Les plus réactionnaires,
Patrons de la Grande Distribution, Patrons du MEDEF, Droite dure de la Manif’
pour tous et cléricaux de tous poils, exploitants de l’agriculture intensive et
chimique de la FDSEA, et autres pollueurs
s’apprêtent à manifester à Quimper…Alors que les problèmes qu’ils ont crées
de toute pièce leur empêche de voir leurs propres erreurs. MCD
En Bretagne, un modèle agricole intensif à bout de
souffle
Samedi 2 novembre, des
représentants des entreprises Tilly-Sabco, Doux ou Gad manifesteront dans les
rues de Quimper. Les salariés de ces abattoirs de volaille et de porcs sont les
victimes les plus visibles de la crise qui secoue le secteur agroalimentaire en
Bretagne.
La fermeture de l'abattoir
Gad de Lampaul-Guimiliau (Finistère), du siège finistérien de cette entreprise
et d'un autre site à Saint-Nazaire vont se traduire par près de 900
licenciements. Chez Doux, près d'un millier d'emplois ont d'ores et déjà
disparu et l'entreprise est toujours en redressement judiciaire. Quant à
Tilly-Sabco, il est sur la corde raide.
Ces trois entreprises ont
en commun d'être nées au moment où la Bretagne a misé sur l'agriculture
intensive. Avec peu de terres disponibles, des personnes très formées et
motivées, cette région excentrée a choisi de tourner le dos à la petite ferme
de polyculture et d'élevage traditionnelle pour installer des porcheries et des
élevages de poulets à l'échelle industrielle. Un virage négocié à partir des
années 1960, porté par la politique de décentralisation.
Bâtiments d'élevage, abattoirs,
usines d'alimentation animale et entreprises agroalimentaires se sont déployés
dans cette région qui représente 7 % du territoire national. Des sociétés
privées comme Gad, Tilly-Sabco ou Doux, mais aussi de grosses coopératives
comme Cooperl, Cecab ou Triskalia ont connu un développement rapide. Et la
Bretagne s'est imposée non seulement comme la première région productrice de
porcs - avec plus de 50 % de la production nationale -, mais aussi d'œufs (plus
de 40 % de la production du pays). C'est, en outre, en Bretagne que sont
élevées près du tiers des volailles de consommation.
Par ailleurs, la région
s'est imposée dans l'exportation de poulets congelés, en particulier vers les
pays du Moyen-Orient, grâce à un type de subventions à l'export octroyées par
Bruxelles et dénommées "restitutions".
Mais les premières limites
du "modèle" breton ont commencé à apparaître au milieu des années
1990. Avec l'ouverture des marchés européens, négociée dans le cadre de
l'Organisation mondiale du commerce, l'agriculture bretonne axée sur le volume
et les faibles marges s'est trouvée confrontée à la concurrence de pays comme
le Brésil. Au sein même de l'Europe, avec l'entrée dans l'Union des ex-pays de
l'Est, des distorsions de concurrence sont apparues entre la France et des pays
comme l'Allemagne, qui ont recours dans leurs abattoirs à la main-d'œuvre
roumaine ou polonaise payée au salaire de leur pays d'origine. Quant aux
"restitutions", elles ont commencé à baisser, et l'Union européenne a
voté leur disparition à terme.
A cet accroissement des
problèmes de concurrence est venue s'ajouter la fluctuation du prix des
matières premières agricoles, de plus en plus spéculatives. Or, l'élevage
breton importe une bonne part de la ration, en particulier le soja, devenu plus
coûteux au fil des ans. Le développement de la grande distribution, qui pèse
inexorablement sur les prix et les marges de ses fournisseurs, a aussi
contribué à mettre le secteur sous tension.
Enfin, avec la
densification de l'élevage s'est posée la question du traitement des rejets.
L'élévation du taux de nitrate dans l'eau est devenue un sujet de préoccupation
pour les organisations environnementales mais aussi pour les citoyens. Les
algues vertes sur les plages bretonnes ont frappé les esprits. Tous les tenants
de l'élevage intensif n'ont pas de mots assez durs pour qualifier la circulaire
Le Pensec-Voynet de 1998, qui selon eux a contribué "à briser leur
élan" et "à vitrifier l'élevage". L'arrêt donné à l'extension
des élevages et les différentes directives, européennes comme françaises, ont
tenté de réduire les impacts environnementaux. Les stations de traitement des
lisiers se sont multipliées dans les élevages.
UN DOSSIER COMPLEXE
Le paquebot de
l'agroalimentaire breton a continué à voguer sur sa lancée. Mais
progressivement, des voies d'eau l'ont fragilisé. Des rapports sur la crise de
la filière porcine et avicole ont été commandés et se sont accumulés sur les
bureaux des gouvernements successifs. Mais le sujet est complexe. Les rivalités
entre entreprises, les querelles de clochers, les intérêts de chacun, les
influences politiques ne facilitent pas la mise en place d'un projet ou d'une
coopération régionale, les récentes manifestations bretonnes l'ont prouvé.
Le mouvement de
contestation s'est cristallisé sur le rejet de l'écotaxe, devenue un symbole du
"pouvoir jacobin". Il a fédéré une coalition hétéroclite, regroupant
les tenants d'une agriculture productiviste comme la FDSEA, branche bretonne du
syndicat agricole FNSEA, et les Jeunes Agriculteurs, qui demandent moins de
contraintes environnementales, les délégués FO des entreprises Doux et Gad, des
représentants des transporteurs, du Medef régional, de la grande distribution
et des élus. Ils sont à l'origine de l'appel à manifester samedi à Quimper.
D'autres refusent de se
joindre au mouvement. Comme la CFDT. "Le modèle breton, basé d'abord sur
les volumes, est à bout de souffle", reconnait le syndicat, qui ajoute :
"est-ce à dire que tout l'agroalimentaire breton est en crise ? Non, la
plupart des entreprises qui ont fait le choix de la valeur ajoutée, de la
qualité et de l'innovation s'en sortent bien, et elles ont un vrai avenir si
elles sont accompagnées dans cette recherche".
Les entreprises qui
tombent aujourd'hui, comme Doux ou Gad, filiale de Cecab, ne peuvent pas
uniquement invoquer la crise pour expliquer leur situation. Choix stratégiques
aventureux et mauvaise gestion sont les premières causes de leur chute. Même si
elle vit une crise structurelle, la Bretagne garde donc de nombreux atouts sur
les marchés agricoles et agroalimentaires. A condition toutefois que les
acteurs soient capables de discuter et de mettre en place un
"nouveau" modèle.
Laurence Girard
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire