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samedi 2 novembre 2013

Quand le populisme et conservatisme vont en guerre...


Les plus réactionnaires, Patrons de la Grande Distribution, Patrons du MEDEF, Droite dure de la Manif’ pour tous et cléricaux de tous poils, exploitants de l’agriculture intensive et chimique de la FDSEA, et autres pollueurs  s’apprêtent à manifester à Quimper…Alors que les problèmes qu’ils ont crées de toute pièce leur empêche de voir leurs propres erreurs. MCD
En Bretagne, un modèle agricole intensif à bout de souffle
Samedi 2 novembre, des représentants des entreprises Tilly-Sabco, Doux ou Gad manifesteront dans les rues de Quimper. Les salariés de ces abattoirs de volaille et de porcs sont les victimes les plus visibles de la crise qui secoue le secteur agroalimentaire en Bretagne.
La fermeture de l'abattoir Gad de Lampaul-Guimiliau (Finistère), du siège finistérien de cette entreprise et d'un autre site à Saint-Nazaire vont se traduire par près de 900 licenciements. Chez Doux, près d'un millier d'emplois ont d'ores et déjà disparu et l'entreprise est toujours en redressement judiciaire. Quant à Tilly-Sabco, il est sur la corde raide.
Ces trois entreprises ont en commun d'être nées au moment où la Bretagne a misé sur l'agriculture intensive. Avec peu de terres disponibles, des personnes très formées et motivées, cette région excentrée a choisi de tourner le dos à la petite ferme de polyculture et d'élevage traditionnelle pour installer des porcheries et des élevages de poulets à l'échelle industrielle. Un virage négocié à partir des années 1960, porté par la politique de décentralisation.
Bâtiments d'élevage, abattoirs, usines d'alimentation animale et entreprises agroalimentaires se sont déployés dans cette région qui représente 7 % du territoire national. Des sociétés privées comme Gad, Tilly-Sabco ou Doux, mais aussi de grosses coopératives comme Cooperl, Cecab ou Triskalia ont connu un développement rapide. Et la Bretagne s'est imposée non seulement comme la première région productrice de porcs - avec plus de 50 % de la production nationale -, mais aussi d'œufs (plus de 40 % de la production du pays). C'est, en outre, en Bretagne que sont élevées près du tiers des volailles de consommation.
Par ailleurs, la région s'est imposée dans l'exportation de poulets congelés, en particulier vers les pays du Moyen-Orient, grâce à un type de subventions à l'export octroyées par Bruxelles et dénommées "restitutions".
Mais les premières limites du "modèle" breton ont commencé à apparaître au milieu des années 1990. Avec l'ouverture des marchés européens, négociée dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, l'agriculture bretonne axée sur le volume et les faibles marges s'est trouvée confrontée à la concurrence de pays comme le Brésil. Au sein même de l'Europe, avec l'entrée dans l'Union des ex-pays de l'Est, des distorsions de concurrence sont apparues entre la France et des pays comme l'Allemagne, qui ont recours dans leurs abattoirs à la main-d'œuvre roumaine ou polonaise payée au salaire de leur pays d'origine. Quant aux "restitutions", elles ont commencé à baisser, et l'Union européenne a voté leur disparition à terme.
A cet accroissement des problèmes de concurrence est venue s'ajouter la fluctuation du prix des matières premières agricoles, de plus en plus spéculatives. Or, l'élevage breton importe une bonne part de la ration, en particulier le soja, devenu plus coûteux au fil des ans. Le développement de la grande distribution, qui pèse inexorablement sur les prix et les marges de ses fournisseurs, a aussi contribué à mettre le secteur sous tension.
Enfin, avec la densification de l'élevage s'est posée la question du traitement des rejets. L'élévation du taux de nitrate dans l'eau est devenue un sujet de préoccupation pour les organisations environnementales mais aussi pour les citoyens. Les algues vertes sur les plages bretonnes ont frappé les esprits. Tous les tenants de l'élevage intensif n'ont pas de mots assez durs pour qualifier la circulaire Le Pensec-Voynet de 1998, qui selon eux a contribué "à briser leur élan" et "à vitrifier l'élevage". L'arrêt donné à l'extension des élevages et les différentes directives, européennes comme françaises, ont tenté de réduire les impacts environnementaux. Les stations de traitement des lisiers se sont multipliées dans les élevages.
UN DOSSIER COMPLEXE
Le paquebot de l'agroalimentaire breton a continué à voguer sur sa lancée. Mais progressivement, des voies d'eau l'ont fragilisé. Des rapports sur la crise de la filière porcine et avicole ont été commandés et se sont accumulés sur les bureaux des gouvernements successifs. Mais le sujet est complexe. Les rivalités entre entreprises, les querelles de clochers, les intérêts de chacun, les influences politiques ne facilitent pas la mise en place d'un projet ou d'une coopération régionale, les récentes manifestations bretonnes l'ont prouvé.
Le mouvement de contestation s'est cristallisé sur le rejet de l'écotaxe, devenue un symbole du "pouvoir jacobin". Il a fédéré une coalition hétéroclite, regroupant les tenants d'une agriculture productiviste comme la FDSEA, branche bretonne du syndicat agricole FNSEA, et les Jeunes Agriculteurs, qui demandent moins de contraintes environnementales, les délégués FO des entreprises Doux et Gad, des représentants des transporteurs, du Medef régional, de la grande distribution et des élus. Ils sont à l'origine de l'appel à manifester samedi à Quimper.
D'autres refusent de se joindre au mouvement. Comme la CFDT. "Le modèle breton, basé d'abord sur les volumes, est à bout de souffle", reconnait le syndicat, qui ajoute : "est-ce à dire que tout l'agroalimentaire breton est en crise ? Non, la plupart des entreprises qui ont fait le choix de la valeur ajoutée, de la qualité et de l'innovation s'en sortent bien, et elles ont un vrai avenir si elles sont accompagnées dans cette recherche".
Les entreprises qui tombent aujourd'hui, comme Doux ou Gad, filiale de Cecab, ne peuvent pas uniquement invoquer la crise pour expliquer leur situation. Choix stratégiques aventureux et mauvaise gestion sont les premières causes de leur chute. Même si elle vit une crise structurelle, la Bretagne garde donc de nombreux atouts sur les marchés agricoles et agroalimentaires. A condition toutefois que les acteurs soient capables de discuter et de mettre en place un "nouveau" modèle.
Laurence Girard

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