations de soutien. Autant de moments rythmant la vie de militants
écologistes.
La parole est aussi donnée
à plusieurs paysans bio expliquant leur choix et leurs préoccupations sur les
conséquences des pesticides pour la santé des agriculteurs.
Parallèlement à
l'argumentaire anti-OGM, le film s'attaque aussi au nucléaire, auquel le
réalisateur est farouchement opposé.
En cours de tournage,
"il y a eu le choc de la catastrophe de Fukushima au Japon et j'ai alors
décidé de réunir dans mon film ces deux technologies mortifères contrôlées par
une minorité de prédateurs", confie à l'AFP Jean-Paul Jaud.
Du coup, le film l'a
emmené au Japon, jusque dans les zones de campagne vidées de leurs habitants en
raison d'une radioactivité trop élevée.
Mêlant OGM et nucléaire,
le commentaire - dit par l'acteur Philippe Torreton - parle même d'une
"troisième guerre mondiale sacrifiant l'homme, l'animal et le
végétal".
Selon le réalisateur,
plusieurs acteurs pro-OGM ont refusé de lui répondre.
"De toute façon, je
ne suis pas un journaliste, je suis cinéaste et je revendique une
subjectivité", explique Jean-Paul Jaud. Si l'homme refuse l'étiquette de
militant, il revendique celle de "cinéaste citoyen".
Jean-Paul Jaud: «L'humanité est en sursis»
Le réalisateur engagé sort
un nouveau film, «Tous cobayes», où il alerte sur les dangers du nucléaire et
des OGM...
C’est le premier film de
Jean-Paul Jaud sans le mot «enfants» dans le titre. Mais malgré cela, le
réalisateur militant nous parle encore une fois des générations futures et des
dangers auxquelles nous les exposons, à l’image du petit garçon de l’affiche
qui se balade au milieu d’un champ d’organismes génétiquement modifiés (OGM),
une centrale nucléaire en ligne de mire. Tous cobayes, le troisième film
de Jean-Paul Jaud après Nos enfants nous accuseront et Severn, la
voix de nos enfants, sort le 26 octobre et promet de jeter un pavé dans la
mare des industriels qui mettent l’humanité en péril.
Pourquoi avoir choisi de faire un film sur les OGM
et le nucléaire?
Parce que ce sont deux
technologies irréversibles qui hypothèquent l’avenir des générations futures.
Elles vont laisser des traces sur des milliers d’années et nous ne les
maîtrisons pas. Quand il y a un accident OGM ou nucléaire, on ne sait pas
l’arrêter. L’actualité m’a convaincu encore plus de la similitude de ces deux
technologies: j’avais commencé à tourner sur les OGM et une semaine après,
c’était Fukushima, donc c’était évident pour moi de tourner sur le nucléaire.
Pourquoi affirmez-vous qu’on ne maîtrise pas le
nucléaire?
Tchernobyl et Fukushima,
ils maîtrisent quoi? Démontrez-moi! Ils ont maîtrisé quatre personnes de
Greenpeace qui sont rentrées sur un réacteur? Ils ont maîtrisé la tempête de
Blaye où la centrale a failli exploser et Bordeaux a failli être évacué? Ils
ont maîtrisé les fuites de plutonium dans la Loire quand à
Saint-Laurent-des-Eaux en 1984 il y a eu un emballement dans le réacteur?
Fukushima ça dégueule tous les jours dans le Pacifique, sur la terre, dans le
ciel. Comment peut-on développer une technologie quand on sait qu’on ne peut
pas réparer? Une explosion majeure d’un réacteur en France, c’est le quart du
pays qu’il faut évacuer. Et pas pour deux ou dix ans, mais des décennies, voire
des siècles. Je pense que l’humanité est en sursis, mais il ne faut pas rester
les bras ballants pour autant et c’est pour ça que j’ai mis toute mon énergie à
faire ce film.
Dans vos autres films, il y avait toujours beaucoup
d’espoir. Y en a-t-il aussi dans celui-ci?
Oui, l’espoir c’est
l’agroécologie, par exemple. Aux Nations unies, un rapport selon lequel elle
pourrait nourrir neuf milliards d’humains a été légitimé et applaudi par toutes
les délégations. Et on peut lutter contre le nucléaire. Nous avons tourné sur
une petite île japonaise de 500 habitants où depuis trente ans Tepco veut
construire une centrale nucléaire. Et bien depuis trente ans, tous les lundis,
des mamies se retrouvent sur le port et manifestent avec des slogans
anti-nucléaires. Aujourd’hui le projet n’a pas avancé et cette centrale ne se
fera pas car le Japon va sortir du nucléaire, le peuple japonais ne veut plus
et je les comprends.
Quel poids peut avoir un rapport des Nations unies
ou une manifestation de mamies face à des industries puissantes?
Il n’y a pas que ça, je
suis aussi allé filmer dans une ferme en agroécologie au Sénégal, au cœur de la
brousse. Là, ils démontrent qu’en deux ou trois ans on peut être autonome en
agriculture, il suffit de creuser un peu, de les aider à trouver de l’eau. Les
Africains refusent les OGM et il faut leur donner la parole. Ce film est fait
pour que tous les citoyens de la planète disent stop, on ne veut plus être
cobayes.
C’était votre intention, donner envie aux gens
d’agir?
Bien sûr, car ce sont eux
qui ont le pouvoir. On peut encore donner notre argent à qui notre conscience
nous dit de le donner: tout ce qui n’est pas respectueux des générations
futures, on peut boycotter. D’autre part, il faut influencer les politiques.
J’encourage les gens à réclamer au maire de leur commune de faire une cantine
bio. Il faut dire aux élus: «Si vous continuez à empoisonner nos enfants avec
l’alimentation et le nucléaire, au prochain coup on ne votera pas pour vous».
Qu’est-ce qui vous a le plus choqué dans ce que
vous avez découvert en faisant le film ?
Fukushima, car c’est la
première fois que j’allais dans une zone radioactive. L’homme, depuis toujours,
a découvert des espaces, des territoires, et ce qui m’a choqué à Fukushima
c’est un territoire qu’on abandonnait pour le nucléaire. Les OGM vont créer des
terres invivables et des plantes qui généreront des pathologies qu’on ne
connaît pas encore.
Audrey Chauvet
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