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dimanche 17 novembre 2013

La CRIIRAD réagit au chantiers de décontamination atomique...

La CRIIRAD réagit à l’accident au CEA Grenoble

Le 23 août 2013, un ouvrier a subi une contamination radioactive lors d’un chantier de démantèlement d’une installation nucléaire du Commissariat à l’Énergie Atomique de Grenoble. Son dosimètre portatif aurait sonné, mais personne n’aurait entendu l’alarme étant donné le bruit sur le chantier. Ce n’est qu’en fin de journée que l’accident aurait été identifié, l’ouvrier ayant été exposé à une dose radioactive supérieure aux limites annuelles réglementaires. Le CEA a proposé à l’Autorité de Sûreté Nucléaire[1] de classer cet accident d’un niveau 2 sur l’échelle INES, qui va de 0 à 7[2]. L’ouvrier contaminé travaillait pour une entreprise sous-traitante, pour le compte du CEA. (source : Dauphiné Libéré, 05/09/13)
Roland Desbordes, président de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD), l’une des rares associations de contre-pouvoir sur les questions nucléaires françaises, présente ici son point de vue sur cet accident. Propos recueillis le 18 octobre 2013 par Marathone.
Que vous évoque l’accident survenu au CEA Grenoble en août dernier ?
Roland Desbordes : Les seules informations dont nous disposons émanent du CEA Grenoble et de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, nous ne pouvons rien dire de plus sur cet accident. En revanche, nous avons beaucoup à dire sur les chantiers de décontamination. Le CEA Grenoble a décidé d’abandonner l’essentiel de ses activités nucléaires pour se concentrer sur les bio et nanotechnologies. Il ne reste désormais que le réacteur nucléaire de l’Institut Laue Langevin[3] en service. Les autres réacteurs nucléaires ont été démantelés ces dernières années. Or lors de son fonctionnement, toute installation nucléaire subit des incidents, parfois des accidents, qui peuvent entraîner la contamination des sols et de la nappe phréatique. Les installations nucléaires du CEA Grenoble n’y ont pas échappé[4].
Pour rendre le site utilisable pour d’autres activités, les opérations de décontamination sont complexes et coûteuses. Elles sont trop souvent menées de façon partielle, au plus bas coût possible, par des entreprises sous-traitantes, sans expertise indépendante pour vérifier les résultats de la décontamination. Si cette décontamination est imparfaite, comment garder la mémoire des zones émettant encore de la radioactivité sur une longue durée ? Comment par exemple être sûr que dans trois cents ans, une crèche ne sera pas construite sur un emplacement mal décontaminé ? Étant donnée la pression immobilière dans l’agglomération grenobloise, on peut tout imaginer. C’est pourquoi nous souhaiterions que le CEA Grenoble, les collectivités locales et les associations indépendantes comme la CRIIRAD se mettent autour d’une table pour établir un protocole commun autour de la décontamination du site. L’objectif serait d’arriver à une décontamination parfaite. C’est ce qui a été fait sur le site du fort de Vaujours, et c’est ce qui serait souhaitable sur le site du CEA Grenoble.
En attendant qu’une tel protocole voit le jour, serait-il envisageable que la CRIIRAD mesure les niveaux de radioactivité à l’intérieur de l’enceinte du CEA Grenoble ?
À chaque fois que la CRIIRAD a demandé à EDF, à Areva ou au CEA d’effectuer des mesures de radioactivité à l’intérieur de leurs installations, le refus a été catégorique. L’un des derniers exemples en date concerne le site nucléaire de Cruas. EDF a reconnu que le niveau de radioactivité de la nappe phréatique située sous l’usine nucléaire est ’’anormale’’. Nous avons demandé à pouvoir prélever un litre d’eau de cette nappe, afin d’effectuer nos propres mesures. EDF a refusé. Il y a donc peu de chance pour que le CEA Grenoble accepte que nous menions une campagne de mesures sur son site.
Avez-vous récemment effectué des mesures aux environs de l’agglomération grenobloise ?
Sur commande du Conseil régional Rhône-Alpes, nous avons effectué en 2012 des analyses d’eaux de pluie, des eaux du Drac et de l’Isère, ainsi que de la nappe phréatique qui s’écoule de Grenoble vers Saint-Egrève.
Quels sont les résultats de ces analyses ?
Ils seront publiés en détail dans quelques mois sur le site internet du Conseil régional. Il n’y a rien d’alarmant en tout cas. Les analyses d’eaux de pluie montrent une pollution en tritium très faible, de l’ordre de quelques becquerels par litre. Ce sont des niveaux très faibles, mais cela montre que la pollution liée aux installations nucléaires locales n’est pas inexistante, contrairement à l’image d’un ’’nucléaire propre’’. Le réacteur nucléaire de l’ILL est en particulier autorisé à rejeter du tritium dans l’atmosphère.
Avez-vous mené d’autres campagnes de mesures de radioactivité par le passé en Isère ?
