Les insultes racistes contre Christiane Taubira
Lors d’un déplacement de Christiane Taubira à la
cour d’appel d’Angers (Maine-et-Loire), vendredi 25 octobre 2013, une
adolescente qui faisait partie d’un groupe d’opposants au mariage homosexuel,
réunis à l’extérieur de l’édifice, avait comparé la ministre de la Justice à
une "guenon".
Le lundi suivant, de
passage à Toulouse, la ministre est revenue sur le sujet : "Très
franchement, sur ma personne, c’est absolument sans importance. Ce qui me
paraît extrêmement grave, c’est qu’il y a des personnes, de plus en plus, qui
s’affranchissent [...] [du] respect de la loi et qui profèrent des insultes,
des injures, des menaces". "Ça me paraît extrêmement inquiétant pour
la société, pour les personnes qui sont vulnérables, qui risquent, elles,
d’être exposées à ces comportements et parfois à des passages à l’acte en terme
d’agressions", a-t-elle poursuivi.
L’historien Pascal
Blanchard revient dans un entretien sur les attaques dont la ministre est
victime [1],
et François Morel s’adresse à la jeune Angevine, lui conseillant de manger
beaucoup de bananes.
Dans sa chronique du
vendredi 1er novembre, il lui demande « C’est pour qui la
banane ? » :
Pascal Blanchard : « C’est un racisme pur
et dur, un racisme de peau »
Des cris de singe, des
bananes brandies, des dessins de guenon. « Je n’ai rien à dire à des
personnes qui profèrent de telles paroles, qui sont je le rappelle, un
délit. » Hier encore, interpellée sur les insultes racistes qu’elle essuie
régulièrement, Christiane Taubira a rappelé sa ligne : ne pas surréagir
sur les attaques à sa personne, mais s’inquiéter des paroles racistes proférées
avec une impunité de plus en plus grande.
Christiane Taubira est la cible d’insultes racistes
de plus en plus brutales. Pourquoi ?
L’erreur serait de penser
que cette brutalité n’existait pas avant. En réalité ce qui était invisible est
rendu visible, un interdit a sauté. Des mots qui étaient il y a peu de l’ordre
du scandale ou de l’interdit surgissent sur la scène publique : lors de
manifestations ou dans les reportages télévisés. Ce qu’on entendait jusqu’alors
dans les stades de foot - des cris de singe à l’entrée des joueurs sur le
terrain, des phrases comme « il y a trop de Noirs dans l’équipe de
France » - est dit désormais tout à fait ouvertement contre une ministre.
Pourquoi ces personnes qui profèrent des injures
racistes osent-elles ?
Elles ont l’impression que
leur opinion est devenue la norme. Que la majorité des Français les
soutiennent. Des intellectuels tiennent des propos islamophobes, des magazines
font des unes du même acabit, pourquoi le citoyen lambda n’aurait pas le droit
lui aussi de tenir de tels propos ? Les barrages ont sauté les uns après
les autres depuis dix/quinze ans. Ceux qui profèrent des propos racistes à
l’encontre de Christiane Taubira lui reprochent d’être illégitime à son poste,
non pas pour des questions de compétence, mais au nom de sa « race »,
qui serait inférieure et ne pourrait participer à la société politique. C’est
un racisme pur et dur, un racisme de peau, qui fait penser à l’Amérique des
années 30 ou à la France coloniale. Pour les racistes, Christiane Taubira est
devenue l’ennemie. Ça n’est malheureusement pas fini, elle va focaliser
désormais cette violence.
Pourquoi ça va continuer ?
Elle cumule quatre points
de fixation forts et indélébiles. C’est une femme : elle ne serait pas légitime
à son poste. Elle vient de l’outre-mer : depuis quand ceux-là viennent
dire à la métropole ce qu’elle doit faire ? Elle est noire : et elle
ose représenter la Justice ? Enfin, elle a porté deux textes
emblématiques : le premier, lorsqu’elle était députée, sur la mémoire de
l’esclavage, symbole de la repentance pour les racistes et les
néocolonialistes, le second sur le mariage pour tous. Elle est la démonstration
parfaite - en tout cas c’est celle que faisaient Charles Maurras ou Maurice
Barrès au début du XXe siècle - que si une personne noire entre dans le
système, elle le détruit de l’intérieur. C’est bien pourquoi au temps des
colonies, le système refuse le droit de vote aux colonisés. Ajoutons qu’elle a
de l’argumentaire et de la conviction politique, qu’elle n’a besoin de personne
pour se défendre : l’abattre politiquement, c’est abattre tous ceux qui
voudraient suivre son exemple. C’est tuer un symbole.
Pensez-vous que la réaction politique, associative
ou médiatique a été à la hauteur de la violence des attaques ?
Non. Il y a tant
d’attaques en ce moment, qu’il faudrait passer son temps à y répondre… Les
intellectuels, les hommes politiques ou les médias, n’arrivent plus à
mobiliser. A une époque d’angoisse identitaire, de crise et de doutes face à
notre politique migratoire, le premier réflexe est désormais souvent :
« Ah non on ne va pas encore parler de ça… » Encore une fois, ce
n’est pas parce que la loi Gayssot a interdit l’expression d’opinions racistes
qu’elles n’existaient plus. L’interdit sur ces mots-là est levé moralement
aujourd’hui, ces cris de singe et ces bananes sont devenus un langage, des
codes qui sont parfaitement compris dans l’espace public, et les élites ne
savent plus comment y répondre. Il va falloir éduquer et agir autrement et
décoloniser ces imaginaires qui irriguent encore la société française.
Christiane Taubira, à Toulouse, le 28 octobre
2013 :
Appel "France,
Ressaisis-toi !"
En solidarité avec
Christiane Taubira, nous vous invitons à soutenir l’appel d’un élu de la République
(Steevy Gustave, Adjoint au Maire de Brétigny sur Orge), en signant
l’appel : " France, ressaisis-toi" !
Pour cela, cliquez sur ce lien : http://franceressaisistoi.wesign.it/fr
Pour cela, cliquez sur ce lien : http://franceressaisistoi.wesign.it/fr
Notes
[1]
Pascal Blanchard a notamment codirigé La France noire en 2011 et La France
arabo-orientale, qui vient de sortir aux Editions La Découverte.
Le Délégué
Diois de la Ligue des Droits de l'Homme.
http://www.ldh-france.org/
http://www.ldh-france.org/
Ligue des droits de
l'Homme
LDHrhonealpes@aol.com
Section Dioise
LDHrhonealpes@aol.com
Section Dioise
Chastel et Bassette
26150 Die
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