Le journal Minute fait de
l’humour raciste. Rien d’étonnant. Leur jeu de mots est pourri, on voit que les
gars ne doivent pas rigoler souvent. Quoi de neuf ? Le neuf, ce n’est pas que
l’extrême droite soit convaincue qu’on puisse juger quelqu’un à la couleur de
sa peau - ça va avec leur idée qu’on peut préjuger du comportement de quelqu’un
selon son sexe biologique. Certains sont racistes, ils votent FN. Ils sont
relativement nombreux. Nous le sommes davantage. Nous avons toujours vécu dans
un pays où nous n’étions pas tous d’accord, et être de gauche c’est justement
croire qu’on peut cohabiter sans avoir recours à la torture, ni construire plus
de prisons que de salles de concerts. Que l’extrême droite s’exprime n’est pas
un problème. Le problème, c’est la fascination des médias, la fascination du
PS, la fascination du Front de gauche pour l’électorat FN. Les ventes de Minute
exploseront probablement, sur un numéro, mais en attendant ce n’est
toujours pas, loin s’en faut, un journal à grand tirage. Alors pourquoi, depuis
environ quatre ans, doit-on se fader Marine, louve des neuneus, et son Front
national à toutes les sauces ? On finit par avoir la sensation d’assister à une
promotion acharnée qui vise, au finale, à vendre au peuple l’idée qu’il n’a
qu’un seul désir : voter FN. On l’assène avec les mêmes méthodes qu’on utilise
pour lui faire croire qu’il doit changer de voiture. Façon pubard - lavage de
cerveau par répétition. On a engagé les journalistes et placé leurs rédacteurs
en chef en fonction d’un critère unique : qu’ils n’aillent pas déranger les
annonceurs, qu’ils se contentent de remplir les intervalles libres entre deux
publicités. Or les annonceurs voyagent. Ils traversent la Chine, Cuba, la
Russie - ils reviennent en France et rêvent de transformer le pays, d’en faire
un lieu merveilleux où on pourrait tirer sur les ouvriers récalcitrants,
massacrer les manifestants, engeôler les contestataires et faire trimer ceux
qui restent dimanche et nuit comprises, sans tenir compte du droit du travail.
Depuis qu’ils ont découvert que ça n’avait rien d’incompatible avec le
libéralisme, ils rêvent d’un système autoritaire. C’est pourquoi Marine glisse
un peu de communisme dans son programme de devanture.
Et les grands
patrons-annonceurs de se frotter les mains : ils vont finir par l’obtenir, leur
dictature. Un peuple à genoux, obligé de fermer sa gueule et à qui on pourra
venir raconter qu’il l’a bien cherché, son régime fasciste, et des dirigeants
triomphants. Car n’oublions pas qu’il y a de grands gagnants à la crise qui
massacre l’Europe, et ce ne sont ni les Roms, ni les Arabes, ni les pédés.
Christiane Taubira
s’étonnait de ce qu’aucune «belle et haute voix» ne se soit élevée pour la
défendre, et en l’écoutant j’avais envie de lui dire : c’est vous, madame, la
belle et haute voix. Nous pensons que vous feriez une formidable présidente de
notre République. Nous attendons que vous vous présentiez, parce que nous
pensons que vous êtes capable de prendre le pouvoir sans focaliser sur les
quatre ploucs qui sortent des vannes moisies quand ils voient quelqu’un qui
n’est pas blanc, ni sur les hétéros attardés qui craignent plus le mariage gay
que le Fonds monétaire international. Une seule réponse est possible face à la
propagande raciste : construire un monde qui évolue. Il y a, parfois, de
grandes figures providentielles. L’extrême droite est en train de faire de vous
une figure héroïque, historique. Et, pour nous qui ne voterons jamais pour eux,
quand bien même voudrions-nous faire dans la contestation, votre voix,
désormais, est celle que nous désirons écouter.
Virginie DESPENTES, écrivaine et cinéaste
Assez !
Assez ! Un cri
de colère. Une envie d’en finir avec l’odieux. Assez de ces dérives racistes
et discriminatoires qui polluent l’espace public. Assez de ces insultes
que l’on met en une d’un magazine - si extrémiste soit-il - et que l’on ose
justifier ensuite par le biais de la satire. Les attaques dont est victime
Christiane Taubira depuis des semaines sont nauséabondes
et dangereuses. Elles viennent affaiblir le pacte républicain et il faut
le dire. Assez donc ! Parce que l’indignation est légitime et partagée.
Mais aujourd’hui, le seul constat de ces outrances ne suffit plus. En
s’exprimant la semaine dernière, et en regrettant que nulle «belle et haute
voix» ne se soit levée pour la soutenir, la garde des Sceaux a provoqué
une onde de choc salutaire. Tout d’un coup, un frémissement - même infime
- contre l’ignoble se fait sentir, autour de nous, dans les prises
de position à l’Assemblée nationale, sur les réseaux sociaux. C’est parce
que Libé veut participer à ce mouvement que nous avons décidé de
créer une page Facebook qui s’intitule «Assez» Afin que chacun puisse remplir
son rôle citoyen et vienne crier sa révolte contre les incitations à
la haine qui se banalisent dans notre quotidien. Il est
de la responsabilité de tous - associatifs, politiques, opinion
publique - de se faire entendre dans ce combat contre
l’intolérance qui nous gangrène. Et de résister à cette parole xénophobe
qui nous menace.
Fabrice Rousselot
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