Nous avons publié en 2002 un atlas français et européen des retombées radioactives suite à la catastrophe de Tchernobyl[5]. L’Isère fait partie des départements touchés par ces retombées. Les taux de radioactivité sont très contrastés suivant les zones du département. Je recommande à tous les citoyens de consulter cet atlas.
Êtes-vous régulièrement contactés par des collectivités locales en Isère ?
Par comparaison avec d’autres départements en Rhône-Alpes où nous sommes régulièrement sollicités pour effectuer des mesures de radioactivité indépendantes, les autorités iséroises semblent particulièrement peu curieuses de savoir ce qui se passe en matière de risque nucléaire au niveau local. La seule mairie qui nous a contacté il y a quelques temps était la mairie d’Échirolles pour aborder la question des risques nucléaires, afin de réaliser une plaquette sur les risques majeurs mais pour laquelle la préfecture ne souhaitait pas qu’ils soient abordés. Autre exemple : le Conseil Général de l’Isère a financé quelques analyses de tritium autour de la centrale nucléaire Superphénix, aujourd’hui en cours de démantèlement.
Disposez-vous d’une balise de surveillance de la radioactivité de l’air dans l’agglomération grenobloise ?
Non, mais nous sommes en discussion avec l’association Atmo Rhône Alpes pour récupérer et gérer une balise à Échirolles. Si je me souviens bien, cette balise avait été achetée en 1990 par la mairie de Grenoble, sur initiative d’Alain Carignon. Elle a longtemps été gérée de fait par le CEA Grenoble.
Combien coûte une balise de ce type ?
Une centaine de milliers d’euros, et quelques dizaines de milliers d’euros de fonctionnement chaque année.
Le dernier réacteur nucléaire du CEA Grenoble est situé à quelques kilomètres du centre-ville. Quels sont les plans d’intervention prévus par la préfecture en cas d’accident nucléaire ?
Le Plan particulier d’intervention (PPI) est consultable auprès de la mairie de Grenoble ou de la Préfecture. De mémoire, il me semble que ce plan considère que la zone de risque maximale se situe dans un rayon de quelques centaines de mètres autour du réacteur. En général, ce type de plan prévoit l’information de la population habitant cette zone, la remise d’une plaquette présentant les démarches à suivre en cas d’accident nucléaire, et des pastilles d’iode à ingérer en cas d’accident grave avec rejets d’iode radioactif. Il faudrait vérifier si ces mesures ont réellement été prises. De notre point de vue, ce type de plan d’intervention est insuffisant. Il ne prend pas compte l’ensemble et la gravité des accidents possibles. L’expérience de Fukushima est pourtant saisissante.
Intervenez-vous parfois dans les écoles de physique nucléaire de Grenoble pour présenter les activités de la CRIIRAD ?
Nous sommes très peu sollicités à Grenoble. Des étudiants de l’INPG nous nous ont contacté plusieurs fois pour intervenir sur le nucléaire, mais ces démarches aboutissent rarement, sans que nous sachions les raisons précises. Cependant, l’indifférence ou l’hostilité vis-à-vis de la CRIIRAD est moins forte qu’il y a quelques années. Je me souviens d’une période, il n’y a pas si longtemps, où quelques chercheurs et ingénieurs du CEA, probablement à la retraite, perturbaient systématiquement nos conférences sur Grenoble.
Un dernier mot ?
Nous invitons tous les citoyens préoccupés par les questions du nucléaire à consulter nos travaux afin de se forger leur propre opinion sur le sujet. N’hésitez pas à nous inviter à Grenoble pour une intervention publique.
CRIIRAD 29 Cours Manuel de Falla 26 000 VALENCE 04 75 41 82 50 www.criirad.org
NOTES
[1] L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est une administration française qui assure les missions, au nom de l’État, de contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection en France (travailleurs du nucléaire, environnement, populations locales) et de l’information des citoyens. Plus d’infos sur www.asn.fr
[2] Après l’accident de la centrale de Tchernobyl (Ukraine, 1986) et afin d’aider la population et les médias à comprendre immédiatement la gravité d’un incident ou d’un accident dans le domaine nucléaire, une échelle de gravité a été créée, semblable à l’échelle de Richter qui informe sur la puissance des tremblements de terre.
[3] L’ILL dispose d’un réacteur nucléaire de recherche d’une puissance de 58 MW. Il produit des faisceaux de neutrons permettant de sonder la matière. C’est l’une des sources de neutrons la plus intense du monde. Elle est utilisée pour des recherches chimiques, biologiques, à des fins médicales, industrielles ou militaires. Plus d’infos sur www.plan-g.info
[4] Certains de ces événements sont présentés dans le texte Pourquoi il faut fermer le CEA Grenoble, disponible sur www.plan-g.info
[5] Contaminations radioactives : atlas France et Europe, André Paris et CRIIRAD, éditions Yves Michel, 2002.

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